C’est avec une grande tristesse et une grande émotion que nous avons appris le décès le matin du 16 avril 2023 de notre camarade Marijke Colle, à l’âge de 75 ans. De nombreux témoignages nous sont parvenus de camarades à travers le monde. Nous reproduisons ci-dessous la première réaction de la Gauche anticapitaliste, publiée sur nos réseaux sociaux ; les textes de quelques hommages reçus par écrit, ainsi que les discours prononcés le jour des funérailles que nous avons pu nous procurer par écrit.

Née en 1947 dans une famille catholique flamande très conservatrice, Marijke a étudié la biologie à Gand et s’est radicalisée comme nombre de jeunes de sa génération dans la vague de 1968. Elle est devenue membre de Dolle Mina (groupe féministe néerlandophone) au début des années 1970, puis des groupes féministes socialistes qui constituaient une coordination dans toute la Flandre. C’est aussi à cette période qu’elle participe à la fondation de la Ligue révolutionnaire des Travailleurs (LRT) – Revolutionaire Arbeidersliga (RAL), section belge de la Quatrième Internationale, devenue aujourd’hui la Gauche anticapitaliste / SAP-Antikapitalisten. Avec ses camarades de la commission femmes de l’organisation, elle a joué un rôle important dans la lutte pour la dépénalisation de l’avortement en Belgique. Elle a contribué à la fois à l’émergence d’un mouvement autonome des femmes et d’un féminisme lutte de classes. Marijke fut aussi la première à aborder la question écologique dans la section belge et l’une des pionnières dans la Quatrième Internationale (1)https://fourth.international/, il y a plus de trente ans.

L’engagement de Marijke reste marqué par ces trois dimensions de son parcours, qui mêle inextricablement le marxisme révolutionnaire, le féminisme et l’écologie : elle se définissait ainsi à la fois comme marxiste et écoféministe. Marijke passera également de longues années à travailler (comme enseignante) et militer dans différents pays : l’Angleterre, la France et les Pays-Bas, où elle sera co-directrice de notre Institut International de Recherche et de Formation à Amsterdam (2)https://iire.org/. Depuis son retour en Belgique il y a une dizaine d’années, elle avait continué à nourrir les réflexions et orientations politiques de l’organisation et de sa commission féministe, devenue Féministes anticapitalistes, et de sa commission écosocialiste. Au moment de l’éclatement de la pandémie de Covid, elle nous a fourni de précieuses réflexions sur les liens entre capitalisme, crise écologique, zoonoses et crise du soin et les réponses à y apporter. (3)Conférence : L’origine du virus, les zoonoses et l’agrobusiness

Les camarades de la Gauche anticapitaliste / SAP-Antikapitalisten et de la Quatrième Internationale garderont en mémoire sa force de caractère, sa rigueur, sa franchise, ses capacités pédagogiques et de transmission, mises au service d’un engagement révolutionnaire et internationaliste de toute une vie pour l’émancipation collective. Des qualités qui nous servent d’exemple. Nos pensées vont à ses proches, en particulier à notre camarade Pips, son compagnon.

Le meilleur femmage qu’on puisse lui rendre, c’est de continuer son combat qui est le nôtre.

Merci à toi pour tout, camarade.

Marijke, presente !

Gauche anticapitaliste


Marijke nous laisse des écrits que vous pouvez retrouver entre autres sur nos sites web en français et en néerlandais. Elle a également donné de nombreuses conférences et formations. La récente suppression de deux de nos pages par Facebook a hélas rendu certaines inaccessibles.

Voici quelques vidéos :

Et deux podcasts de formations données par Marijke à la Formation Léon Lesoil :
Féminisme et marxisme
Une brève histoire du mouvement ouvrier international.


Marijke Colle 1947-2023

Hommage prononcé par Hendrik Pips Patroons, le compagnon de Marijke, lors des funérailles le jeudi 27 avril 2023.

Marijke fit des études de biologie à l’Université de Gand dans un milieu studieux et contestataire. Attirée par la gauche radicale, elle adhéra au courant trotskiste. Une fois ses études terminées, elle fut engagée à l’université mais, après un accident de voiture, elle choisit finalement l’enseignement secondaire.

