Nous le savons que trop bien : les élections, et particulièrement les élections communales, ne suffisent pas pour changer la société en profondeur. Seule une lutte et des mouvements sociaux massifs, démocratiquement organisés, à la base, dans les entreprises et dans la rue, permettent de renverser le système capitaliste. Il est cependant nécessaire que ces mouvements et ces luttes s’expriment aussi sur le terrain politique et électoral, afin d’imposer dans les conseils communaux, au parlement et à tous les niveaux de pouvoir, un agenda de rupture avec le ronron institutionnel de la politique.

Le fait de savoir qui est aux affaires au niveau local ne nous laisse évidemment pas indifférent·e·s. Une politique locale de droite, au diapason de la politique de droite régionale, fédérale et européenne, nous mène à une catastrophe sociale, écologique et démocratique. Il est donc plus que jamais nécessaire et urgent de battre la droite et l’extrême-droite. Nous ne nous faisons aucune illusion non plus sur le fait que les sociaux-démocrates ou les verts puissent rompre avec la politique d’austérité. Dans de nombreux cas ils seront trop heureux de cogérer les communes avec un ou plusieurs partis de droite.

Dans toutes les communes, nous invitons donc à voter le plus à gauche possible, pour des candidat·e·s qui défendent un maximum de nos revendications anticapitalistes, féministes, antiracistes, écosocialistes et internationalistes ; pour des candidat·e·s qui respectent l’auto-organisation des mouvements sociaux et qui font entendre la voix des premiers/ères concerné·e·s. Les points ci-dessous ne constituent pas un programme et sont probablement incomplets. Ils visent par contre à montrer qu’une politique de rupture est possible, y compris au niveau local. Ils sont une mise en avant de nos propositions anticapitalistes, sur lesquelles nous invitons chacun·e à se baser à l’heure d’analyser les programmes des différents partis qui se réclament de la gauche :

1) Du travail pour tou·te·s

Réduction du temps de travail pour tou·te·s les travailleurs/euses de l’administration et des services communaux, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Création de nouveaux emplois pour le bien-être de tou·te·s les travailleurs/euses et pour étendre les horaires d’ouverture au public. Soutien à la création de nouvelles coopératives autogérées de production et de consommation.

2) Stop à l’austérité

L’ensemble des mesures avancées ici n’est réalisable qu’en menant une politique qui affronte les intérêts du capital et les politiques des gouvernements régionaux et fédéral, ainsi que de l’Union européenne. Une des premières mesures à prendre, même au niveau d’une commune, est la suspension du paiement de la dette publique communale et la convocation d’un audit citoyen, avec le soutien de l’administration, en vue de l’annulation des dettes illégitimes.

3) Des logements dignes et accessibles

Augmentation drastique du nombre de logements sociaux, afin de permettre à tou·te·s de se loger dignement. Augmentation des contrôles sur la qualité des logements mis en location et des sanctions contre la mise en location de logements insalubres. Application d’une taxe communale sur les logements vides ou inoccupés, et réquisition publique de tout bâtiment vide ou inoccupé depuis un an, décriminalisation des occupations de logements vides. Personne ne doit dormir à la rue ! Démantèlement du mobilier urbain qui vise à repousser les personnes sans-abris. Légalisation et mise à disposition de quartiers autogérés d’expérimentation urbaine et collective (sur le modèle de La Baraque à Louvain-La-Neuve).

4) Un enseignement de qualité

Création de crèches et d’écoles publiques répondant à l’entièreté des besoins sur le territoire de la commune. Désignation et révocation des directeurs/trices d’écoles primaires communales par des assemblées démocratiques regroupant les instituteurs/trices, les parents d’élèves et le personnel administratif, technique et ouvrier.

5) Une commune écosocialiste

Création et financement d’une entreprise publique d’isolation et de rénovation des bâtiments et logements, fonctionnant sous le contrôle des comités de quartier et des travailleurs/euses. Isolation et rénovation des bâtiments communaux, publics, et scolaires afin de réduire la dépense énergétique. Création d’emplois au service de la transition écologique et sociale en dehors du capitalisme vert, investissement dans la production d’énergies renouvelables et décentralisées, dans un plan de réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre. Désinvestissement des énergies fossiles. Stop au nucléaire. Protection des ressources naturelles. Mise en place d’un plan de diminution drastique de la production de déchets. Arrêt de l’utilisation de pesticides et herbicides dans la gestion paysagère de la commune et des espaces verts. Utilisation d’arbres fruitiers et installation de bandes fleuries qui privilégient une flore mellifère, indigène et non-invasive. Interdiction de la chasse. Préservation et développement des terres dédiées à l’agroécologie et des espaces verts.

