Des dizaines de milliers de travailleurs/euses réparti.e.s dans 160 villes des États-Unis ont pris part à la « grève pour les vies noires » ce lundi 20 juillet. À cette occasion, les travailleurs/euses ont exprimé leur colère face au racisme et aux mauvaises conditions de travail.

Les grèves ont été organisées par le Movement for Black Lives (composé de plus de 150 organisations) et ont été soutenues par plusieurs syndicats, dont la Fraternité internationale des Teamsters, la Fédération américaine des enseignants, le United Farm Workers Union et le Service Employees International Union (SEIU). Des campagnes telles que « Fight for 15$ » et le mouvement de grève pour le climat ont également soutenu les grèves. Les travailleurs/euses se sont mis en grève ou ont arrêté de travailler pendant huit minutes et 46 secondes. C’est la durée pendant laquelle le policier Derek Chauvin s’est agenouillé sur le cou de George Floyd avant que celui-ci ne décède.

Les organisateurs/rices exigent des actions radicales de la part des entreprises et du gouvernement pour lutter contre le racisme systémique dans l’économie. Victimes du plafond de verre, de trop nombreux travailleurs/euses noir.e.s et latinos sont littéralement « économiquement asphyxiés » par manque de mobilité professionnelle comme d’opportunités de carrière et ceux-ci sont largement sur-représenté.e.s parmi les travailleurs/euses qui gagnent moins qu’un salaire décent.

Ash-Lee Woodard Henderson, organisateur de grèves au sein du Movement for Black Lives, dénonce les patrons de grosses multinationales américaine qui, d’un côté, se sont prononcés en faveur du mouvement BLM pendant les manifestations nationales contre la brutalité policière mais qui, tout le reste de l’année, profitent sans vergogne de l’injustice salariale et de l’inégalité raciale.

« Ces patrons prétendent soutenir la vie des noir.e.s, mais leur modèle économique fonctionne grâce à l’exploitation du travail de ces mêmes noir.e.s – en faisant passer des salaires de misère pour des salaires décents » … « et en faisant semblant d’être choqués lorsque le COVID-19 rend malades ces noir.e.s qui constituent les bataillons de leurs travailleurs essentiels », a déclaré Ash-Lee Woodard Henderson, codirectrice exécutif du Highlander Research and Education Center, basé au Tennessee.

Les manifestants insistent sur le besoin de prestations de maladie garanties, de soins de santé abordables et de meilleures mesures de sécurité pour tou.te.s ces « travailleurs/euses de première ligne à bas salaires » qui elleux n’ont jamais eu la possibilité de travailler à domicile pendant la pandémie de coronavirus.

Linda, une travailleuse du secteur des services, a déclaré qu’elle s’était jointe à l’événement par solidarité. Elle a expliqué : « J’ai la possibilité de faire partie d’un mouvement collectif de personnes qui sont autant en colère que moi contre le fait que les noir.e.s ne bénéficient pas de droits fondamentaux ».

Selon Fight for 15$, environ 1 500 concierges ont participé à la grève matinale à San Francisco, en Californie. En outre, les 1400 travailleurs/euses du marché alimentaire ont participé à un arrêt de travail dans le Bronx. Des centaines d’ouvrier.e.s new-yorkai.se.s se sont rassemblé.e.s devant la Trump Tower. Dans la vallée de Yakima, dans l’État de Washington, des centaines de vendangeurs ont arrêté leur travail pendant huit minutes et 46 secondes. Les travailleurs/euses de cinq maisons de retraite de Detroit, dans le Michigan, ont temporairement quitté leur lieu de travail. « Des milliers d’ouvrier.e.s et d’habitants ont été littéralement tués et leur mort aurait pu être évitée », a expliqué Trece Andrews, un soignant. « Je vois tous les jours comment ce virus fait des ravages dans la communauté noire et révèle un racisme institutionnel qui a toujours existé ».

Partout en Floride, les travailleurs/euses de la restauration rapide ont perdu leur emploi. Dans un McDonald d’Oakland, des grévistes sont montés sur le toit pour accrocher des banderoles réclamant justice pour les vies noires, des équipements de protection individuelle et la dignité. Dans le même État, des enseignants et d’autres travailleurs/euses du secteur de l’éducation se sont mobilisé pour exiger que le Collège de Valence leur permette d’adhérer à un syndicat et de s’organiser.

Symone, qui travaille dans le secteur non marchand en Californie, a expliqué à Socialist Worker qu’elle n’avait pas travaillé lundi. « En raison de la pandémie, les gens voient maintenant comment l’économie est cassée, et en particulier comment l’économie exploite et taxe les personnes noires. En menant une grève pour la vie des noir.e.s, on utilise notre pouvoir en tant que travailleurs/euses pour attirer l’attention non seulement sur la brutalité policière raciste mais aussi les nombreuses autres façons dont le racisme nous tue ».

Ces actions inspirantes montrent non seulement qu’il est possible de faire grève contre tout type d’oppression mais aussi que les travailleurs, quand ils sont unis contre le racisme, reprennent confiance pour lutter ensemble pour de meilleurs salaires et conditions de travail.

Cette action fait suite à l’ordre donné aux troupes fédérales par le président Donald Trump de réprimer sans pitié les manifestations antiracistes à Portland, dans l’Oregon. Trump a menacé de faire de même à New York, Chicago, Philadelphie, Detroit, Baltimore et Oakland. Et ces grèves peuvent jouer un rôle essentiel dans la résistance à cette répression.

Cet article a été publié à l’origine dans Socialist Worker. Traduction depuis le néerlandais : Hamel Puissant et François Houart.


Cahier de revendications du Black Lives Strike

  • Justice pour les communautés noires : nous exigeons une déclaration sans équivoque, proclamant que la vie des noir.e.s est importante, comme un premier pas nécessaire pour obtenir la justice pour tous les travailleurs/euses.
  • Les élus et les candidats à tous les niveaux doivent utiliser leur pouvoir exécutif, législatif et réglementaire pour commencer à réécrire les règles et à repenser notre économie et notre démocratie afin que les communautés de toutes les races puissent prospérer sans discrimination.
  • Les entreprises doivent prendre des mesures immédiates pour démanteler le racisme, la suprématie blanche et l’exploitation économique partout où ils existent, y compris sur nos lieux de travail. Elles augmenteront notamment les salaires, permettront aux travailleurs/euses de former des syndicats, fourniront des soins de santé, des congés de maladie et une couverture médicale étendue aux personnes qui ne sont pas assurées ou qui ont perdu leur couverture à la suite de la perte de leur emploi pendant la pandémie COVID-19. Elles proposeront des aides à la garde d’enfants et bien d’autres choses encore, afin d’enrayer le cycle de pauvreté multi-générationnel créé par leurs attaques contre les travailleurs/euses.
  • Chaque travailleur/euse doit avoir la possibilité de s’organiser dans un syndicat, quel que soit son lieu de travail. « Nous ne pouvons atteindre la justice économique sans justice raciale », a déclaré Mary Kay Henry, présidente du SEIU. « Depuis la fondation de notre nation, la suprématie blanche et l’exploitation économique sont inextricablement liées. Aujourd’hui, en ce moment de reconnaissance nationale, les travailleurs/euses demandent des changements fondamentaux au système américain qui est en panne. Ils se rassemblent dans la « Grève pour la vie des noir.e.s » pour déclarer que tant que les noir.e.es ne pourront pas s’épanouir, aucune de nos communautés ne pourra s’épanouir ».
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