Carte blanche publiée dans Le Soir du 5 mars 2018 et co-signée par nos camarades de Féminisme Yeah !.

L’intitulé interpellant d’un colloque (« Egalité femmes-hommes : où en est-on ? ») à l’initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles fait réagir de nombreuses personnes qui y voient une remise en question du bien-fondé des luttes contre les violences faites aux femmes. Elles déplorent également des erreurs de casting dans le choix des invités.

« Égalité femmes-hommes : où en est-on ? » Tel est l’intitulé du colloque organisé le 7 mars par le Bureau du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’occasion de la Journée internationale des luttes pour les droits des femmes. Si l’on se réfère à la présentation du colloque et à la liste des intervenant.e.s, la réponse est simple : on n’en est nulle part.

Pour commencer par le choix des invité.e.s : un simple survol des noms aboutit à constater la totale absence de diversité : l’égalité ne concernerait-elle pas les femmes de toutes origines ?

Plus en détail, regardons l’organisation de la journée : le panel numéro deux prévoyait certes de réunir la ministre Isabelle Simonis (qui a l’égalité dans ses compétences), ainsi que des représentantes d’associations (dont certaines ont depuis décliné l’invitation). Mais l’on peut se poser de sérieuses questions quant à la composition du premier panel. Car il peut paraître étrange qu’en cette veille de 8 mars qui, cette année, met à l’honneur les activistes rurales et urbaines (thématique Nations Unies), le parlement de la FWB trouve pertinent de « discuter » le mouvement #MeToo : en se demandant s’il n’est pas l’indice d’un féminisme qui exprime « la haine des hommes » (position exprimée dans la tribune des 100 parue en janvier et signée notamment par la professeure historienne Anne Morelli) ou s’il ne signifie pas que « Les nouveaux censeurs progressistes nous préparent un enfer » (Raphaël Enthoven dans Le Figaro en janvier), pour citer deux des invité.e.s.

Et les femmes philosophes ?

La FWB trouve donc pertinent d’inviter le philosophe médiatique Raphaël Enthoven. Dans le mouvement « Balance ton porc », il est l’un de ceux/celles qui voient d’abord les risques de « délation », bien que très peu de noms aient été « balancés ». Il donne de manière constante son avis sur ce que les féministes « devraient faire », voire devraient penser, si bien que certain.e.s ont rebaptisé ironiquement sa chronique matinale sur Europe 1 « Les féministes se plantent ». Si le souhait de la FWB était de prendre un peu de hauteur face à ce mouvement qui bouleverse les rapports de pouvoir, n’y avait-il pas des personnalités plus compétentes en la matière, et notamment des philosophes femmes ? Car oui, les femmes ne se contentent pas de « balancer » ou de militer, elles réfléchissent et ouvrent des perspectives d’actions aussi, malgré une certaine invisibilité médiatique, et le 8 mars est une bonne occasion de le rappeler (nous pensons notamment à Geneviève Fraisse, qui analyse les récents mouvements féministes sous l’angle politique, ou Manon Garcia, qui décortique la notion de consentement…). Et si le souhait du parlement était de donner aussi la parole à des hommes, pourquoi ne pas inviter un féministe (par exemple l’un des signataires de la tribune #WeToo, avec un autre Raphaël, Glucksmann cette fois) ?

Le parlement de la FWB trouve approprié de poser, dans sa présentation (non publique) aux possibles intervenant.e.s, cette question : « Jusqu’à quel point une femme doit-elle tolérer des comportements déplacés ? » Imagine-t-on un débat sur l’égalité entre personnes blanches et non blanches, où l’on s’interrogerait sérieusement pour savoir jusqu’à quel point les secondes « doivent tolérer des discriminations » ? Imagine-t-on, lors de la journée contre l’homophobie, d’inviter un.e philosophe qui nous expliquerait que l’homophobie est certes condamnable, mais que les LGBTQI exagèrent et que bientôt on ne pourra plus se déclarer hétérosexuel.le ?

Quelles « dérives ? »

Interpellée, la FWB plaide pour un « débat contradictoire », comme si la parole des femmes, à peine « libérée », devait déjà être mise en question. A quand un débat intitulé « Violences faites aux femmes : pour ou contre » ?

Tout cela va à l’encontre d’autres positions prises par la FWB, comme le projet AlterEgales ou la signature de la Convention d’Istanbul par laquelle les autorités s’engagent, à leurs différents niveaux, à lutter contre les violences faites aux femmes. Vouloir mettre l’accent sur les supposées « dérives » de cette lutte – dérives jusqu’ici surtout fantasmées – participe d’un « backlash » (un retour en arrière) qui permet de masquer l’objectif principal : mettre fin aux violences. S’il y a bien un sujet qui mérite toute l’attention d’un parlement à l’occasion du 8 mars, c’est la mise en place de mesures concrètes de prévention et de lutte contre ces violences.

