Les femmes ont joué un rôle essentiel au sein de la contestation au Soudan depuis décembre 2018, et continuent de le faire depuis la chute du dictateur al-Béchir en avril 2019.

Le niveau de participation des femmes et leur rôle dans l’organisation des luttes quotidiennes sont sans précédent dans l’histoire du pays. La présence des femmes dans les rues et les manifestations est massive. Elles s’investissent également dans les organisations de travailleurs·euses, y compris l’association des professionnels soudanais, et les partis de l’opposition au sein de la coalition des Forces de la Déclaration de la liberté et du changement (FDLC) qui mènent les négociations avec les hauts gradés de l’armée. Y participent également deux groupes féministes: l’initiative Non à l’oppression des femmes et les Groupes féministes civils et politiques, dont l’influence est clairement visible dans le programme de la coalition. Elle se traduit par exemple par la présence, parmi les demandes principales de la coalition, d’une revendication d’un quota de 40% réservé aux femmes dans l’assemblée législative et de la fin de toutes discriminations contre les femmes et l’égalité.

Il faut rappeler que le régime, mêlant militaire et fondamentalisme islamique, a particulièrement ciblé les femmes ces dernières décennies et depuis le début du soulèvement populaire. Sous le régime de el-Béchir, la charia, ou loi islamique, était la source de la législation menant notamment à la flagellation de femmes pour « comportement indécent », à des peines de prison ou des amendes pour les femmes accusées de porter une « tenue indécente » ou d’avoir un « comportement immoral ». Des ONG soudanaises de défense des droits des femmes affirment que plus de 15 000 femmes ont été condamnées à la flagellation en 2016 au Soudan. L’objectif du régime était de limiter et contrôler la présence des femmes dans l’espace public en durcissant les lois morales et pénales à leur encontre.

Depuis le début des mobilisations en décembre, les femmes ont été spécifiquement visées par les services de sécurité qui n’ont pas hésité à les emprisonner, les intimider et les harceler sexuellement. Des manifestantes détenues ont aussi vu leur chevelure entièrement rasée. Les mesures de répressions et d’agressions sexuelles constituent une arme utilisée à dessein contre des manifestantes pour affaiblir la mobilisation.

Le Soudan a une longue histoire d’activisme féminin, mais l’actuel processus révolutionnaire dépasse les mobilisations féminines du passé. La participation massive des femmes dans l’organisation des luttes populaires éclaire la profondeur et la radicalité de ce soulèvement populaire qui est loin d’avoir dit son dernier mot.

Le 3 juin 2019, le régime soudanais a lancé une répression meurtrière contre les manifestant·e·s qui occupaient depuis plusieurs semaines la place devant le quartier général du Conseil militaire de transition, faisant plus d’une soixantaine de mort·e·s et des centaines de blessé·e·s. En réaction, l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation, appelle à « la grève et la désobéissance civile totale et indéfinie », à des « marches pacifiques et des cortèges dans les quartiers, les villes, les villages », et à « renverser le Conseil militaire ».

Publié par solidaritéS.

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