Les connaissances biologiques de Marijke l’ont aidée à aborder de manière scientifique les questions sociales avec auxquelles elle était confrontée en tant que militante féministe de gauche, telles que l’hérédité, le racisme, les préférences sexuelles, etc. Marijke avait un héros, du nom de Charles Darwin. Elle rejeta cependant l’interprétation fondamentaliste d’un Richard Dawkins qui réduit tout au gène égoïste, ou celle de la psychologie évolutionniste d’un Steven Pinker. Le problème ne réside pas dans les gènes ou dans le cerveau, mais dans la structure de la société humaine, société qui nécessite une transformation radicale. Marijke souligna le fait qu’on ne peut pas déduire une morale du monde naturel, car celui-ci ne connaît pas de morale. Indignée elle rejeta le darwinisme social cher à la droite. Au contraire, la sélection naturelle avait paradoxalement doté l’être humain de la possibilité de produire lui-même une morale qui rejette la lutte de tou·te·s contre tou·te·s. Les humains ont besoin d’autres humains pour être humains.

La résistance contre toute forme de discrimination, de soumission, d’humiliation et d’exploitation était l’impératif catégorique de Marijke.

Elle ne voulait pas convaincre les gens d’une doctrine salvatrice (si du moins une telle doctrine existait) mais les inciter à penser par eux/elles-mêmes, à s’organiser d’une manière autonome et à agir collectivement, et à se faire ainsi une idée de comment une société future pourrait fonctionner de manière plus juste. J’ai bien dit pourrait, et non devrait fonctionner.

Tenant compte de l’oppression spécifique des femmes, Marijke souligna la nécessité absolue d’un mouvement des femmes autonome, non soumis à quelque intérêt sectaire partisan. La lutte pour le droit à l’avortement a joué en rôle important dans la vie de Marijke. Elle était tellement convaincue du droit des femmes de contrôler leur propre corps, qu’elle n’a pas craint de devenir la directrice de la première clinique illégale spécialisée dans les avortements en Flandre.

Marijke était une enseignante enthousiaste, très appréciée par ses élèves, comme j’ai pu le constater quand elle enseigna la biologie et la chimie en néerlandais, français et anglais à l’école européenne d’Abingdon, près d’Oxford. Se promener avec Marijke était une leçon de botanique et de zoologie. C’est ainsi que j’ai appris la différence entre un bouton d’or et une pâquerette, ignorant écologique que j’étais.

Marijke était athée mais ne le pratiquait pas. Pour elle, il ne s’agissait pas de ce que les gens croient plus ou moins, mais fondamentalement de ce qu’iels font socialement. Sur la question du voile, elle remarqua d’un air narquois que soudainement certains hommes étaient devenus « féministes », en oubliant que sous le voile islamique se trouvent des cerveaux qui, confrontés à la réalité sociale, se mettent à penser. C’est ce qui se passe aujourd’hui en Iran.

Marijke fut invitée trois fois aux Philippines pour donner des formations à un public paysan en faveur d’une agriculture écologique. Une anecdote : un jour sur l’île de Mindanao, elle entra en contact avec des femmes d’un peuple qui pratique la polygamie. Elle ne les sermonnait pas mais demanda ce qu’elles pensaient de leur situation. La discussion était ainsi lancée.

Marijke ne comprenait rien à la poésie, elle n’aimait pas trop lire des romans et elle abhorrait la musique populaire. Elle n’observait pas la moindre politesse quand on lui servait un plat qu’elle n’aimait pas. Les goûts n’étaient pas un sujet de discussion. Mais elle aimait les polars télévisés allemands et des séries comme Star Trek, ainsi que les bandes dessinées et les courses cyclistes.

Dans la dernière période de sa vie Marijke se faisait des grands soucis sur l’évolution politique et sur la crise climatique. Elle tint plusieurs conférences sur l’écologie, le climat et l’écoféminisme dans les pays de langue allemande. Quand le régime de Poutine attaqua l’Ukraine militairement, elle prit position en faveur la défense armée des victimes de l’agression. Elle condamna le mouvement de la paix qui ne réalise pas qu’il s’agit d’une guerre au service du chauvinisme grand-russe et des intentions impérialiste d’un staliniste devenu fasciste.