Heureusement, le mouvement féministe est bien plus riche, plus plein de ressources (autres que matérielles, qui manquent cruellement), plus diversifié, plus vivant, allant de l’avant. Et ses luttes ne se limitent pas au 8 mars et à la période attenante, elles vont se poursuivre tous les jours de l’année, et concerneront tous les domaines, de l’éducation à la justice.

Signataires : Priscilla Adabe Helledy, actrice et fondatrice de monsprym.com ; Leila Agiċ, présidente des Jeunes Socialistes de Molenbeek ; Cinzia Agoni, militante pour les droits des personnes handicapées ; Latifa Ait-Balaa, vice présidente des Femmes MR ; Tüline Akay, militante féministe ; Judith Allard, citoyenne du monde ; Achaïso Ambali, militante afroféminine et femme de médias ; Noura Amer, présidente d’AWSA-Be ; Sema Aydogan, militante féministe ; Hafida Bachir, présidente de Vie Féminine ; Caroline Berliner, autrice et comédienne ; David Berliner, professeur ULB ; Françoise Berlanger, autrice et metteur en scène ; Anne Bernard, directrice du Centre Librex ; Cécile Bertrand, cartooniste ; Fabienne Bettex, formatrice en autodéfense féministe ; Fabienne Bloc, chargée de recherches EVRAS ; Nicolas Bogaerts, historien et journaliste ; Laurence Boudart, citoyenne ; Philippe Bouillard, professeur ULB ; Anne Boulord, journaliste ; Florence Brasseur-Maton, maître-assistante en langue française HEH ; Rolande Buyens, « Pour une meilleure justice » ; Laura Calabrese, professeure ULB ; Isabelle Capiaux, féministe ; Julie Carlier, réalisatrice, activiste féministe ; Valérie Carlier, groupe Femmes Femmes Femmes ; Annalisa Casini Mascagni, féministe ; Carmen Castellano, secrétaire générale des FPS ; Anne Cattiez, féministe ; Amandine Chatelain, militante et membre du café féministe « Le poisson sans bicyclette » ; Françoise Chatelain, chercheuse ULB ; Charlotte Chatelle, militante et membre du café féministe « Le poisson sans bicyclette » ; Laura Chaumont, féministe ; Françoise Claude, féministe ; Sandrine Cnapelinckx, femmes CDH, administratrice CFFB ; Joëlle Collard, psychologue-thérapeute ; Martine Collin, enseignante retraitée, chanteuse du groupe Gam ; Camille Coomans, chroniqueuse et militante féministe ; Daphné Coquelle, militante féministe queer inclusive ; Olivier Corten, professeur ULB ; Christelle Cotton, Pôle académique Louvain ; Philippe Crampagne, enseignant ; Marie-Eve Damar, maître de conférence ULB ; Mathieu De Backer, citoyen proféministe ; Florence Degavre, chercheure ; Michel Degreef, citoyen ; Dominique Deshayes, citoyenne ; Lisa De Henau, actrice ; Jérémie Detober, journaliste ; Ariane Dierickx Petit, directrice générale de l’ILot-Sortir du sans-abrisme ; Dolorès Dupaix, artiste photographe, systémicienne et féministe ; Matilda Delier, psychologue sociale et interculturelle ; Amélie Dogot, journaliste ; François Dubuisson, professeur ULB ; César Ernotte, étudiant ; Victoire Ernotte, étudiante ; Vinciane Fastré, assistante sociale ; Fanny Filosof, féministe ; Pauline Forges, Féminisme yeah ! ; Jean-Yves Franchère, professeur ULB ; Murielle Frenay, militante écolo ; Şeyma Gelen, militante féministe et antiraciste ; Florence Gérard, consultante en affaires européennes ; Laila Ghozzi, chargée de formation en éducation permanente féministe ; Laurent Godichaux, DJ et scénariste ; Henri Goldman, rédacteur en chef de la revue Politique ; Nathalie Grandjean, philosophe féministe, UNamur ; Anne Grauwels, UPJB ; Héloïse Guimin-Fatti, transféministe, artiste et chercheure indépendante ; Florence Hainaut, journaliste ; François Harray, écrivain et photographe ; Lara Herbinia, photographe ; Maggy Herzet, fonctionnaire ; Shirley Hicter, photographe ; Paola Hidalgo, féministe ; Philippe Hiligsmann, Doyen Faculté de philosophie, arts et lettres UCL ; Ella Hittvis, Feminisme Yeah ! ; Rosine Horincq, psychologue ; Cristal Huerdo Moreno, maître de langue Umons/Saint-Louis ; Patricia