Ce 8 mars une grève des femmes s’organise dans plusieurs pays, notamment en Italie où le mouvement « Non una di meno » (Pas une de moins) rassemble des milliers de femmes. Entretien avec Marta Cotta, membre de Degender, le collectif féministe romain de Communia (section italienne de la IVème Internationale) réalisé par Pauline Forges.

Pauline Forges : Comment a commencé le mouvement Non una di meno ?

Marta Cotta : Ça a commencé il y a un an et demi, avec trois collectifs : Io decido, un réseau de collectifs féministes de Rome né il y a trois ans, DIRE, le réseau national de refuges contre les violences faites aux femmes, et l’UDI, l’union des femmes italiennes, une organisation féministe de longue date. Après un ennième féminicide qui a eu lieu à Rome, il y a eu une assemblée, et on a pris la décision de donner une réponse plus forte. Au même moment, il y avait le mouvement Ni una menos en Argentine. On a fait un appel à une manifestation nationale le 26 novembre, suivie d’une assemblée nationale. C’était une manifestation mixte : l’organisation était non mixte mais elle était ouverte à d’autres mouvements (LGBTQI ou en solidarité avec les femmes). A l’assemblée du 27 novembre, c’était censé être mixte mais il n’y avait quasiment que des femmes.

PF : Ce fut un succès ?

MC : L’assemblée a rassemblé 700 personnes. L’objectif était d’écrire ensemble un plan national contre les violences faites aux femmes. On s’est organisés en 8 ateliers, pour parler de la violence dans tous les aspects de la vie d’une femme, en partant du fait que c’est systémique. Parmi les thématiques, il y avait la santé, les refuges contre les violences faites aux femmes, le sexisme dans le mouvement politique mixte, le travail, les médias et la communication et l’éducation de genre à l’école. Après l’assemblée du 27 novembre 2017, il y en a eu d’autres, pour écrire le plan national contre les violences faites aux femmes mais aussi pour préparer le 8 mars. A partir de ce moment-là, il était entendu que c’était les assemblées qui prenaient les décisions (et plus les organisations qui étaient à l’initiative du mouvement). Petit à petit, surtout après le 8 mars de l’année passée, des assemblées de Non una di meno se sont créées dans différentes villes, pour participer au plan national tout en menant des campagnes au niveau local.

PF : Comment s’est passé le 25 novembre de cette année ?

MC : On a fait une grande manifestation avec le slogan « On a un plan », car nous avons fini de rédiger notre plan national contre les violences faites aux femmes, sous forme d’un petit livre de 50 pages qui analyse et propose des mesures. Le mouvement autour du #Metoo était aussi important, nous avons manifesté avec le slogan « du #Metoo au #Wetoogether ».

PF : Qu’avez-vous organisé le 8 mars de l’année passée ?

MC : On a fait un appel à la grève générale qui a été appuyé par des syndicats minoritaires en Italie. Il y a eu un travail syndical à faire, parce que le syndicat majoritaire (CGIL) ne voulait pas de cette grève. C’était une grève du travail productif (rémunéré) et reproductif (non rémunéré). Chaque ville décidait de l’organisation de son 8 mars. Par exemple, à Rome nous avons occupé deux places autour de deux thématiques, l’éducation et la santé, et organisé une grande manifestation collective. Il y a eu toute une réflexion autour des femmes qui n’avaient pas la possibilité de se mettre en grève ; on a pensé à des symboles pour montrer sa solidarité en portant les couleurs de la grève (avec des vêtements noir et fushia), en portant un badge …

PF : C’est quoi une grève du travail « reproductif », non rémunéré ?

MC : L’idée, c’est de démontrer que sans nous, le monde ne tourne pas. On croise les bras, on organise un grand lunch public, ou une garderie collective, on étend des vêtements sâles sur les places,… Cette année, à Milan, il y aura une colonne sonore avec de la musique qui rappelle les réunions de sorcières, pour accompagner la manifestation mais aussi pour résonner là où les femmes ne peuvent pas participer à la grève.

PF : Quelle est la place de Communia dans Non una di meno ?

MC : Degender, le collectif féministe et LGBTQI de Communia-Rome, était impliqué dans le réseau Io décido qui était à l’initiative du mouvement. À Rome, il y a une assemblée de Non una di meno tous les jeudis. Mais on est aussi actives dans d’autres villes.

PF : Comment s’annonce le 8 mars de cette année ?

MC : La difficulté de ce 8 mars ce sont les élections parlementaires qui ont eu lieu ce 4 mars. Certains secteurs ne peuvent pas faire grève 5 jours avant et 5 jours après les élections. Par ailleurs, maintenant que nous avons un plan national contre les violences faites aux femmes, la question c’est de savoir ce qu’on en fait. Ce qui nous donne de l’élan, c’est qu’il y a un grand mouvement au niveau international, en Argentine, en Pologne, …ça nous donne des forces. Il y a une coordination internationale de Ni una menos. Cette année, il y a trois thématiques qui seront mises en avant le 8 mars à Rome : le harcèlement sur les lieux de travail, la santé (avec les 40 ans de la loi pour l’avortement) et les espaces d’accueil pour les femmes (il y en a seulement 4 à Rome !).

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