Carte blanche publiée dans Le Vif du 30 mai 2018 !

Chaque année la Pride commémore les émeutes de Stonewall contre les violences policières envers les personnes LGBTQI+. Son histoire nous rappelle que cette journée n’est pas qu’une fête, mais aussi une manifestation afin de visibiliser les discriminations, les agressions, les humiliations, que subissent quotidiennement les personnes dont le genre ou la (a)sexualité s’expriment en dehors de la norme cis-hétéro-patriarcale. Pour vraiment faire la fête, pour la faire tous les jours, il nous reste encore beaucoup de droits à acquérir.

Pour faire la fête, il nous faut également un espace sûr et bienveillant. Or il nous est impossible de rire, danser, et chanter, aux côtés de l’extrême droite, de racistes et de policier·e·s. La Pride réquisitionne l’espace public par et pour les personnes LGBTQI+, les associations et organisations en lien avec cette communauté, et leurs allié·e·s. Nous refusons de défiler sagement sans questionner l’organisation du cortège ni la complaisance avec certain·e·s partis/organisations qui n’ont pas leur place dans nos luttes. Si refuser la récupération marchande, le pinkwashing, l’homonationalisme s’appelle aujourd’hui contre-manifester, alors nous le revendiquons haut et fort : nous sommes les contre-manifestant·e·s !

Cette année encore, des voix s’étaient pourtant élevées pour que cette journée ne soit pas une parade électorale ni une vitrine du capitalisme rose. Ces voix n’ont pas été entendues par les organisateurs/trices. La Pride est devenue incontournable dans l’agenda politico-médiatique. La présence des entreprises, du monde de la finance et des politicien·ne·s qui se pavanent, détourne nos luttes au profit d’une politique néolibérale, raciste, colonialiste, patriarcale, transphobe, sérophobe et putophobe. Parmi ces indésirables, la présence remarquée de la N-VA est un point de rupture.

Nous ne trouvons aucune raison d’accepter la présence de la N-VA à nos côtés. Ce parti jouit déjà d’une pleine liberté d’expression: son discours passe ad nauseam dans les médias, nous le connaissons jusqu’au bout des ongles ! Mais il jouit aussi d’une liberté d’action en étant majoritaire aux différents échelons politiques du pays. Or, pour nos droits on ne doit rien à la N-VA. Pire, le “plan d’action interfédéral contre la discrimination et la violence à l’égard des personnes LGBTI” de Zuhal Demir, basé sur la répression et le racisme, n’est que l’application de leur idéologie homonationaliste islamophobe. Rappelons également que le thème de la Pride 2017 « Crossing Borders » était la migration et le droit d’asile. Un an après, la RainbowHouse publiait un communiqué constatant qu’aucune des revendications de la Pride n’avait été mise en oeuvre par le gouvernement fédéral. Personne ne peut croire que la N-VA œuvre en quoi que ce soit pour améliorer l’accueil des personnes réfugiées et sans-papiers, LGBTQI+ ou non, encore moins après la mort d’une enfant de 2 ans tuée par les balles de la police de Jambon et de Francken.

En dernier recours, des actions ont été entreprises le long du parcours de la Pride pour défendre les valeurs de diversité et de tolérance, contre le char de la N-VA. S’en est suivi l’arrestation violente de certain·e·s activistes et la condamnation précipitée des actions par Elio de Bolle, coordinateur de la Pride. La légitimité des actions se passera du soutien de M. De Bolle car la Pride ne lui appartient pas, ni à lui ni à celleux qui l’organisent, mais à la communauté qu’elle représente. Quant aux violences subies lors des arrestations, elles sont le reflet de la violence quotidienne de la police, celle-là même qui s’est illustrée ces derniers mois par des rafles et des déportations de personnes migrant·e·s et sans-papiers, une répression des mouvements sociaux ainsi que des visites domiciliaires intrusives chez les personnes trans. Entre deux descentes à la gare du nord, on nous envoie les Rainbow Cops défiler sous les drapeaux arc-en-ciel, mais signer la charte des participant·e·s de la Pride ne donne pas l’absolution de leurs violences.

Nous ne partageons pas tou·te·s les mêmes modes d’action. Entre activistes, performeurs/euses, non-violent·e·s, allié·e·s sur place ou virtuel·le·s, l’important est de nous reconnaître une solidarité forte afin de ne pas se laisser dévier d’un but commun. Chacune de nos actions converge dans la revendication de plus de droits pour tou·te·s. Chacune a son importance et elles se renforcent mutuellement. Marquer son soutien face à la répression policière empêche que les arrestations de manifestant·e·s ne soient encore plus brutales et sert à visibiliser l’illégitimité de leur détention, à accélérer leur libération. Que ce soit lors de la Pride ou lors d’autres manifestations féministes réprimées telle la “Reclaim the Night” en mars 2018.