Ide, comédienne ; Manoë Jacquet, Plateforme pour la santé des femmes ; Rabab Khairy, administratrice de la Ligue des Droits de l’Homme ; Dorothée Klein, Femmes CDH ; Maria Lagana, militante pour une société égalitaire (genre, classe, race) ; Marie-Hélène Lahaye, autrice du blog « Marie accouche là » ; David Lallemand Pesleux, citoyen ; Lara Lalman, travailleuse et militante en éducation permanente et promotion de la santé ; Florence Lebailly, secrétaire générale de l’ASPH et d’Espace Seniors ; Martine Legros, pensionnée de l’enseignement ; Isabella Lenarduzzi, JUMP ; Myriam Leroy, journaliste et autrice ; Valérie Lootvoet, directrice de l’Université des Femmes ; Céline Lory, artiste-musicienne ; Véronika Mabardi, autrice ; Marie-Jo Macors, « indécrottable énervée par le sexisme et les violences faites aux femmes » ; Renaud Maes, professeur à l’Université Saint-Louis ; Jean Mahaux, photographe ; Luc Malghem, auteur ; Marie Mandy, réalisatrice ; Pascale Maquestiau, militante ; Xénia Maszowez, militante féministe ; Rosanne Mathot, journaliste ; Christine Matton, féministe et présidente de STEP ASBL ; Zoé Maus, sociologue, formatrice/enseignante ; Patrica Melotte, psychologue sociale ; Maco Meo, journaliste indépendante ; Daniele Meulders, professeure ULB ; Elisabeth Mertens, journaliste ; Véronique Meunier, directrice de l’ASBL « les Ateliers de la Chaise Musicale » ; Gaetane Meurice, féministe ; Christophe Mincke, co-directeur de la « Revue Nouvelle » ; Myriam Monheim, psychothérapeute ; Delphine Noels, réalisatrice ; Anne-Marie Obbiet, Féminisme Yeah !; Sabine Panet, rédactrice-cheffe d’Axelle magazine ; David Paternotte, professeur ULB ; Muriel Petit, féministe ; Charlotte Pezeril, université Saint-Louis, directrice de l’Observatoire du sida et des sexualités ; Valérie Piette, professeure ULB ; Perrine Pigeon, présidente de la Maison Plurielle ; Christine Planus, déléguée syndicale CGSP ; Nadine Plateau, CFFB ; Elsa Poisot, autrice et metteure en scène ; Marie-Christine Pollet, professeure ULB ; Donatienne Portugaels, administratice à l’Université des Femmes ; Inès Rabadan, autrice et réalisatrice ; Isabelle Rey, autrice et réalisatrice ; Ana Isabel Rodriguez, militante féministe ; Florence Ronveaux, instructrice en autodéfense pour femmes ; Geoffrey Roucourt, militant LGBTI+ ; Marcelle Saudoyez, citoyenne ; Cataline Sénéchal, coordinatrice Forum Abattoir ; Zack Smithson, historienne de l’art ; Hélène Spitaels, militante féministe ; Claire Stappaerts, Femmes cdH ; Laurence Stevelinck-Withofs, féministe ; Paola Stévenne, autrice et réalisatrice ; Simone Susskind, sénatrice fédérale PS et membre du Parlement régional bruxellois ; Edgar Szoc, auteur et enseignant ; Corinne Torrekens, professeure à l’ULB ; Dorothée Van Avermaet, citoyenne ; Aurore Van Opstal, militante et réalisatrice féministe ; Laurence Van Paeschen, chargée de communication ; Cécile Vanderpelen-Diagre, professeure-chargée de cours ; Pierre Van den Dungen, historien ULB ; Tania Van Hemelryck, conseillère du recteur pour la politique de genre (UCL) ; Marie-Hélène Vaurs, militante féministe ; Jeanne Vercheval-Vervoort, militante féministe ; Véronique Vercheval, photographe ; Magali Verdier, féministe ; Anne Vervier, formatrice en rédaction professionnelle ; Elodie Verlinden, chercheure ULB ; Corinne Vida, professeure de philosophie et de citoyenneté ; Pascale Vielle, professeure UCL ; Violaine de Villers, réalisatrice ; Viviane Wansart, comédienne ; Catherine Watrin, Maître-assistante en psychologie ; Julie Wauters, féministe ; Annie de Wiest, sociologue du genre ; Sophie-Judith Weverbergh, relectrice et écrivaine ; Irene Zeilinger, sociologue et formatrice d’autodéfense féministe ; – Marie-France Zicot, Responsable du projet « Pour une éducation à l’égalité des genres » des CEMÉA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active).

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