Le 12 janvier 2023, Sourour Abouda, 46 ans, décédée dans un centre de détention à Bruxelles

Sourour Abouda travaillait au sein d’une organisation d’Éducation Permanente et d’Éducation Relative à l’Environnement. Elle était appréciée pour sa joie de vivre, son sens de la solidarité et son engagement politique, notamment féministe. A ce jour, les motifs exacts de l’interpellation de Sourour doivent encore être éclaircis. La presse parle d’ébriété, cela n’apparaît toutefois pas dans les rapports de police. Christos Doulkeridis (Ecolo), bourgmestre et responsable de la police d’Ixelles, dont dépend également le Centre de détention, a confirmé cet élément, l’état d’ébriété de Sourour n’est pas attesté. Son arrestation aurait été justifiée par sa présence dans un véhicule garé en double file qui n’était pas le sien. Elle y aurait tenu des propos incohérents. Les propriétaires dudit véhicule étaient dans les préparatifs d’un départ en vacances et auraient appelé les services de police. 

Sourour Abouda a été arrêtée administrativement à 5h50 du matin pour trouble à l’ordre public et placée en cellule de dégrisement à 6h32. A 8h34, son décès a été constaté par les agent·e·s de la Garde zonale Wacht(1)Cette Garde zonale Wacht (GZW) n’est pas un commissariat en tant que tel, plutôt un complexe cellulaire servant à détenir administrativement ou judiciairement les personnes arrêtées sur le territoire de la zone. Ce complexe est sous la responsabilité d’un service de la police de Bruxelles Capitale nommé Mercure. présents sur place. Selon les éléments communiqués à la famille, Sourour se serait étranglée elle-même avec son pull. Maître Selma Benkhelifa, avocate de la famille de Sourour – qui s’est également constituée partie civile(2)Action par laquelle la personne préjudiciée demande à l’auteur.e de l’infraction la réparation du dommage qu’elle a subi. Pour cela, elle peut s’adresser au tribunal pénal en se constituant partie civile ou introduire une action en réparation du dommage subi devant le tribunal civil. – et la famille de cette dernière contestent cette version, elles ne croient pas en la thèse du suicide. Soumaya Abouda, la sœur de Sourour, s’est adressée aux journalistes de la RTBF : Ma sœur n’était pas quelqu’un de suicidaire, elle avait un fils de 19 ans avec qui elle vivait et qui était tout pour elle. Elle ne l’aurait jamais abandonné

Pour Selma Benkhelifa, il est impossible d’accrocher quoi que ce soit dans les 20 cellules du commissariat situé 202A rue Royale, encore moins un vêtement pour s’y pendre. Selma Benkhelifa connaît bien les lieux pour s’y être rendue de nombreuses fois. Elle ajoute que le bâtiment de construction récente est le commissariat le plus sécurisé de la police fédérale à Bruxelles. Tout est mis en œuvre pour éviter les suicides. Il y a une dalle de béton en guise de lit dans chaque cachot avec une toilette en inox et une sonnette interphone qui permet de communiquer avec les gardiens. D’ailleurs, les policiers de la garde zonale se trouvent à moins de 20 mètres de la dernière cellule. De plus, ils viennent observer tous les prisonniers via l’œilleton de porte des cachots toutes les demi-heures. Des caméras de surveillance à 360 degrés y sont également installées, ainsi que dans le parking souterrain, à l’entrée principale, dans le couloir menant vers les cellules, dans les salles d’interrogatoires et les deux pièces pour les prises de photos et empreintes. Cela suscite évidemment certaines questions.

Selma Benkhelifa confirme que les images des caméras de surveillance ont été saisies et montreront ce qui s’est réellement passé. On espère qu’il n’y aura pas de dysfonctionnement ou autre problème technique qui empêcheront leur visualisation.  Le Comité P.(3)Le Comité P. est un organe permanent de contrôle externe des services de police, il est chargé de contrôler le fonctionnement global des services de police et de l’exécution de la fonction de police par l’ensemble des fonctionnaires compétents des services d’inspection ou de contrôle. Il est encadré par le Parlement fédéral. a ouvert une enquête, les images de la cellule dans laquelle Sourour est décédée ont été visionnées et une contre-autopsie a été ordonnée. 

