Certains activistes soudanais présents sur des sites de réseaux sociaux ont récemment diffusé plusieurs propositions visant à intensifier leur mouvement contre le régime de Bashir, notamment en proposant un grand sit-in, à l’instar du sit-in de janvier 2011 sur la place Tahrir, soulignant que cette étape est susceptible de renverser le régime et citant la démission de Moubarak le 11 février. Certains pensent qu’un sit-in à grande échelle pourrait leur fournir une plus grande protection face aux tirs de tireurs d’élite et à la terreur des services de sécurité et des milices de Bashir, qui n’ont pas hésité à tuer des manifestants pacifiques depuis le déclenchement de la récente Intifada. ..

Les rebelles soudanais ont le droit de choisir la tactique appropriée à leur situation et aux événements sur le terrain. Mais il est également important de clarifier certains points, dont le plus important : ce n’est pas le sit-in de la place Tahrir qui a porté le coup fatal à Moubarak. ..

Le régime de Moubarak a imposé une « grève générale » par en haut, après le vendredi de la colère du 28 en faisant fermer les banques, les administrations gouvernementales et les entreprises dans le but de terroriser le peuple, de semer la panique et de le monter contre la révolution dans l’espoir de faire rétablir la stabilité et la sécurité. Et la télévision s’est mise à présenter des «citoyens honnêtes» comme l’artiste Afaf Shoaib qui s’est mise à pleurer amèrement car elle n’était plus en mesure d’acheter des pizzas et des kebabs à son neveu, et les cris quotidiens des éditorialistes sur la «famine à venir», les «complots» et «l’effondrement de l’ État».

Place Tahrir, les révolutionnaires égyptiens n’étaient pas en sécurité : qui de nous a oublié « la bataille des dromadaires » et les attaques des miliciens et les balles des tireurs d’élite ? La place Tahrir a été le théâtre d’actes d’héroïsme qui dépassent l’imagination et de nombreux martyrs sont tombés, mais cela n’a pas été suffisant pour renverser Moubarak. La situation aurait pu être suspendue pendant des semaines ou des mois jusqu’à l’enterrement de révolution ..

Le début de la fin est survenu le 5 février lorsque le régime a décidé de rouvrir les administrations publiques, les entreprises et les banques dans le but de « normaliser  » l’atmosphère et d’encourager les gens à revenir à une vie normale et d’isoler « l’avant-garde révolutionnaire » de la place Tahrir du reste de la population, mais la place Tahrir avait essaimé dans d’autres lieux. Quand les travailleurs et les employés sont retournés dans leurs usines, leurs entreprises et leurs administrations, il y a eu une vague de grèves massives que le pays n’avait pas connues depuis le soulèvement du pain en janvier 1977. .

Outre les revendications économiques pour de meilleures conditions de travail et la titularisation, certains secteurs de travailleurs ont publié des déclarations politiques claires qui reprenaient les revendications de la révolution, et même les secteurs qui ne mentionnaient pas la révolution dans leurs mobilisations avaient des slogans inspirés par l’esprit de la place Tahrir et en reprenaient les slogans les plus célèbres. La plupart des mobilisations ouvrières exigeaient de nettoyer les lieux travail travailleurs des dirigeants corrompus liés au Parti National ..

A ce moment-là, le conseil militaire a eu deux options : soit il continuait de soutenir Moubarak avec le danger de voir le régime imploser, soit il délogeait Moubarak afin de calmer la situation. Et le conseil militaire a cédé et contraint Moubarak à se retirer le 11 février, dans l’espoir que les manifestations et les grèves se calmeraient ..

Les premières mesures prises par l’armée ont été la promulgation de lois criminalisant les grèves et les médias ont commencé à égrener la chanson des « grèves catégorielles », et de s’en prendre aux travailleurs décrits comme « cupides ». Les libéraux et les islamistes ont également pris part à l’attaque.

En bref, les régimes peuvent s’accommoder de sit in sur des places et la répression des manifestations peut continuer à l’infini, mais ce qu’ils ne peuvent supporter, c’est l’arrêt de la roue de la production, et plus précisément, celui de la roue de l’exploitation. Les grèves générales sont l’arme la plus puissante aux mains des masses à n’importe quel endroit et à n’importe quel moment pour renverser le régime, et cette arme n’est pas étrangère au peuple soudanais, qui l’a utilisée pour renverser la dictature général Abboud en octobre 1964 et la dictature de Nimeiri en avril 1985.

Va-t-il la refaire ?

Traduction de l’arabe(1)https://revsoc.me/arab-and-international/39026/ par Luiza Toscane

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