Mardi 7 mars à 8h s’est déroulé un conseil d’entreprise de la société Delhaize. Il y était question du futur de l’entreprise, le personnel n’était pas serein car s’attendait à des changements qui n’étaient pas en leur faveur. La décision prise fut la pire qu’iels puissent imaginer : la mise sous franchise de tous les magasins Delhaize de Belgique. Vers 9h, le personnel a évacué les client·e·s et est parti en grève. Le mouvement était spontané et s’est répandu en l’absence de mots d’ordre syndicaux.

Nous pouvons parler de la situation des Delhaize de Flagey et de Dinant. Ce mardi, les employé·e·s du Delhaize de Flagey ont commencé leur journée à 6h et vers 9h, après l’annonce de restructuration, iels ont décidé de fermer le magasin, afin de se mettre en grève et de protester contre la décision. Les étudiant·e·s présent·e·s ont continué la mise en rayon afin que les employé·e·s puissent tenir le piquet devant le magasin, le projet étant que le magasin reste fermé jusqu’au mardi suivant, date d’un second conseil d’entreprise. À Dinant, la situation est similaire et les employé·e·s se relaient depuis mercredi entre le travail dans le magasin et la tenue du piquet afin que le personnel continue d’être payé. La mise sous franchise aura de gros impacts sur le personnel contrairement à ce que dit la direction.

Au départ, les Delhaize fonctionnent de façon assez indépendante, chaque magasin a sa direction et son personnel de bureau. La mise sous franchise des 128 Delhaize signifie que ceux-ci seront rachetés par des indépendants, et la direction interne n’aura plus aucun pouvoir direct sur le personnel. Le personnel compare le Delhaize sous franchise à un entrepôt où passe la marchandise. Concrètement, les employé·e·s seront des pions. Le Delhaize de Dinant est situé en zone inondable et n’est pas rentable donc ne sera surement pas racheté. Il est évident que le personnel est impacté et craint le licenciement collectif.

Franchisation

Aujourd’hui, Delhaize annonce un plan de restructuration de tous ses magasins en franchisés indépendants avec pour objectif d’augmenter les marges bénéficiaires. La franchisation est une sous-traitance des magasins, qui devront vendre pour Delhaize, aux conditions de Delhaize, mais en se déchargeant de toute responsabilité vis-à-vis des employé·e·s. Pour les grands groupes de distribution, la franchise permet de diminuer une série de « coûts » en sous-traitant et en faisant du dumping social, ce qui permet d’augmenter les bénéfices tout en externalisant et, par là, en diminuant les « coûts » sociaux.

La situation des Delhaize présente ce qui risque de se passer même au-delà du secteur de la distribution, la franchisation est une politique qu’on retrouve en toile de fond partout en Europe.

Les droits des travailleur·euses bafoués

La direction évoque l’absence de pertes d’emploi et le maintien des conditions sociales. Mais ce n’est pas le cas, un Delhaize sous intégré ou sous franchise, c’est différent. Actuellement, pour un Delhaize qui fonctionne avec une cinquantaine d’employé·e·s et quelques étudiant·e·s, sous franchise ce chiffre peut descendre à 10, et il faut au minimum 50 employé·e·s pour avoir droit à une représentation syndicale ! La mise sous franchise met donc au tapis la protection des travailleur·euses d’autant que la place des employé·e·s est instable et le personnel restant verra, à terme, ses conditions de travail se détériorer. De plus, le futur repreneur sera tenté de licencier ses collaborateurs plus âgés, même si, en principe, c’est interdit. La franchisation entrainera bien souvent un passage vers une commission paritaire moins avantageuse pour les travailleur·euses. En principe, la législation ne permet pas de diminution de salaire pour les travailleur·euses transféré·e·s, mais des contournements de la règle sont possibles. D’une commission paritaire à une autre, la différence de salaire est d’environ 20 à 25%. La franchisation de tous les magasins n’a qu’un réel objectif, détruire les acquis des travailleur·euses et supprimer la présence syndicale dans l’entreprise. Une aubaine pour les actionnaires, davantage d’argent et de pouvoir qu’auparavant ; et un rapport de force diminué ou inexistant pour les travailleurs·euses.

Une mesure qui impacte davantage les femmes

D’un point de vue féministe, on ne peut s’empêcher de souligner que les employé·e·s sont principalement des femmes, notamment en caisse (lors du covid, elles étaient en première ligne). Les femmes sont moins écoutées au sujet de leurs conditions de travail, ce travail peut causer de nombreux problèmes de santé : douleurs au dos, aux articulations, mentalement c’est aussi assez lourd, etc. De plus, le travail en caisse est de plus en plus automatisé, on remplace les caissières par des caisses automatiques.

Les femmes sont majoritairement à temps partiel pour s’occuper des enfants, mais au vu de la diminution de salaire que provoquera, à terme, la nouvelle structure, elles seront obligées d’augmenter leur temps de travail afin de maintenir une situation viable. Ce qui les précarise à nouveau, et les rend dépendantes d’une tierce personne qui peut être un conjoint violent.

Ce 14 mars, ce sont des centaines d’employé·e·s qui se sont rassemblé·e·s à Zellik pour protester contre cette restructuration. Ce n’est pas juste de la solidarité qu’il faut car cela dépasse cette entreprise, d’une certaine manière elle dépasse même la lutte dans ce secteur, c’est une lutte du monde du travail. C’est défendre nos conquêtes et notre rapport de force que d’être aux côtés des travailleur·euses de Delhaize. Il est temps de bloquer ces systèmes de sous-traitance qui ne visent qu’à baisser les salaires au profit de millionnaires !

Photo : Page facebook de la CGSP-ALR Bruxelles.

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