6) Une nourriture saine pour nous et nos enfants

Création d’une entreprise publique communale fournissant les cantines scolaires, les restaurants de homes pour personnes âgées, les hôpitaux et les restaurants de l’administration communale avec une alimentation saine issue de l’agroécologie et des circuits courts, respectueuse de l’environnement et de la vie animale. Sensibilisation et promotion d’un régime alimentaire végétarien. Soutien à l’installation de nouvelles coopératives paysannes, à la conversion agroécologique et aux coopératives autogérées de consommation et de distribution alimentaire.

7) Une mobilité et un air pur pour tou·te·s

Des transports publics accessibles, de qualité et gratuits pour tou·te·s (y compris pour les personnes à mobilité réduite). Réduction de l’usage de la voiture individuelle dans les centres-villes et aménagement de zone piétonnes. Mise en place d’un réseau public et collectif de vélos. Suppression des voitures de fonction liées à l’administration communale. Investissements dans l’aménagement des voiries pour la création de voies spécifiques pour les transports en commun et de pistes cyclables sécurisées. Rénovation et aménagement de l’espace public et des bâtiments afin de les rendre entièrement accessibles aux personnes à mobilité réduite. On veut vivre en ville, habiter en ville, créer en ville, respirer en ville !

8) Une commune hospitalière

Accès amélioré à l’Aide médicale urgente (AMU) de qualité, gratuite et couvrant tous les soins de santé pour les personnes sans-papier et/ou sans-abri. Accès à un hébergement d’urgence pour toutes les personnes sans-papiers et/ou sans-abri. Soutien aux éventuelles occupations collectives de personnes sans-papiers et/ou sans-abri présentes sur le territoire communal. Réquisition publique de tout bâtiment vide ou inoccupé depuis un an. Pas d’arrestations sur base de l’irrégularité de séjour des personnes, pas d’arrestation des personnes en procédure de regroupement familial et/ou ayant un ou des enfants qui résident sur le territoire communal. Stop aux contrôles d’identité basés sur le profilage ethnique. Pas de visites domiciliaires chez les personnes sans papiers ni chez les personnes qui les hébergent. Tolérance zéro face aux violences policières. Abolition des Sanctions administratives communales (SAC) et des limitations au droit de manifester. La ville doit appartenir à toutes celles et ceux qui y vivent et combattre toutes les formes de discriminations.

9) Une commune solidaire

Des CPAS (Centres publics d’Action sociale) aux services des plus démuni·e·s : rehaussement du RIS (Revenu d’intégration sociale) au-dessus du seuil de pauvreté ; pas de visites domiciliaires ni de contrôles intrusifs ; pas de sanctions liées au PIIS (Projet individualisé d’Intégration sociale), boycott du « service communautaire » gratuit ; pas de prise en compte systématique des revenus des parents pour le calcul du RIS. Garantie du secret professionnel pour les travailleurs et travailleuses sociales.

10) Droits des femmes et des personnes LGBTIQ+

A travail égal, salaire égal ! Mise en place de programmes permettant d’arriver à l’égalité salariale entre les genres. Soutien à la création d’au moins une « Maison des Femmes » (fonctionnant en autogestion) dans chaque commune. Accès à de l’eau potable et à des toilettes publiques gratuites, propres et entretenues dans chaque quartier. Soutien aux collectifs et aux services actifs dans la prévention des violences faites aux femmes et aux personnes LGBTIQ+. Multiplication de maisons d’accueil des personnes victimes de violences. Services spécialisés dans l’aide aux victimes de violences indépendants des commissariats.

Plan féministe et décolonial visant à lutter contre la sous-représentation des femmes et du déni colonial dans les noms de rues et de monuments dans l’espace public. Promotion et utilisation de l’écriture inclusive dans l’administration communale, dans les écoles et toutes les institutions publiques. Autorisation du port du voile et liberté de culte dans les écoles (élèves, enseignant∙e∙s et travailleurs/euses) et pour les travailleurs/euses de la fonction publique.

Mise en place d’un programme de lutte contre l’homophobie, la transphobie, la putophobie, la sérophobie, et toutes discriminations (*phobies) liées aux préférences sexuelles et affectives ainsi qu’à l’identité et l’expression de genre, en lien avec le milieu associatif et la participation des personnes concernées. Sensibilisation et formation du personnel communal au respect de la diversité d’identités et d’expressions de genre. Retrait de la case genre des formulaires et documents administratifs. Reconnaissance et protection des travailleuses/eurs du sexe.

