Le lundi 13 mars, les travailleurs et travailleuses de Delhaize ont débrayé à Hornu, dans le Borinage, avant d’être rejoints par d’autres en fin de semaine en Wallonie et à Bruxelles. Ils et elles exprimaient ainsi leur ras-le-bol face au manque d’effectifs. Gino Cusumano, permanent CNE, expliquait: «Le magasin fonctionne avec un minimum d’effectifs. Il y a des CDD qui arrivent à terme, ils les liquident et finalement, à chaque fois, ils reprennent d’autres personnes qu’il faut de nouveau former… Pourquoi est-ce qu’ils ne les passent pas en CDI? La direction refuse, soi-disant parce que le chiffre d’affaires n’est pas bon…»

Un chiffre d’affaire de 49,69 milliards d’euros en 2016

Pourtant, le 19 janvier 2017 le groupe Ahold Delhaize annonçait avoir enregistré un chiffre d’affaires de 49,69 milliards d’euros en 2016, une hausse de 30,1%, pour ses premiers résultats annuels après la fusion intervenue en 2016. Un an avant la fusion, le groupe avait annoncé que celle-ci serait «indolore» pour les travailleurs et travailleuses. On en voit aujourd’hui le résultat!

Dès 2014, la direction annonce la suppression de 2.500 postes sous forme de «départs volontaires», ainsi que la fermeture de 14 magasins. Alors qu’un an plus tôt, près de 160 millions d’euros de dividendes avaient été versés aux actionnaires! Les syndicats obtiendront finalement de limiter la destruction d’emplois à 1.800 et les fermetures de magasins à 10. Parmi les mesures qui affectent les travailleurs/euses, notons aussi l’élargissement de la polyvalence, la suppression du quart d’heure de pause payé, la diminution de certaines primes paritaires, etc.

Les actionnaires et l’administrateur délégué choyés

Pourtant, tout le monde ne doit pas se serrer la ceinture chez Delhaize. Au terme de la fusion, les actionnaires ont reçu 4,75 actions ordinaires d’Ahold pour chaque action ordinaire de Delhaize. Et lors de l’assemblée générale du 14 mars 2016, ces mêmes actionnaires ont voté (à plus de 59% des suffrages) l’octroi d’un bonus exceptionnel d’1,5 million d’euros à l’administrateur délégué Frans Muller. Pour atteindre ce montant, un réassortisseur devrait travailler durant 67 années à temps plein!

Comme l’indiquait Le Vif en 2015: Depuis longtemps, le groupe Delhaize n’est plus ni belge, ni familial. Les actionnaires familiaux qui le composaient à l’origine pèsent moins de 20%. Ce sont des fonds anglo-saxons qui font désormais la pluie et le beau temps chez Delhaize, avec quelque 70% des parts. La seule Citibank contrôle près de 10%. «L’actionnariat familial est commerçant, résume Myriam Delmée, vice-présidente du Setca. Les autres attendent un retour sur investissement rapide.»

Les travailleurs et travailleuses de Delhaize font finalement les frais de la logique boursière du groupe. La stratégie de la fusion avait pour objectif de développer «un distributeur alimentaire plus fort et plus innovant avec des économies d’échelles», selon les mots de Mats Jansson, alors président du groupe Delhaize. Le groupe pèse actuellement 6.500 boutiques en Europe et aux États-Unis, dans lesquelles travaillent environ 375.000 personnes, pour un nombre de clients avoisinant les 50 millions.

On voit aujourd’hui sur le dos de qui se font ces économies d’échelles: les travailleurs et travailleuses ont déjà fait les frais d’une restructuration en 2014, ils et elles sont aujourd’hui de nouveau mis sous pression. Les groupes de la grande distribution ne peuvent survivre qu’en exploitant les deux bouts de la chaîne alimentaire: pression à la baisse sur les travailleurs/euses ; et pression à la baisse sur les fournisseurs, éleveurs et agriculteurs, afin de garantir de confortables marges aux actionnaires.

Solidarité avec les travailleurs et travailleuses des Delhaize en grève!

Photo: Action des travailleurs de Delhaize pendant le Conseil d’Entreprise à Molenbeek – 18/06/2014 / © Krasnyi / Karim Brikci

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