D’anciens membres de la zone Mercure ont également confié aux journalistes de la RTBF que les parlophones des cellules du 202A de la rue Royale seraient régulièrement coupés et que le visionnage de films et les jeux vidéos seraient des pratiques courantes dans la salle de surveillance. Toujours selon d’anciens membres de la zone, un nombre important de policiers travaillant dans ce complexe ne serait pas formé aux techniques d’encadrement. Le contrôle des cellules – toutes les 30 minutes, comme le prévoit le règlement – ne serait pas respecté par tous les fonctionnaires de police. Les fonctionnaires de police sous le coup de mesures restrictives pour faits de harcèlement, de racisme, d’agression, etc. sont envoyés à la Garde Zonale Wacht où ils et elles ont la charge de personnes détenues. Cet autre policier témoigne : la réputation de cet endroit, c’est qu’on y est envoyé quand on est puni. En gros, si on fait mal notre job sur le terrain ou si on s’est pris une plainte, on peut nous envoyer là-bas pour nous écarter du travail de rue. (…) “Macaques”, “nègres”, “bougnoules”, ce sont des mots qu’on entend souvent (…) j’ai vu des suspects frappés, mais ça se passe plus souvent dans un véhicule, en l’absence de caméras. Dans les cellules ou à l’entrée, il y a une tendance à faire plus attention parce qu’on sait que c’est filmé

Ilyes Abbedou, laissé pour mort plus de 9 heures en cellule

Ilyes Abbedou, jeune ressortissant algérien de 29 ans, a été arrêté avec un ami le 19 janvier 2021 pour le vol présumé d’une veste. Il a été retrouvé sans vie dans le même complexe cellulaire de la Garde zonale Wacht. Selon les agents sur place, Ilyes était encore en vie à 23h39. Sa mort serait survenue à 4 heures du matin, mais les policiers ne constateront son décès que le lendemain, à 13h45. Un petit déjeuner lui a été apporté le matin alors qu’il était déjà décédé depuis plusieurs heures. Sur les images des caméras de surveillance, on peut apercevoir du sang s’écouler de son nez et de sa bouche. Il est alors 8h56, mais il faudra attendre près de 5 heures avant que son décès ne soit constaté. D’après le témoignage d’une personne présente sur le lieu d’arrestation d’Ilyes, celui-ci aurait été violemment frappé par la police. Une autre personne sans-papiers arrêtée en même temps qu’Ilyes confirme elle aussi les coups violents donnés par la police sur ce dernier. Après son décès, une photo prise par le consulat algérien montrerait de multiples marques de coups violents sur le visage d’Ilyes. Il serait mort dans les cellules de la Garde zonale des suites de ses blessures, sans qu’aucune assistance ne lui soit apportée. Malgré le fait qu’un médecin l’ait examiné avant son incarcération, aucun rapport ne mentionne des traces de coups. Le parquet a écarté l’intervention d’un tiers dans les causes du décès pour le motif que les violences subies par Ilyes ont été commises hors caméra. 

Ilyes Abbedou et son ami ont été séparés après la visite du médecin. Cet ami n’a pas vu Ilyes ressortir du commissariat où il se serait rendu plusieurs fois afin d’avoir de ses nouvelles. Les policiers de la GZW ne lui ont jamais notifié le décès d’Ilyes, mais ont certifié que celui-ci avait été libéré. Les policiers de la cellule Mercure ont reçu par l’Office des étrangers un Ordre de Quitter le Territoire pour Ilyes Abbedou à 01h30, ordre qui n’a jamais été mis à exécution. La Ligue des Droits Humains et DoucheFLUX(4)DoucheFlux est un centre de jour qui offre des services de première nécessité, un hébergement de transit pour femmes et couple et des activités redonnant confiance en soi et dignité aux personnes sans abri. Ces personnes peuvent, entre autres, y prendre une douche, laver leurs vêtements et participer à des tables d’écoute et de parole. Elles sont encadrées par un groupe de bénévoles. se sont constitués partie civile et ont exigé qu’une enquête indépendante soit ouverte. Le manque de communication, les retards administratifs et protocolaires ainsi que le rapport douteux du médecin légiste concernant la tache de sang retrouvée sur le nez d’Ilyes mettent en évidence les graves dysfonctionnements au sein de l’administration judiciaire.

