Ciel couvert, froid de canard mais « Plus chauds, plus chauds, plus chauds que les fachos ! » ce dimanche 21 mars à Mons, au pied de l’écrasante silhouette de la Collégiale Sainte-Waudru et blottis autour de la (moche) statue monumentale toute en facettes argentées qui trône au milieu du Square Roosevelt.

Une bonne centaine de personnes pour une manif statique et masquée, à crier ras-le-bol et colères contre ce racisme immonde qui pète la forme partout ces derniers mois, particulièrement via les violences policières envers les sans-papiers et les jeunes racisé.e.s. On comptait une bonne centaine de participant.e.s dont une grosse majorité de jeunes. Le gros de troupes était fourni par les JOC et le Groupe montois de Soutien aux Sans-Papiers mais la section montoise de la Gauche anticapitaliste, les jeunes de Comac, ainsi que Vie féminine, Borinage 2000 (FGTB) et les militantes féministes de la Mutinerie Montoise étaient également bien représenté.e.s.

Quelques prises de parole dont celle, remarquée, de la porte-parole du Groupe montois de Soutien aux Sans-Papiers qui, dans un texte dense (voir ci-dessous), rappelle à quel point la cité du Doudou, qui eut le triste privilège d’héberger en son palais de justice raciste le procès Mawda, n’est pas en reste de racisme institutionnel au sein de sa police communale. Pendant que quelques un.e.s déclenchaient des fumigènes en signal de révolte et de détresse, s’ensuivit la lecture de la liste des victimes récentes mortes de violences policières. Une minute de silence ponctuait notre hommage durant lequel les flics bien présents et en nombre ridiculement disproportionné dans les rues adjacentes se montrèrent discrets excepté une furtive apparition sur le parvis de Sainte-Waudru d’où ils furent copieusement hués !

François Houart

Prise de parole du 21 mars 2021 à Mons        

Nous reproduisons ci-dessous, avec l’autorisation de l’auteure, la prise de parole de Valérie Cardinal au nom du Groupe montois de Soutien aux Sans-Papiers.

Aujourd’hui, nous sommes le 21 mars.

Tout au long de la journée, partout en Belgique, il y aura des rassemblements comme celui-ci à l’initiative de la Plateforme 21/3.

Pour rappeler, encore et toujours, qu’il est plus que jamais nécessaire de redoubler d’efforts pour éliminer toutes formes de racisme et de discrimination raciale et mettre fin aux violences policières.

À Mons, c’est une première et l’évènement d’aujourd’hui s’est construit à l’initiative de 8 co-organisateurs : les JOC Mons-Borinage, Gauche Anticapitaliste Mons, Borinage 2000 (l’asbl d’éducation permanente de la FGTB), Comac UMons, le Local autogéré du Borinage (LAB), Vie Féminine Centr’hainaut, La Mutinerie Montoise et le Groupe Montois de Soutien aux Sans-Papiers dans lequel je milite avec d’autres présent.e.s ici aussi. Merci à toutes et tous pour cette belle co-organisation unitaire, pour être là aussi nombreux aujourd’hui.

Cette date du 21 mars n’a pas été choisie par hasard

C’est en 1966 que le 21 mars a été décrétée par les Nations Unies « journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale ». Le 21 mars 1960, à Sharpeville, en Afrique du Sud, la police ouvrait le feu et tuait 69 personnes et en blessait 180 autres lors d’une manifestation non violente contre les lois relatives aux laissez-passer imposés par l’apartheid. Depuis lors, le 21 mars est un jour férié en Afrique du Sud.

Si l’apartheid a été aboli depuis 1991, le racisme reste un fléau mondial contre lequel il faut lutter sans relâche.

Le racisme, c’est quoi ?

C’est une IDÉOLOGIE qui classe les personnes dans des groupes prétendument naturels en fonction de leur appartenance à une ethnie, un État ou une religion, et qui établit une HIÉRARCHIE entre ces groupes. Le RACISME n’est pas une simple opinion, c’est un DÉLIT !

Et les discriminations raciales ?

Quant aux DISCRIMINATIONS RACIALES, contrairement au racisme, elles ne reposent pas forcément sur des présupposés idéologiques. Elles peuvent être DIRECTES lorsqu’une personne est, pour un motif illégitime, moins bien traitée qu’une autre se trouvant dans une situation analogue mais il arrive aussi souvent qu’elles soient INDIRECTES OU STRUCTURELLES quand des lois, des politiques ou des pratiques aboutissent, en dépit de leur apparente neutralité, à une inégalité.

