La marée humaine qui a inondé toutes les villes du pays le 1er novembre 2019, et plus particulièrement Alger, a consacré indiscutablement un nouveau souffle mobilisateur de notre Hirak révolutionnaire, à l’aube de son neuvième mois.

Par son ampleur, la mobilisation a permis non seulement la réappropriation populaire d’une date historique prestigieuse, à l’occasion de son 65e anniversaire, mais elle a aussi unifié en un seul combat la lutte pour l’indépendance et la souveraineté nationales d’hier avec la lutte pour les libertés démocratiques, l’égalité et la justice sociale d’aujourd’hui. Sinon, quelles que soient les spéculations sur les chiffres, il est évident que nous étions plusieurs millions à l’échelle nationale à confirmer, sans équivoque, notre rejet du régime, du pouvoir de fait actuel et de son simulacre de scrutin présidentiel du 12 décembre prochain.

Fuite en avant du pouvoir

Cette mobilisation populaire historique constitue, on ne peut mieux, une réponse cinglante au chef de l’état-major de l’armée qui, avec son mépris et son arrogance habituels, menaçait la veille « l’insignifiante minorité » qui s’est opposée à son agenda électoral et à la continuité du régime. Mais, au lendemain d’une aussi grande démonstration populaire, le pouvoir de fait a continué sa fuite en avant en faisant la sourde oreille. L’ancien ministre de la Justice de Bouteflika, propulsé chef d’une prétendue commission électorale « indépendante », annonçait sans la moindre honte que cinq candidats sont retenus pour la prochaine mascarade électorale. Il s’agit de cinq personnalités triées sur le volet : un ancien ministre, deux anciens Premiers ministres et deux anciens alliés du régime Bouteflika. Il s’agit d’un coup de force contre la volonté populaire par excellence !

C’est dans ce contexte, où le rapport de forces politique est instable entre les résidus du régime libéral et autoritaire de Bouteflika et les masses populaires qui retrouvent un nouveau souffle de la mobilisation, que le front social et les appels à la grève sectorielle ou générale s’amplifient. Ainsi, après la grève dans l’éducation, la santé et l’administration publique le 28 octobre, la grève et la marche des avocats le 30 octobre et la grève générale des magistrats à partir du 2 novembre, d’autres grèves ouvrières sont enregistrées, comme celle du port pétrolier d’Arzew le 3 novembre ou encore l’appel à la grève à Sonelgaz, à Sonatrach et dans tout le secteur de l’énergie à partir du 5 novembre.

La grève générale est dans l’air

Mais c’est surtout la grève générale qui est dans l’air. En effet, les manifestations hebdomadaires du vendredi, ainsi que celles du mouvement étudiant le mardi, aussi massives soient-elles, ne semblent pas suffire pour faire entendre la voix du Hirak. C’est pourquoi le pouvoir de fait, illégitime et illégal, persiste à nous imposer non seulement sa présidentielle du 12 décembre, mais aussi ses lois libérales tant décriées, telles que la loi de finances 2020 et la loi sur les hydrocarbures déjà présentées devant l’Assemblée populaire nationale (APN).

Oui, la grève générale est dans l’air ! Elle pourrait constituer un moyen de lutte efficace pour changer le rapport de forces en faveur de notre soulèvement populaire. Mais elle doit être préparée à la base avec les travailleurs et les travailleuses. Elle doit être organisée dans la plus large unité syndicale regroupant les syndicats autonomes et les structures combatives de base de l’UGTA. C’est cette unité qui pourra faire émerger la classe ouvrière comme une force politique incontournable dans toute transition démocratique et impulsera la dynamique de l’auto-organisation populaire dans toute la société. C’est cette unité des forces qui imposera la libération des détenus politiques et d’opinion et la levée de toutes les entraves à l’exercice effectif des libertés démocratiques. C’est ce mouvement unitaire et auto-organisé, associé à toutes les forces sociales et politiques progressistes, qui infléchira le passage en force électoral du pouvoir de fait le 12 décembre prochain et imposera l’élection d’une Assemblée constituante souveraine représentative des aspirations démocratiques et sociales de la majorité des masses populaires de notre pays.

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