Mohamed Amine Berkane est décéde le 13 décembre 2021

Le 12 décembre 2021, cet Algérien et sans-papiers de 26 ans a été arrêté pour le vol d’un téléphone portable. Il passera  la nuit à la GZW où il décédera, lui aussi. Le 13 décembre, à 14 heures, les fonctionnaires de police ont appelé le SMUR(5)Le SMUR, est une équipe médicale mobile destinée à délivrer une aide médicale urgente lors d’un accident ou d’une maladie lorsqu’un patient nécessite des soins ou une surveillance médicale.  pour une urgence. D’après les rares éléments de l’enquête communiqués par le Parquet, l’équipe médicale est arrivée trop tard et a constaté le décès aux environs de 15 heures. Mohammed avait pourtant été vu par un médecin avant d’être placé en cellule. Ce dernier avait attesté que l’état de Mohammed ne nécessitait plus de soins médicaux. 

L’avocat de la famille de Mohamed Amine, Maître Malik Boukhari, rappelle que lorsque les forces de l’ordre privent une personne de liberté, cette personne devient de facto sous l’autorité de l’Etat. D’où l’engagement de la responsabilité de l’Etat. Maître Boukhari fait part de sa préoccupation sérieuse, après avoir appris qu’une troisième personne (Sourour Abouda) était récemment décédée dans le même commissariat. Le parquet, qui avait demandé une autopsie préliminaire, a écarté dans son rapport la possibilité d’un décès par l’intervention d’un tiers. Autrement dit, le parquet exclut l’hypothèse d’un homicide, même involontaire. 

Le Soir s’est adressé au Comité P. afin d’obtenir des renseignements récents concernant la GZW, sans toutefois obtenir de réponse. Aucune information supplémentaire n’est communiquée dans le but de garantir la sérénité de l’affaire en cours. Aucun des deux bourgmestres siégeant au collège de police de Polbru (zone de police de Bruxelles-Capitale), Philippe Close – bourgmestre et responsable de la police la ville de Bruxelles – et Christos Doulkeridis – bourgmestre et responsable de la police d’Ixelles – ne donnent d’explications plus détaillées. Ils font part, en outre, de leur intention de ne pas interroger plus en avant le fonctionnement interne de ce lieu ! Christos Doulkeridis a confié, suite à la mort de Sourour Abouda, qu’il faudra se demander si le système est bon, si les protocoles sont bons, remettre cela en question. Annelies Verlinden (CD&V), Ministre de l’Intérieur, estime pour sa part qu’il n’y a pas lieu d’investiguer, bien que des personnes meurent dans des commissariats, où elles sont supposées être en sécurité. 

Trois morts en deux ans dans le même sous-sol, trois personnes aux origines maghrébines communes et aucune condamnation pour violences policières. Ce lieu désormais tristement célèbre est sujet tant aux critiques internes, qu’externes. 