Les discriminations raciales sont donc présentes au niveau individuel mais aussi aux niveaux structurel et institutionnel, tant en matière d’emploi (refus d’embaucher, de former ou de promouvoir une personne dite racisée) qu’en matière de logement ou encore dans le secteur de la santé, dans celui des services, dans l’accès restreint ou refusé à certains cafés ou lieux de sortie

De même, par rapport à la police, on ne peut nier le fait que les contrôles d’identité visent plus spécialement les personnes dites racisées. À Mons, je pense plus spécialement aux brigades PUMAS (pour Patrouille Urbaine Montoise d’Appui et de Sécurisation), dont le bourgmestre Nicolas Martin en avait fait un axe important de son programme électoral.

Ces discriminations ont des conséquences décuplées quand elles trouvent à s’appliquer aux personnes sans titre de séjour reconnu sur le territoire de la Belgique.

  • Discrimination face à l’emploi

Quand on n’a pas de papier, on n’a pas non plus de permis de travail. Mais il faut bien vivre… Et donc travailler pour des salaires de 3, 4 ou 5 euros de l’heure (quand on est payé.e !) pour des patrons véreux qui n’hésitent pas à exploiter une main d’œuvre fragilisée.

  • Discrimination face au logement

Quand on n’a pas de revenus déclarés, impossible de fournir des fiches de salaires pour accéder à un logement. Et quand on tente de décrocher une visite d’un bien mis en location, il n’est pas rare de s’entendre dire qu’il vient juste d’être loué dès qu’on a annoncé son nom ou dès que le propriétaire rencontre son futur locataire, un peu trop bronzé à son goût… Mais il faut bien se loger… Et donc compter sur la solidarité de membres de sa communauté, sur la solidarité citoyenne, voire ouvrir des bâtiments inoccupés depuis des années ou investir des églises ou d’autres lieux pour en faire des occupations politiques.

  • Discrimination face à la police

Avec ici encore des implications graves pour les personnes sans-papier qui seraient ramenées au commissariat de police pour un contrôle d’identité. Et qui seraient ainsi soumises à la décision de l’Office des Étrangers, prise dans les 24h, de les libérer ou de les faire envoyer en centres fermés (de vraies prisons !) dans l’attente de leur expulsion. Le chef de corps de la police de Mons, que nous avions rencontré il y a quelques années, nous avait rappelé que c’était la loi (et « De wet is de wet » comme dirait Maggie !). Alors qu’il serait tout aussi efficace de procéder au contrôle au sein du combi de police sans ramener la personne au commissariat au vu des risques qu’elle encourt. De même, quand une personne sans-papier est victime d’un vol, d’une agression, d’un viol, c’est d’abord, selon la loi toujours, son statut sans-papier qui primera. Depuis cette rencontre avec le chef de corps, on n’a pas avancé d’un iota sur la reconnaissance du statut de victime (ou de témoin) quand une personne sans-papier souhaite déposer plainte.

  • Discrimination face à la justice

La preuve avec l’affaire Mawda dans laquelle le présumé chauffeur de la camionnette, un jeune kurde irakien, est condamné à 4 ans de prison FERME pour entrave méchante à la circulation avec circonstance de mort quand le policier qui a sorti son arme, l’a chambrée, a tenté de viser le pneu de la camionnette pleine de gens pour en assurer la crevaison lente (c’était sa ligne de défense !) et a finalement logé une balle dans la tête de Mawda est condamné, lui, à une peine d’un an AVEC SURSIS. Peine qu’il trouve encore trop lourde et vis-à-vis de laquelle il a eu l’indécence de faire appel, infligeant ainsi un nouveau procès aux parents de sa petite victime. Le parquet, le même jour, a fait appel contre le présumé convoyeur, jeune kurde irakien lui aussi, pourtant acquitté en première instance faute de preuve.

Alors, continuons à exiger ensemble la fermeture des centres fermés, l’arrêt des expulsions, la régularisation des personnes sans-papiers ainsi que des solutions d’accueil dignes pour les migrant.e.s en transit.

En un simple clic(1)www.wearebelgiumtoo.be, devenons, si ce n’est déjà fait, un ou une des porte-voix des 150.000 personnes sans-papier vivant en Belgique en rejoignant la campagne « WEAREBELGIUMTOO » initiée par Sans Papiers TV et la Coordination des Sans-Papiers de Belgique.

Je terminerai en disant que s’il y a bien une sorte de consensus pour condamner le racisme en général et les comportements individuels de racisme, reconnaître le caractère systémique et structurel du problème semble moins évident pour beaucoup.

Or, nous vivons dans un système capitaliste de reproduction des inégalités. Et ce dans tous les domaines ! C’est cela qui constitue notamment le caractère structurel ou systémique du racisme et des discriminations raciales.

Alors, combattons-le racisme au niveau individuel bien sûr, par exemple en ne se faisant pas complice de discours racistes par un silence coupable, en évitant de généraliser à toute une communauté un jugement qui porte sur une personne en particulier, en réagissant aux publications racistes sur les réseaux sociaux, en continuant à se former et à s’informer.

Mais surtout changeons le système !

Valérie Cardinal