Je termine en remerciant vivement le personnel et les volontaires des soins palliatifs de l’hôpital Sint Lucas à Gand, qui ont affectueusement accompagné Marijke dans ses derniers jours. Je remercie également Caecilia, la sœur jumelle de Marijke et sa sœur Trees pour leur aide dans les moments difficiles. Et je n’oublie évidemment pas sa sœur Lutgart venue des États-Unis et toutes le amies et amis de Marijke. Les nombreuses marques de condoléances venues de diverses parties du monde sont la preuve que Marijke était hautement appréciée.

Hendrik Pips Patroons


L’acharnement de Marijke

Hommage prononcé par Ellen Verryt lors des funérailles, jeudi 27 avril 2023.

« Je pense que le féminisme ne peut pas atteindre ses objectifs dans le cadre du néolibéralisme ambiant. Mais cela ne nous empêche pas d’agir et de sensibiliser davantage de femmes à travers nos activités. Cela va des manifestations, comme lors de la pandémie de covid (où, en tant que femme plus âgée, je n’ai pas pris le risque de venir à Bruxelles), aux réunions sur des questions théoriques et aux actions de solidarité avec des femmes du monde entier. » C’est ce que Marijke a dit à une nouvelle membre potentielle des Féministes anticapitalistes, la commission féministe de la Gauche anticapitaliste.

Lorsque j’ai transmis à Marijke le lien d’un extrait de De la charité à la Justice, le livre d’Els Hertogen, présidente de 11.11.11, en précisant que, bien qu’il aille dans la bonne direction, le fait d’affirmer que le terme patriarcat capitaliste est un terme à part entière allait un peu trop loin, elle m’a remerciée et m’a dit qu’elle lirait l’article attentivement, en ajoutant toutefois un commentaire direct et précis selon lequel le terme patriarcat capitaliste lui semblait déséquilibré et que le fait de parler de capitalisme patriarcal était bien plus adapté.

Ce ne sont là que deux petits exemples de son esprit incroyablement pertinent et acéré.

Au cours des années 1970, un mouvement féministe-socialiste s’est également développé en Flandre, que Marijke a également fortement soutenu. Parallèlement, elle gardait un œil sur les autres mouvements. Cela s’est avéré utile lors de l’organisation d’actions importantes à l’époque, telles que Femmes contre la Crise.

Pour moi personnellement, Marijke a été une personne très inspirante dans le cadre du débat que nous avons eu au sein de Feminisme Yeah [aujourd’hui Féministes anticapitalistes], à la fois sur la relation entre la construction de la Gauche anticapitaliste, le travail féministe interne à l’organisation et le renforcement d’un mouvement de femmes autonome, qui peut prendre des initiatives unitaires. Marijke était également très accueillante pour les jeunes camarades. Par exemple, elle m’a rapidement encouragée à participer à l’université d’été féministe de la Quatrième Internationale à Amsterdam. Ça a été pour moi un moment important de radicalisation.

Des années plus tard, elle a également soutenu ma décision personnelle de m’impliquer davantage dans Furia parce que – selon elle – grâce à ce type de travail d’une camarade, la Gauche anticapitaliste / SAP – Antikapitalisten pourrait aussi rester plus en contact avec le mouvement des femmes en Flandre. Elle a donc exprimé son espoir de rester en contact à ce sujet, ce que nous avons fait. La lettre qu’elle m’a écrite à ce sujet à l’époque se terminait par de chaleureuses salutations féministes et par un petit mot qui me touchent encore aujourd’hui… persiste !

Marijke, biologiste et féministe socialiste, tu nous as fait naviguer dans la lutte féministe et écologique et tu nous as montré des connexions.

Le lien entre Marijke et Furia est également resté fort. Par exemple, nous avons collaboré avec elle sur l’écoféminisme pour la Journée de lutte pour les droits des femmes en 2020 et dans la lutte pour le droit à l’avortement, elle s’est toujours tenue à nos côtés avec des informations précises. Depuis Furia, nous nous souvenons d’elle sur notre site web avec les mots suivants : « Marijke, biologiste et féministe socialiste, tu nous as fait naviguer dans la lutte féministe et écologique et tu nous as montré des connexions. Tu nous as expliqué avec force comment notre système économique se nourrit de l’exploitation de la nature et du travail du soin. Tu as affiné et renforcé notre combat, qui ressemble tant à celui que tu as mené avec les Dolle Mina à partir des années 1970. Une lutte pour des services de garde d’enfants de qualité et en nombre suffisant, une lutte pour la réduction du temps de travail, une lutte pour l’autodétermination sur son propre corps. Vous avez mené cette lutte sans relâche. Nous t’admirons pour ton acharnement, ton enthousiasme. Nous continuons ton combat, Marijke ! »

Ellen Verryt


En l’honneur de Marijke

Hommage prononcé par Daniel Tanuro lors des funérailles, jeudi 27 avril 2023.