Dieumerci Kanda est lui aussi décédé dans un commissariat

Dieumerci a perdu la vie dans le commissariat de la rue Démosthène à Anderlecht, en 2015. Il s’était rendu au poste de police afin de déclarer le vol de sa carte d’identité. La compagne de Dieumerci a reçu un appel de la police l’informant que ce dernier était bien dans les bureaux de la police : Votre mari est chez nous, entre de bonnes mains, on va prendre sa plainte mais il va rester un peu avec nous. Plus tard dans la journée, elle reçoit un second appel lors duquel elle apprend que Dieumerci se trouve à l’hôpital car il aurait tenté de mettre fin à ses jours. À l’hôpital, elle trouve Dieumerci dans le coma, en état de mort cérébrale. Il aurait été placé en cellule de dégrisement lors de son arrivée au poste de police en raison de son état d’ébriété et de son comportement menaçant. Il aurait ensuite été retrouvé mort dans sa cellule, pendu à son débardeur. Le dossier d’instruction est lacunaire, il n’y a pas de témoins oculaires au commissariat ; pas de rapport des ambulanciers ; pas de dossier médical. La police a d’abord refusé de montrer les images vidéos à la famille qui ne pourra les visionner que deux ans plus tard ! Sur celles-ci, on peut voir Dieumerci arriver au commissariat, mais le reste des images semble bien avoir été effacé. L’informaticien du tribunal n’aurait pas pu les récupérer. La sœur de Dieudonné conteste la version de la police. Sur une photo que celle-ci a prise à la morgue, on voit une contusion au cou qui aurait été faite avec un objet beaucoup plus fin qu’un débardeur.  L’autopsie ordonnée par le parquet confirme cependant la version de la police. Les audiences ont à chaque fois été reportées. La justice finira par prononcer un non-lieu en 2020, sans même que la famille ne soit convoquée. 

Lamine Bangoura, jeune belgo-guinéen de 27 ans, étouffé lors de l’expulsion de son logement(6)Voir article sur Lamine Bangoura par Joëlle SAMBI : https://www.gaucheanticapitaliste.org/justice-pour-lamine-bangoura/ à Roulers

Le matin du 7 mai 2018, Moïse Bangoura, appelé Lamine, reçoit la visite d’un huissier de justice et d’un serrurier, accompagnés par trois policiers suite à une notification d’expulsion de son logement pour retard de paiement de loyer. Lamine aurait refusé d’obtempérer et deux patrouilles de police ont été appelées en renfort. Lamine a été immobilisé sol, menotté et entravé aux pieds par des colsons. Un des policiers aurait également maintenu les bras de Lamine le long de son buste avec des sangles de déménagement. C’est le comportement agressif et menaçant de Lamine qui aurait justifié cette entrave. A ce moment-là, Lamine ne représentait plus aucun danger potentiel pour les huit policiers sur place. Malgré le fait qu’il ait été tout à fait immobilisé, les policiers ont maintenu une pression sur sa cage thoracique, qui, selon le médecin légiste, a entraîné la mort de Lamine. Reprenant l’argument de l’attitude agressive de Lamine, le juge de la Chambre du conseil de Courtrai a prononcé un non-lieu le 26 juin. La chambre des mises en accusation(7)La chambre d’accusation examine la régularité des procédures qui lui sont soumises. Si elle découvre une cause de nullité, elle peut prononcer la nullité de l’acte qui en est entaché et si cela est justifié, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure. En cas de désaccord avec la décision de la chambre du conseil, l’inculpé peut interjeter appel devant la chambre des mises en accusation, où il est donc présent en principe avec son avocat. Il s’agit d’une chambre de la cour d’appel. de Gand avait prononcé un non-lieux pour les six policiers et deux policières. Selon elle, un débat de fond n’aurait pas apporté pas un éclairage supplémentaire. La famille de Lamine devait payer 30.000 euros de frais de conservation de son corps mis sous scellés et 5000 euros de frais de procédure. Un procès public, comme le réclamait la famille, lui a été refusé. Les parents de Lamine ont dû attendre plus de trois ans et demi avant de pouvoir se recueillir devant la dépouille de leur fils. 

