À la mi-septembre le rapport final de la Commission Bossuyt (chargée de l’évaluation de la politique de retour) revient avec une « proposition alternative concernant les (très controversées) visites domiciliaires ».

Rappelez-vous 2018 : une importante mobilisation citoyenne pousse de nombreuses communes (plus de 150, une sur trois !) à voter des motions condamnant le projet de permettre des visites domiciliaires pour traquer les migrants hébergés par des citoyens.

Le projet est mis au frigo ?

La pression est forte, y compris dans les milieux libéraux, le gouvernement recule. Koen Geens (CD&V) déclare dans De Standaard « en Belgique francophone, la loi semble inaudible ou taboue. Donc il n’est pas évident que cette loi soit appliquée durant cette législature ». Dans la foulée, des sources proches de Charles Michel déclarent à la presse « on a perdu la bataille de la communication » sur ce sujet.

Mais le projet refait donc surface, deux gouvernements plus loin, sous une nouvelle forme avec le rapport de la Commission Bossuyt. Celle-ci consiste à contourner l’obstacle du texte controversé en augmentant la peine de prison associée à l’infraction du séjour irrégulier de 3 mois (actuellement) à un an… Lorsqu’une infraction est passible d’un an de prison, il est possible de saisir un juge d’instruction. Ce juge aurait alors le pouvoir de délivrer un mandat d’arrêt ou de perquisition. D’emblée, le collège des procureurs généraux dénonce « un détournement de procédure ».

Notons également que dans les premières semaines de la législature actuelle, la N-VA a déposé une proposition de loi qui vise de nouveau à autoriser les visites domiciliaires pour arrêter un étranger sous le coup d’un ordre de quitter le territoire. Saisi par requête unilatérale, un juge d’instruction pourrait autoriser cette « visite », menée au besoin avec l’aide d’un serrurier, même s’il s’agit du domicile ou du lieu de résidence d’un tiers(1)Ce 16/11, le Conseil d’État émet un avis critique sur cette proposition de loi de la N-VA instaurant la possibilité de visites domiciliaires pour arrêter un étranger sous le coup d’un ordre de quitter le territoire. Le texte « doit être fondamentalement revu », estime-t-il..

Début novembre 2020 : Dans la note de politique générale « asile et migration » il est prévu qu’« une solution alternative sera recherchée au problème des étrangers sans titre de séjour légal qui refusent de quitter leur demeure ». Et revoilà, au milieu de toute une série de phrases ambiguës, l’accent mis sur les retours (volontaires, voire, au besoin, forcés). Le Master Plan sur la construction de nouveaux centres fermés n’est, de ce fait, pas remis en question. Cependant, il semblerait qu’on n’y enfermera plus des enfants. Que faut-il dès lors entendre dans la phrase qui suit cette annonce dans l’accord : « Le Gouvernement prendra également des mesures alternatives pour éviter qu’il soit abusé de ce principe pour rendre le retour impossible » ? De même, après avoir dit que la détention en vue du retour forcé doit être limitée au strict minimum que faut-il entendre par : « Parallèlement, il prendra des mesures pour empêcher que l’éloignement soit rendu impossible par une absence manifeste de collaboration » ?

Un Kit à monter

En clair, ça veut dire quoi ? Ce 16 novembre, dans l’émission CQFD sur La Première – RTBF, le nouveau Secrétaire d’Etat Sammy Mahdi (CD&V) semble un peu dans l’embarras et déclare très confusément « Il faut savoir que dans le passé, parfois (dans) la police, ils ne savaient pas toujours ce qu’ils pouvaient faire ou pas. Le problème dans les faits, c’est que quand certaines personnes restent dans une maison et qu’on a pris la décision qu’ils ne peuvent pas rester ici (en Belgique) , il n’est pas évident d’avoir une politique de retour qui soit réussie ». Et d’ajouter : « Tout ce que j’ai à dire là-dessus, c’est qu’il faut trouver un accord avec les partis dans le gouvernement, et donc j’en discuterai avec les partis du gouvernement pour avoir une solution qui soit la plus ferme et correcte possible ».

Il est évident que la question des « visites domiciliaires » reste un sujet de discorde au sein du gouvernement comme le concède Vincent Van Quickenborne (Open VLD), l’actuel Ministre de la Justice : « Il a été convenu au sein du gouvernement de ne pas faire cela. C’est une étape dépassée. C’est une question très sensible politiquement, également au sein de notre parti. Sous le gouvernement précédent, ça n’a pas réussi, encore moins dans celui-ci, dont la composition est de toute façon différente » (De Standaard – 7 novembre).

Mais de nombreux outils qui permettent de se rapprocher d’une nouvelle formule de « visites domiciliaires » sont évoqués dans la note gouvernementale. Comment interpréter les « alternatives à la détention » (contrôles administratifs et/ou policiers réguliers, assignation à résidence, caution, surveillance électronique…) si ce n’est qu’elles vont à coup sûr donner l’image du migrant délinquant à la personne sans titre de séjour qui aura à les subir ? Et surtout comment assembler ces différentes pièces sans se donner les moyens d’accéder au foyer qui l’héberge ?

N’en déplaise à certain.e.s qui voient des aspects positifs à ce gouvernement, sous le vernis d’un langage plus soft, la vigilance est de mise.

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