Honorer la mémoire de Marijke nécessite de mobiliser de nombreux qualificatifs. Marijke était une personne extrêmement intelligente. C’était une scientifique attachée à la raison, à la rigueur et à l’intégrité dans l’appréhension du réel : les faits, les faits, les faits, car « Un fait vaut plus qu’un lord maire »…

Marijke était biologiste, au sens profond, existentiel, du verbe « être ». Il s’agissait de bien plus que d’une profession : une formation de la pensée. Comme l’a souligné Pips, Darwin était son héros. Comme lui, Marijke avait de la curiosité, de la sympathie et de l’empathie pour tout ce qui vit.

L’idée que l’humanité fait partie de la nature tout en étant distincte des autres animaux, l’idée en d’autres termes que l’histoire humaine s’imbrique dans l’histoire naturelle tout en obéissant aussi à des lois sociales, qui ne sont pas « naturelles », relevait pour Marijke de l’évidence. Pour elle, l’essentiel de ces questions avait été résolu par son maître à penser, dans son deuxième grand ouvrage, La filiation de l’Homme, hélas moins bien connu que L’origine des espèces. Comme Patrick Tort, Marijke voyait la civilisation comme un « effet réversif » de la sélection naturelle.

Les biologistes de la trempe de Marijke ne sont jamais des poissons froids. On songe à Stephen Jay Gould, à Rachel Carson, et bien d’autres. Marijke était une personne d’une grande maîtrise, d’une grande pondération. Elle ne parlait pas à la légère, et toujours sur un ton mesuré. Mais l’indignation face à l’exploitation, aux oppressions, à la brutalité et à la lâcheté bouillonnait en elle, et affleurait dans son discours.

« Stille water, diepe gronden » : ce dicton flamand – qui n’a pas vraiment d’équivalent en français – éclaire assez bien, je pense, la personnalité de notre camarade. Marijke était une personne passionnée, à la passion calme mais intense. Quand elle parlait, on sentait une grande détermination, une force morale ancrée sur des bases très solides où les considérations personnelles n’étaient jamais à l’avant plan.

Marijke était radicale au sens de Marx : pour résoudre un problème, il faut en identifier la racine rationnellement, et agir en conséquence, révolutionnairement. Elle maîtrisait les catégories du matérialisme historique – mode de production, rapports de production, classes et couches sociales, capital, surproduit social, valeur, plus-value, etc. – mais c’était le contraire d’une dogmatique. Esprit libre, Marijke ne craignait pas de quitter les sentiers battus lorsque la réalité l’imposait.

Esprit libre, Marijke ne craignait pas de quitter les sentiers battus lorsque la réalité l’imposait.

Outre la lutte syndicale, à laquelle elle a participé en tant qu’enseignante, l’apport de Marijke a été particulièrement important à deux niveaux : le féminisme et l’écosocialisme. Dans les deux cas, il s’agissait de dépasser les limites, voire les œillères, d’une certaine tradition marxiste, patriarcale et productiviste.

Avec d’autres militantes, regroupées dans la Commission femmes de la Section belge [de la IVe Internationale], Marijke a joué un rôle clé dans le combat pour la dépénalisation de l’avortement. Si les femmes du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) ont été convaincues de se rallier à la proposition de loi Lallemand/Herman-Michielsens, c’est à ces camarades qu’on le doit. Ce fut une énorme victoire pour l’émancipation dans notre pays. Quelques années plus tard, Marijke rempilait et jouait un rôle de premier plan dans la vaste campagne unitaire « Femmes contre la crise ».