Sabrina Bakkali et Ouassim Toumi, 2017

Le 9 mai 2017, vers 21h30, une patrouille de police de la zone Bruxelles-Ixelles prenait en chasse un motocycliste place Poelaert qui s’engageait dans l’avenue Louise. Par radio, une patrouille de la brigade canine a entendu qu’une course-poursuite était en cours sur l’avenue Louise et aurait ralenti pour freiner le flux des voitures afin de ne pas mettre la vie des autres usagers en danger. Selon la version du Parquet, quasi instantanément, la moto a percuté par l’arrière gauche le véhicule de la brigade canine. Suite à l’impact, le véhicule de police s’est mis en travers de la route. La patrouille de police qui poursuivait la moto roulait à une certaine distance de celle-ci. Ouassim, qui conduisait la moto, est tué sur le coup. Sabrina est décédée à l’hôpital. Pour le Parquet, il s’agissait d’un accident. 

Une moto, ou plutôt un scooter, aurait donc déplacé un véhicule de près de 90° sur la chaussée. D’après des témoins qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux, le véhicule de la brigade canine se serait volontairement mis en travers de la chaussée, à la sortie du Tunnel Louise. Maître Lohisse, avocat de la famille de Sabrina, avait relayé le souhait de celle-ci de savoir si l’intervention de la police ne pourrait constituer un homicide involontaire par le barrage volontaire à la sortie du tunnel. Selon les familles, cette course-poursuite engagée à la suite de deux infractions présumées au Code de la route, était illégale, car non nécessaire et disproportionnée. Le parquet de Bruxelles avait requis un non-lieu pour les policiers accusés, estimant que le seul responsable de l’accident était Ouassim. Pour le Parquet, les policiers n’ont commis aucune erreur. Le Tribunal correctionnel a décidé, cependant, qu’il y avait des charges suffisantes pour poursuivre les policiers impliqués dans l’accident. La chambre des mises en accusation de Bruxelles a finalement ordonné le renvoi des trois policiers devant le tribunal de police afin d’y répondre d’homicide involontaire. Le corps de Sabrina avait été rapatrié au Maroc. Elle avait 20 ans, Ouassim 24 ans.

En Belgique, treize morts dans des locaux de police sont connus du Comité P depuis 2017

Parmi ces treize victimes – deux femmes et onze hommes – le Comité P relève que sept d’entre elles sont mortes dans une cellule individuelle ; deux  dans un bâtiment de la police (hors d’une cellule) et deux dans le complexe cellulaire d’un palais de justice. Une autre personne est décédée dans un véhicule de police, une autre encore à l’hôpital, des suites de ses blessures. Six de ces décès ont été constatés en 2021 et 2022. (trois en 2021 et trois en 2022). 

Le racisme d’État en Belgique se traduit non seulement par les violences policières, mais aussi par la négligence de la justice. Les bourgmestres concernés ne semblent pas non plus s’inquiéter outre mesure de l’impunité dont jouissent les fonctionnaires de police impliqués dans ces différents décès. C’est un signe clair quant au non-respect de la Belgique de ses obligations internationales et face au racisme institutionnel. 


Précisions quant au cadre légal dans lequel la Ligue des Droits Humains s’oppose aux violences policières

La LIgue des Droits Humains rappelle que la lutte contre les violences policières demeure une nécessité actuelle brûlante et une obligation internationale de la Belgique. Dans leurs recommandations faites à l’État belge18, le Comité européen de prévention de la torture (CPT) et le Comité contre la torture de l’ONU (CAT) soulignaient que « L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre les mauvais traitements, y compris ceux fondés sur une quelconque forme de discrimination et en sanctionner les auteurs de manière appropriée ». Malgré cela, les violences policières se multiplient.

La LDH précise que les arrestations ne peuvent être motivées par des critères basés sur lacouleur de peau ou l’appartenance ethnique réelle ou supposée. Elle insiste sur les droits des personnes privées de liberté, dont une assistance en cas de danger. La loi concernant la fonction de police exige que l’usage de la force réponde aux critères de proportionnalité, de nécessité et de légitimité. Les violences policières lors des arrestations et de la détention des personnes décrites plus haut ne semblent pas correspondre à un usage de la force proportionné et/ou nécessaire et peuvent constituer des traitements inhumains et dégradants interdits par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme relative à ’interdiction de la torture. 