Le 17 mai 2019, nous célébrerons le cinquantenaire des émeutes de Stonewall. Pour organiser cette prochaine édition, nous appelons à un grand débat public avec les différent·e·s acteurs/trices et organisateurs/trices de la Belgian Pride et de la Maison Arc-en-Ciel. Celui-ci permettrait de faire entendre démocratiquement notre propos et d’obtenir des promesses claires de la part des différentes coupoles. Nous gardons l’espoir que la contre-manifestation reprendra le dessus et qu’il ne sera plus question de tolérer la N-VA, la police et ses violences, le racisme et l’homonationalisme! La signature d’une charte et la participation à la Pride ne peuvent être de simples formalités accessibles à des structures porteuses d’inégalités. Nous refusons la dépolitisation de nos luttes. Nos identités ne sont ni nationales ni marchandes, elles sont politiques. Contre-manifestant·e·s, activistes et non-violent·e·s, uni·e·s ensemble pour se faire entendre tant qu’il le faudra.

Par le Collectif de Lutte Trans, la Gauche anticapitaliste, et un collectif de 82 signataires

  • le collectif Bledarte,
  • le Cercle Féministe de l’ULB,
  • la Formation Léon Lesoil,
  • Garance ASBL,
  • Guerrilla Resistance,
  • Le Space,
  • le Poisson Sans Bicyclette,
  • Queers Support the Refugees BXL,
  • l’Union des Progressistes Juifs de Belgique,
  • l’Union Syndicale Étudiante,
  • Lucie Allo (cercle féministe de l’ULB),
  • Adam Amir (ancien président du cercle du libre examen et bénévole au GRIS),
  • Soroy Annab,
  • Ariane (Guerrilla Resistance),
  • Pascale Barret (artiste queer),
  • Hamza Belakbir (allié),
  • Aurore Belot (être humain dotée d’une conscience),
  • Naïs Bernat (artiste queer),
  • Meredith Borodine (cercle féministe de l’ULB),
  • Rose Butch (artiste),
  • Charlotte de Bruges (blogueuse moche),
  • Madame Charvet (hôtesse de caisse),
  • Laura Chaumont (Safe Space Initiative, Garance ASBL),
  • Roxanne Chinikar (psychologue),
  • Marina Cognée (militante féministe bisexuelle),
  • Marie-Laure Coulmin Koutsaftis (documentariste, CADTM),
  • Claire Dandoy (Garance ASBL),
  • Denis De Joncker (militant),
  • Thibaut De Meulemeester (Gauche anticapitaliste),
  • Maurice Descurieux (allié),
  • Elise Dethier (féministe),
  • Sarah Dieu (militante transféministe),
  • (Gauche anticapitaliste),
  • Sirius Filippini (militant et activiste trans vnr),
  • Joana Flores (artiste, militante et activiste trans-latina-lesbo-vnr.),
  • Delphine Fuchs (agricultrice),
  • Pauline Forges (Gauche anticapitaliste),
  • Sébastien Gillard (journaliste),
  • Sébastien Gratoir (sociologue-enseignant Haute Ecole),
  • Bénédicte Janssen (Cercle féministe de l’ULB),
  • Elias Jenkins (artiste, militant et activiste trans-pd-vnr.),
  • Irène Kaufer (militante féministe),
  • E. K. (activiste queer),
  • Marina Kontara,
  • Frej•a Korsbaek (militant transféministe, artiste, Jeunes anticapitalistes),
  • Ève Lagrange (relaxotherapeute),
  • Lisette Lombe (artiste),
  • Céline Lory (artiste-musicienne),
  • Betel Mabille (afroféministe – travailleuse et militante LGBTQI et antiraciste),
  • Aphrodite Maravelaki (enseignante, militante féministe, membre d’Antarsya),
  • Patricia Mélotte (psychologue),
  • Youri Mora (UPJB)
  • Moriganne (dompteresse gouine et transféministe),
  • July Munsya Bomengi (Cercle féministe de l’ULB),
  • Pauline Musin (Garance ASBL),
  • Fanny Paquet (féministe),
  • Anaïs Pereira (architecte, militante féministe et alliée),
  • Pierre Popoff (militant étudiant en médecine),
  • Ronnie Ramirez (cinéaste, membre de Zin TV),
  • Anne Raymon,
  • Milady Renoir (poétesse militante intersectionnelle, alliée de la lutte des Sans Papiers),
  • Elisa Rigo (Gauche anticapitaliste),
  • Esteban Rozenwajn (Gauche anticapitaliste),
  • Sha Nsk (artiste),
  • Méline Sahiri (afroféministe),
  • Philippe Santini (militant syndical et LGBTQI+),
  • Catarina Santos (Guerrilla Resistance),
  • Deborah Sarura (performeuse et alliée),
  • Alcess Seg (éducatrice spécialisée),
  • Douglas Sepulchre (étudiant en histoire et sociologie, allié),
  • Maïa Silovy (Cercle féministe de l’ULB),
  • Juliette Thévenin (Cercle féministe de l’ULB et Elles tournent),
  • Isaac Thomas (artiste),
  • Gaelle Thorrout (Travailleuse sociale),
  • Emeline Toucourt (musicienne, comédienne),
  • Manon Vandam (artiste),
  • Micah Vanheste (militante LGBTQI, activiste trans-lesbo-vnr),
  • Apolline Vranken (architecte militante féministe),
  • Hugo Vranken (Jeunes anticapitalistes),
  • Cathou Wallemacq (artiviste queer, gouine, grosse),
  • Emily Worms (artiste),
  • Irène Zeilinger (directrice de Garance).
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