Dans plusieurs pays d’Europe et depuis plusieurs jours, un puissant mouvement de révolte du monde agricole et paysan a démarré. Réunions ministérielles d’urgence et rencontres avec les syndicats se succèdent pour les gouvernements, qui craignent que la contestation monte encore d’un ton.

Après, notamment, la France et l’Allemagne, c’est au tour des agriculteur·rices wallon·ne·s d’entrer dans la danse, avec une série d’actions menées ces derniers jours et encore prévues dans les jours qui viennent. Le ministre wallon de l’Agriculture, Willy Borsus (MR), prétend prendre « fait et cause pour les agriculteurs » (L’Écho), alors que son parti est responsable, tant au niveau wallon, fédéral, qu’européen, de la libéralisation et de la destruction du monde agricole dénoncée par les organisations paysannes. Comme le souligne la FUGEA : « La libéralisation de l’agriculture détruit à petit feu nos exploitations ; il est plus que temps de revoir les règles de jeu. Il faut arrêter de nous prendre pour des magiciens : être plus vert avec moins d’argent (baisse des budgets de la PAC) et en étant concurrentiel sur les marchés mondiaux, ce n’est pas possible. »

Pour les travailleur·euses du monde rural, la situation est intenable économiquement, et ne fait qu’empirer. Élément central de la contestation : la Politique Agricole Commune (PAC), qui encadre tout le secteur de l’agriculture. La PAC verse des subsides aux agriculteur·rices, conditionnés par des critères en partie écologiques, mais dans les faits, la lenteur et la complexité des procédures avantagent surtout les grandes exploitations, celles qui savent jouer avec les règles.

N’en déplaise aux représentant·e·s de l’agrobusiness et aux gouvernements complices, un allègement ou une pause des réglementations écologiques ne changera rien au problème.

N’en déplaise aux représentant·e·s de l’agrobusiness et aux gouvernements complices, un allègement ou une pause des réglementations écologiques ne changera rien au problème (c’est pourtant ce que plaide Willy Borsus, « plus de souplesse dans l’application des normes environnementales », selon L’Écho). Au contraire : les paysan·ne·s et leurs enfants sont les premières victimes des perturbateurs endocriniens. On ne compte plus les cas de maladies graves causés par l’utilisation du glyphosate de Monsanto… et si leurs récoltes sont de plus en plus faibles chaque année, c’est en grande partie à cause du réchauffement climatique. La catastrophe écologique impacte les paysan·ne·s encore plus directement que le reste de la population, et les mobiliser pour une pause revient à les mobiliser contre elleux-mêmes.

Les causes de la détresse paysanne sont à chercher dans la nature de ce capitalisme néolibéral, prédateur et destructeur, productiviste, qui épuise les sols autant que les corps, et pousse à toujours plus de concurrence.

Les causes de la détresse paysanne sont à chercher dans la nature de ce capitalisme néolibéral, prédateur et destructeur, productiviste, qui épuise les sols autant que les corps, et pousse à toujours plus de concurrence. Le secteur agricole est complètement inféodé au libre marché, et appauvrit les paysan·ne·s par une pression toujours plus grande de l’agrobusiness et de la grande distribution. En France, la FNSEA prétend défendre les premier·ères, mais son discours anti-écologiste, qui prend l’Union européenne comme unique bouc émissaire, et esquive la question des prix planchers et des revenus des agriculteur·rices, ne sert que les seconds.

Le passage à une production alimentaire de qualité, respectueuse de la santé humaine, de l’environnement et des paysan·ne·s, sera un enjeu fondamental face aux crises vers lesquelles nous entraîne le capitalisme. Il faut donc une rupture franche avec le modèle de l’agrobusiness, comme avec celui de la PAC soi-disant « verte ». Cette rupture ne peut être conduite que par les travailleur·euses du secteur elleux-mêmes, qui doivent en prendre le contrôle, de la production des semences jusqu’aux rayons des magasins. En s’emparant des moyens gigantesques dont disposent l’agrobusiness et la grande distribution, tout devient possible : la fin des pesticides de synthèse, l’accès à la terre, un salaire paysan, des produits de base gratuits et de qualité, et même une sécurité sociale de l’alimentation.

En continuant à construire la mobilisation aux côtés des organisations paysannes progressistes, et malgré les coups de frein de ceux qui parlent en leur nom, les paysan·ne·s ouvrent la voie.


Photo : Les agriculteur·rices du Valenciennois (France) et des environs bloquent l’autoroute A2 à Valenciennes dans le sens Bruxelles-Paris, le 24 janvier 2024. (Dominique Botte / Gauche anticapitaliste / CC BY-NC-SA 4.0)

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