En juin 2018, lors d’un sommet européen, Theo Francken, Secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration, avait déclaré à la presse : « Nous devons pouvoir renvoyer les bateaux et trouver une manière de contourner l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme »(1)Voir ici : gaucheanticapitaliste.org/theo-francken-veut-contourner-linterdiction-de-la-torture/ (l’article qui interdit la torture, le traitement inhumain ou dégradant dans les pays de retour).

Le 17 juillet 2018, Theo Francken s’était rendu à Tunis, en compagnie des ministres de l’Intérieur (J. Jambon) et de la Défense (S. Vandeput), pour y rencontrer le chef du gouvernement tunisien Y. Chahed. Lors de cette rencontre, la question de l’accueil, par la Tunisie, des migrant.e.s refoulé.e.s en Méditerranée, avait été longuement débattue. Le lendemain, un « Mémorandum d’entente » belgo-tunisien, dans le domaine sécuritaire, était signé !

Tout porte à croire, à l’heure actuelle, que le chef du gouvernement tunisien maintient sa position, exprimée lors de sa visite à Berlin en février 2017, de refuser de transformer la Tunisie en sous-traitant du problème migratoire européen. Cette position a été réaffirmée, par la suite, en juin 2018, par T. Cherif, ambassadeur de la Tunisie en Belgique et auprès de l’Union européenne.

Le 30 septembre 2018, sur la chaîne de télévision RTL, le secrétaire d’État belge T. Francken avait affirmé que : « La Tunisie doit accueillir les migrant.e.s » et qu’il n’y avait pas d’autre solution, et d’ajouter : « Nous devons lui faire une offre plus élaborée » pour qu’elle accepte d’accueillir les embarcations de migrant.e.s venus d’Afrique que les Etats de l’Union européenne pourraient refouler en Méditerranée.

Par ailleurs, les organisations de défense des droits humains ne cessent de rappeler que la Tunisie ne dispose pas de législation en matière d’asile et n’offre pas de garantie pour l’accueil de migrant.e.s refoulé.e.s. Cela explique la visite en Tunisie, effectuée récemment, par une délégation parlementaire européenne dans le but de faire pression pour l’adoption, par la Tunisie, d’une loi sur le droit d’asile.

La position du gouvernement de Y. Chahed risque de changer à tout moment, à cause de son isolement croissant et, surtout, du fait de la grave crise des finances publiques dans laquelle elle se débat, et de la dépendance accrue de la Tunisie aux prêts de l’Union européenne qui s’en suit.

Cela se passe avec en toile de fond la négociation, depuis octobre 2015, entre la Tunisie et l’Union européenne d’un accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca), à travers lequel la Tunisie réclame, notamment, une facilitation des procédures de visa pour certaines catégories de personnes, notamment les étudiant.e.s, les chercheurs/euses et les responsables et cadres d’entreprises (un projet largement inspiré par l’approche de l’OMC dans « l’Accord sur les migrations temporaires de personnels qualifiés »).

Nous condamnons fermement ces marchandages ignobles entre le gouvernement tunisien et le gouvernement de l’Etat belge (et à travers lui avec l’UE). Ceci n’aboutira qu’à renforcer l’exploitation capitaliste néocoloniale en Tunisie, la libre circulation des marchandises et des capitaux, alors que les réfugié.e.s sont refoulé.é.s, parqué.e.s dans des camps et les travailleurs/euses soumi.se.s à la précarité de conditions de travail au rabais.

Le néolibéralisme mondialisé qui s’affiche partout exige, en réponse, une résistance internationale.

Nous lui opposons une autre vision du monde, basée sur l’internationalisme, le respect, la fraternité, la solidarité, la liberté de circulation et d’installation.

Gauche anticapitaliste (Belgique) et Ligue de la Gauche ouvrière (Tunisie : Organisation sœur de la Gauche anticapitaliste)

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