La LDH mentionne également que l’impunité de certains fonctionnaires de police lorsque ceux-ci commettent des abus est un obstacle à la bonne administration de la justice et à la confiance publique en la police. La LDH recommande, sur le plan politique, qu’une réaction ferme des autorités [soit] attendue en cas d’abus de la part de la police et que tout déni politique de ces abus aggrave la situation et participe à l’impunité de la police. La LDH considère, en outre, que les dépositaires de l’autorité publique doivent montrer l’exemple dans le respect des lois contre les discriminations, que celles-ci soient racistes, sexistes, ou homophobes. De ce fait, elle dénonce la surexposition des personnes racisées à la surveillance policière, la gestion différenciée du maintien de l’ordre en fonction de la couleur de peau, ainsi que les processus de criminalisation racialisée. Par ailleurs, elle rappelle que toute allégation crédible de mauvais traitement à caractère raciste doit faire l’objet d’une enquête indépendante et effective. 

La loi établit un cadre légal concernant toute utilisation de la force ou de la contrainte par les forces de police :  le principe de légalité : le but de l’opération doit être légitime ; le principe de nécessité : l’objectif ne peut être atteint autrement ; le principe de proportionnalité : la force exercée doit être raisonnable et proportionnée à l’objectif. La violence doit toujours être précédée d’un avertissement, selon ce même cadre. On constate pourtant que celui-ci n’est, dans bien des cas, pas respecté. L’impunité policière est un fait bien connu en Belgique. Cette impunité est rendue possible par le laxisme, la législation défaillante et non-contraignante et le racisme institutionnel, structurel et d’Etat, dont le pouvoir exécutif et judiciaire sont parties prenantes. Les trois organes de contrôle de la police (le Comité P. ; l’inspection générale et le contrôle interne) ne permettent pas un contrôle suffisant concernant les violences policières. Le Comité P., qui dispose de plus de moyens que les deux autres, est lui-même composé de fonctionnaires de police. Dans le jargon policier, “ne pas donner ses collègues” signifie que dans un même commissariat, par exemple, les violences commises par des policiers sur des détenu·e·s ne sont pas rapportées par celles et ceux qui en sont témoins. Cette omerta est présente partout. Le pouvoir politique couvre la hiérarchie au sein de la police, hiérarchie qui elle-même couvre les fonctionnaires subalternes. Il est donc essentiel qu’un organe de contrôle externe et indépendant puisse enquêter sur les violences policières dès que celles-ci font l’objet d’une plainte. 

Les victimes des violences policières sont souvent des personnes racisées et issues de milieux défavorisés. Elles subissent au quotidien des contrôles au faciès, insultes racistes et sexistes, humiliations, menaces, provocations, fouilles au corps, immobilisations brutales,… sans que cela ne soit toujours justifié et le plus souvent en toute impunité. La police est un appareil d’Etat qui maintient l’ordre social par l’oppression. Les violences policières, les décès ne sont pas des phénomènes isolés, ils ne concernent pas seulement quelques “pommes pourries”, mais sont la conséquence d’une logique inégalitaire du système capitaliste. Le capitalisme est un système politique et économique fondé sur l’exploitation de la majorité par une minorité. En raison de l’inégalité flagrante qu’il produit, le capitalisme use d’outils politiques, sociaux et idéologiques divers pour justifier l’inégalité, tout en divisant la majorité. Comment le 1% des plus riches de la société belge fait-il pour maintenir un contrôle disproportionné des richesses et des ressources? Grâce à un processus de division et de domination. Le racisme n’est qu’une des nombreuses formes d’oppression destinées à servir cet objectif.


Sources

  • LDH, Rapport alternatif de La Ligue des droits humains à la 103ème session du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, 03/2021
  • LDH, Discriminations
  • LDH, L’État belge à nouveau condamné dans un dossier de violences policières pour violation du droit au procès équitable, 28/06/2022
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