Le dimanche 4 mai, des quartiers de Molenbeek et Jette ont fait l’objet de violentes ratonnades perpétrées par des supporters du club de Bruges (la capitale hébergeait la Coupe de Belgique de football ce soir-là). Face à une centaine de néonazis dans leurs quartiers, les habitant·es ont fait face à des scènes d’une grande violence et à plusieurs mises à tabac faisant état de plusieurs dizaines de blessé.e.s et plusieurs hospitalisations; tout ça sous les yeux d’une police complice et d’un État indifférent. Des centaines de supporters ont également saccagé deux rames de métro dans le centre de Bruxelles, expression d’une haine contre une capitale cosmopolite.
Molenbeek n’a pas été attaquée par hasard. Cette commune, symbole de diversité et de solidarité malgré la précarité, fait depuis des années l’objet d’une stigmatisation systématique. Politiques, éditorialistes, policier.e.s et figures d’extrême droite l’ont désignée comme un « problème » : “terreau du terrorisme”, “zone de non-droit”, “enclave étrangère” au cœur de Bruxelles. Eric Zemmour avait même appelé à “bombarder Molenbeek” suite aux attentats de Paris. Cette construction médiatico-politique a eu des effets très concrets : elle a préparé le terrain pour que sa population soit vue et traitée comme une cible légitime. Quand on répète sans relâche qu’un quartier est une menace, on rend inévitable qu’un jour, des gens s’autorisent à y porter la violence.
Cet événement n’était pas imprévisible. Des saluts nazis ont déjà été clairement identifiés dans les stades, de même que des chants antisémites et des banderoles contre les antifascistes. Au-delà du cas du club de Bruges, ces pratiques sont tristement bien connues de l’extrême droite et sont pour elle une stratégie délibérée : viser des populations perçues comme étrangères pour les violenter et terroriser. Ce racisme décomplexé est le résultat direct de la banalisation des idées d’extrême droite et la radicalisation vers la droite, en Belgique comme ailleurs. Des partis comme la N-VA et le MR, avec la complicité des Engagés, du CD&V et de Vooruit, contribuent au processus de normalisation de l’extrême droite, avec un gouvernement Arizona soutenu par des figures des plus infâmes du réseau international fasciste et qui défend des politiques migratoires racistes qui n’ont rien à leur envier. Ce qu’il s’est passé dimanche est l’expression la plus violente de cette idéologie, mais il s’agit bien des mêmes fondements. Le MR, dans un processus d’extrême-droitisation de plus en plus flagrant et incarné en premier lieu par son président Georges-Louis Bouchez, s’est une nouvelle fois illustré dans ce cas-ci en plaçant sur une égalité les ratonnades des néonazis et la défense de celleux qui les ont subies.
Face à une telle injustice : la révolte, la colère, le choc mais aussi la solidarité. Près d’une centaine d’habitant·es du quartier et personnes venues en soutien se sont ainsi retrouvé.e.s le lendemain des scènes de violences pour se soutenir. A la suite des faits, le soir même et le lendemain, plusieurs jeunes étaient présent.e.s dans différents quartiers de Bruxelles pour se défendre et ont connu une importante répression, contrairement à leurs agresseurs. Au total, ce sont plus d’une soixantaine d’arrestations le dimanche et une vingtaine le lundi soir, y compris des mineurs. La Gauche anticapitaliste adresse sa solidarité et son soutien aux victimes de ces raids racistes et à leurs proches, ainsi qu’à celles et ceux qui subissent la répression d’État.
Le football est un champ de lutte gangrené comme le reste de la société par le capitalisme et les oppressions : ce n’est qu’en combattant ensemble ceux-ci que nous verrons refluer les vagues brunes parmi les supporters. Les groupes de supporters antifascistes dans plusieurs clubs démontrent qu’une autre pratique est possible. Ce dont nous avons besoin ce n’est donc pas de plus de répression et de moyens policiers, une institution fondamentalement complice du racisme d’État et qui ne peut protéger les quartiers qu’elle harcèle quotidiennement. Le ministre de l’intérieur Quintin (MR) affirme que la police doit « faire peur » et revient avec son projet autoritaire de fusion des polices, quand son gouvernement crée les conditions sociales pour l’explosion de la criminalité autour du trafic de drogue. Nous défendons une toute autre vision de société, dans laquelle ce sont les fascistes et les criminels en col blanc qui doivent avoir peur. Dans laquelle la société contrôle démocratiquement des forces répressives limitées à leurs tâches et qui ne servent pas à compenser les missions défaillantes de la collectivité (asile, santé mentale, usage de drogue, etc). Une société dans laquelle la solidarité des quartiers populaires est un modèle de résistance et d’autodéfense collective. Nous avons besoin de campagnes antiracistes et antifascistes, y compris contre la politique migratoire meurtrière et contre les violences policières.
Nous le redirons haut et fort et tant qu’il le faudra : l’extrême droite et la droite radicalisée qui lui pave la voie sont dangereuses, et nous devons les combattre partout et tout le temps, notamment en rejoignant les front de luttes unitaires locaux et nationaux comme la Coordination antifasciste de Belgique.
La Gauche anticapitaliste, le11 Mai 2025