11) Transparence et démocratie

Possibilité de révoquer, par consultation populaire, tout∙e mandataire communal∙e exerçant une fonction exécutive. Interdiction des cumuls et limitation du nombre de mandats consécutifs à deux. Salaire de la/du bourgmestre et des échevin·e·s égal au salaire médian. Mise en place d’un système de démocratie participative permettant aux citoyen·ne·s de gérer directement 30% du budget de la commune. Créations de Conseils participatifs dans un maximum de domaines, avec force de proposition de motions au Conseil communal. Soutien à l’auto-organisation et aux mouvements sociaux : création de maisons de la vie associative et des mouvements sociaux dans toutes les communes, avec mise à disposition gratuite de bureaux et de salles de réunions dotées d’une connexion internet. Reconnaissance des actions de désobéissance civile dans l’intérêt collectif et arrêt de la criminalisation des citoyen·ne·s impliqué·e·s dans ces actions. La démocratie c’est toute l’année, dans sa ville, dans son quartier, dans sa rue !

12) Non au vote automatisé, oui au contrôle citoyen

Nous condamnons l’opacité du vote automatisé qui sera imposé à 60 % des électeurs/trices en Flandre, la totalité des bruxelloi·se·s et celles/ceux des neuf communes germanophones. Nous condamnons un système qui empêche tout contrôle citoyen des élections. Nous n’acceptons pas que sous prétexte de complexité des techniques « modernes », le contrôle et la validation des opérations soient transférées à des technicien·ne·s, des expert·e·s, voire du personnel communal, tou·te·s désigné·e·s par le pouvoir en place ou des firmes privées et opérant à l’abri des regards des citoyen·ne·s. La Belgique est le seul des vingt-huit États européens à encore imposer un tel système à un grand nombre d’électeurs/trices. Dans les autres pays où le vote électronique a été pratiqué, était à l’essai ou envisagé, les autorités l’ont abandonné ou ont arrêté la progression du projet. Parce que nous estimons que la comptabilisation des votes émis par les citoyen·ne·s et électeurs/trices doit être effectuée sous leur contrôle, nous soutenons les militant·e·s qui protesteront et/ou refuseront de voter par le truchement du vote automatisé.

13) Une commune antiraciste

Décolonisons l’espace public ! Suppression des noms de rues et places portant le nom d’anciens colons et remplacement par des noms de figures de résistance (par exemple : Patrice Lumumba). Modification des plaques commémoratives sur les statues de figures du colonialisme belge pour expliquer l’horreur de leurs crimes. Décoloniser la production des savoirs et des connaissances : promouvoir les études post-coloniales et décoloniales, et surtout approfondir l’étude et la réflexion sur l’histoire de l’esclavagisme, de la traite et de la colonisation, ainsi que sur les déclinaisons sémantiques des racismes, en particulier la romanophobie, la négrophobie, l’islamophobie et l’antisémitisme. Décoloniser l’école : Les cours d’histoire doivent enseigner l’horreur du colonialisme. Interdiction des pères-fouettards, « blackface », noirauds ! Promotion de l’enseignement des langues d’origine comme un des instruments, non seulement de préservation linguistico-culturelle, mais aussi comme outil d’interaction et de socialisation des différences dans les communautés scolaires.

14) Solidaires au-delà des frontières

Pour une commune ouverte sur le monde : développement d’une politique communale de solidarité internationale. Contre toute forme de collaboration avec des régimes autoritaires et contre les aventures impérialistes, pas de collaboration avec le régime d’apartheid israélien. Fraternisation et sororisation avec le Rojava, avec le peuple palestinien, et soutien aux opposants progressistes et démocratiques au régime syrien, contre Daesh et toutes les interventions militaires.

15) Préparer la riposte !

En tant qu’anticapitalistes, nous savons que les élections sont un moment important de la vie politique mais qu’elles ne sont pas le seul. Tout aussi importantes seront les mobilisations sociales qui vont plus que probablement se rallumer dans les semaines à venir (nous allons tout faire pour les soutenir, avec nos modestes forces). Il existe aujourd’hui des tas d’urgences, sociales, écologiques, de logement, de santé, etc. Nous comptons bien nous faire entendre dans cette campagne et au delà, pour porter et construire avec celles et ceux qui le veulent (dans le respect de l’auto-organisation des premiers/ères concernées et le respect de la non-mixité choisie comme outil politique) le seul projet qui vaille la peine à nos yeux : un projet anticapitaliste, écosocialiste, féministe, antiraciste et radicalement démocratique.

Construire la Gauche anticapitaliste, c’est renforcer ce combat. Rejoignez-nous !

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