Le dimanche 16 avril, le CRACPE – Collectif de Résistance Aux Centres Pour Étrangers- organise la manifestation annuelle contre le centre fermé pour étrangers de Vottem (Liège), un des six centres fermés (prisons qui cachent leur nom) en Belgique, destinés à préparer l’expulsion des personnes qui n’ont pu obtenir l’asile, ou un autre titre de séjour, à cause des politiques restrictives des gouvernements successifs.
Ce sera l’occasion pour les manifestant.e.s de soutenir les revendications portées par le CRACPE : suppression des centres fermés ; arrêts des expulsions ; pour une politique d’asile et d’immigration qui respecte les Droits Humains ; régularisation des sans- papiers !
La Gauche Anticapitaliste a interviewé notre camarade France Arets, active dans le CRACPE et le Collectif Liégeois de Soutien aux Sans-Papiers. Propos recueillis par Denis Horman

GA : Début mars, le gouvernement « Vivaldi » (MR- VLD, PS-VOORUIT, ECOLO-GROEN et CDNV ) a marqué son accord sur une série de mesures en matière d’asile pour tenter de résoudre la « crise migratoire ».
Que penses-tu de cet accord ?

France Arets : Tout d’abord, je voudrais dire qu’il n’y a pas de crise migratoire. Il y a plutôt une crise de l’accueil des personnes étrangères.
Le dernier accord gouvernemental « Vivaldi » sur la migration, adopté en ce mois de mars 2023, est extrêmement décevant ! Malgré la création de places dans de nouveaux centres ouverts pour demandeur.euses d’asile (petit à petit, jusqu’en compris 2024 !) et la protection de certaines catégories (les enfants, les femmes victimes de violences, les apatrides..), il est surtout prévu d’augmenter le nombre de détentions en centres fermés. Mais aussi de multiplier les « coachs de retour » pour favoriser les retours dits « volontaires ». Somme toute, il s’agit d’accroître fortement le nombre d’expulsions.

GA : Y aurait-il une volonté délibérée du gouvernement de laisser pourrir la situation, de noircir le tableau pour monter la population contre cette migration « incontrôlable » ?

F.A. : On ne peut accepter un Etat qui ne respecte ni les Droits Humains ni les conventions internationales. L’Etat ne respecte même pas la loi. Faut-il rappeler que les demandeurs d’asile ont droit à un hébergement en attendant le traitement de leur dossier, et ce, dès l’introduction de leur demande ?

Résultat, des personnes demandeuses d’asile abandonnées n’ont d’autre choix que l’occupation illégale de bâtiments insalubres, ou des tentes au bord du canal à Bruxelles ou ailleurs. Plusieurs droits fondamentaux sont régulièrement violés, au mépris de toutes les conventions internationales.

Malgré plus de 8 000 condamnations judiciaires de Fedasil, la situation reste inchangée. L’Etat ne paie même pas ses astreintes.
On tente d’effrayer la population en faisant croire à un afflux de réfugié.e.s, ce qui n’est pas le cas. S’il manque des places, c’est parce que depuis l’accueil des Syriens en 2015-2016, la capacité d’accueil a été volontairement réduite d’abord par la Secrétaire d’Etat à la Migration, Maggie De Block, puis par ceux qui lui ont succédé, Théo Francken, Sammy Mahdi.

GA : Que fait-on de l’obligation d’assistance à personne en danger ? N’est-ce pas le cas pour toutes ces personnes qui fuient leur pays d’origine et demandent un titre de séjour en Belgique ou ailleurs ?

F.A. : Ces personnes ont fui des persécutions de toutes sortes, qu’elles soient politiques, racistes, sexistes ou homophobes, mais aussi la guerre, les conséquences du réchauffement climatique, la misère liée à l’exploitation du Sud par le Nord, ou à la dette… Or, les voies légales de migration sont quasi inexistantes en Europe. On ne peut accepter une Union Européenne, qui aujourd’hui encore discute de renforcer les murs aux frontières, d’en construire de nouveaux. Une « forteresse » Europe et ses gouvernements, qui, de ce fait, devraient être considérées comme responsables de la mort de milliers de personnes, noyées en Méditerranée, abattues aux frontières, mortes suicidées dans des centres de détention, torturées et tuées après avoir été expulsées…

Oui, l’UE a du sang sur les mains ! Une UE, une des régions les plus riches du monde, une UE qui, via ses grandes entreprises multinationales, maintient dans le sous-développement et la misère une grande partie des populations de ces pays « dits » en développement.

J’ajoute que, pour celles et ceux qui parviennent jusqu’à nous, c’est la précarité, la surexploitation, qui convient bien à une partie du patronat, aux marchands de sommeil ; c’est l’absence de droits pendant des années, puisque la régularisation du séjour est même refusée à celles et ceux qui travaillent, ont suivi des formations, à celles et ceux dont les enfants fréquentent nos écoles…

GA : Revenons-en aux centres fermés pour étrangers : le premier objectif de la manifestation est d’exiger leur suppression.

F.A. : Il y a de quoi être révoltés ! Les centres fermés sont pires que des prisons. Les personnes qui y sont enfermées ne sont pas détenues pour avoir commis un délit ! Elles n’ont pas été jugées, ne sont passées devant aucune instance judiciaire. La durée du séjour est, dans la plupart des cas limitée à 5 mois par la loi. Cependant elle peut être beaucoup plus longue, puisque dès que l’on refuse une expulsion le compteur est remis à zéro. Ce sont des lieux de non-droit !

L’objectif de ces centres est de mettre en œuvre l’expulsion, et tous les moyens sont bons pour briser la résistance des personnes détenues.
Et, si elles tiennent le coup, la résistance sera définitivement brisée au moment de l’expulsion : menottées, entourées d’une sangle, avec la technique du saucissonnage, insultées, battues.

A Vottem, il existe aussi « l’aile spéciale » pour les personnes dites « ingérables ». Elles sont dans une solitude intégrale, y compris lors de la sortie au préau. De quoi devenir fou !

Je voudrais rappeler, qu’ au centre fermé de Vottem, il y eu cinq décès : trois suicides pour échapper à l’expulsion, impossible à vivre, et deux morts en cellule d’isolement, faute de soins appropriés et forcément personne pour entendre l’appel au secours.

Voilà des raisons plus que suffisantes pour être en plus grand nombre possible, pour se retrouver, le dimanche 16 avril, sur la place Saint-Lambert, à 14h et marcher ensemble jusqu’à Vottem, camp de la honte !

Le lien Facebook de l’évènement de la Marche contre le centre fermé de Vottem du 16 avril 2023 de 14h à 17h: https://fb.me/e/49w2mACi1

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