En parallèle, Marijke a été une des premières dans la Quatrième Internationale, et la première dans la section belge, à prendre la pleine mesure des terribles menaces barbares découlant de la chute vertigineuse de la biodiversité, de la perturbation irréversible du climat, de l’empoisonnement chimique et radioactif de la planète. Elle y consacrait une rubrique régulière dans nos journaux, La Gauche et Rood. Dès le début des années 80, dans le cadre d’une journée de formation, elle interpellait les membres de la section belge en soulignant la nécessité d’aller au-delà des changements structurels indispensables, notamment en mangeant substantiellement moins de viande.

Depuis une quinzaine d’années, Marijke travaillait sur l’écoféminisme, concept privilégié pour faire converger les deux grands combats de sa vie militante. Tout en se distanciant des conceptions essentialistes de certaines autrices pour qui les femmes sont « par nature » plus écologistes que les hommes, elle ne cachait pas son admiration pour l’engagement d’une Vandana Shiva. Elle ne craignait pas de souligner que la domination des femmes et la domination de la nature ont plus que des similitudes de forme : ce sont deux faces d’une même médaille.

Excellente pédagogue, Marijke mettait un point d’honneur à exprimer les choses les plus compliquées en termes simples. Ses qualités d’enseignement, sa sincérité, son humanité et son dévouement lui ont valu l’estime et la reconnaissance de très nombreuses personnes. C’est en particulier le cas des activistes femmes des pays du Sud qui ont eu la chance de suivre ses formations à l’Institut d’Amsterdam, dont Marijke a été codirectrice pendant quatre ans.

Marijke était modeste. Elle détestait les m’as-tu-vu, les arrivistes, les nombrilistes de tout poil. Et ne supportait pas les beaux parleurs – généralement mâles et très prolixes – qui croient qu’utiliser ou inventer beaucoup de mots compliqués leur donne la qualité de « philosophes ».

La vie militante est faite de nombreuses défaites, de quelques succès et de pas mal de désillusions personnelles, avec leur lot de mesquinerie et de jalousie. Marijke en a parfois souffert, mais cela n’a pas remis en question sa fidélité au marxisme révolutionnaire, féministe, internationaliste et écosocialiste. En cette époque de narcissisme débridé, cela mérite un immense respect que nous devons à sa nature droite, intègre et à sa volonté farouche de lutte.

Dans les dernières années du siècle passé, l’exemple de Marijke m’a encouragé à faire moi aussi usage de ma formation scientifique pour aider notre courant politique à prendre en compte la centralité de la crise écologique globale. C’est peu dire que je lui en suis reconnaissant.

Au nom de la section belge de la QI, je rends hommage à notre camarade Marijke, jadis Lida de son pseudonyme.

En mon nom personnel, je salue une amie très chère, à qui je dois beaucoup.

Companera Marijke presente !

Daniel Tanuro


Pour toi Marijke, avec une pensée toute particulière pour Pips et toutes les personnes qui t’étaient chères

Hommage prononcé par Oksana Shine lors des funérailles, jeudi 27 avril 2023.

Je prends la parole aujourd’hui au nom des camarades des Féministes anticapitalistes pour te remercier pour tout ton enseignement, ta camaraderie et ton engagement militant.

Pour nous, c’est tout un héritage de lutte féministe en Belgique que tu emportes avec toi… mais pas sans nous l’avoir partagé. Avec toutes tes formations, tes interviews, tes textes d’analyse (4)Voir ci-dessus., tu as fait un précieux et rigoureux travail de direction et de transmission pendant des années et des années. Tu l’as fait en toute humilité, en te laissant enseigner des luttes de nouvelles générations féministes. Pour nous, tu faisais la démonstration qu’une femme de 70 ans pouvait être beaucoup plus progressiste et libre qu’une jeune fille de 20 ans. Pas étonnant, toi qui avais été à l’avant-garde des luttes écologiques et des luttes des femmes au sein même de notre organisation !

Militer dans un environnement compétitif et machos à certains égards, tu l’avais connu. Et c’est pourquoi tu portais souvent notre attention à l’ambiance dans les espaces militants. Ton expérience faisait le lien entre le mouvement des fem-soc dans les années 70 et le mouvement de grèves féministes de ces dernières années. Tu tissais un fil violet entre les luttes écologiques, féministes et le mouvement ouvrier.

Tu tissais un fil violet entre les luttes écologiques, féministes et le mouvement ouvrier.

En 2019, certaines d’entre nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de ta présence pour organiser une campagne contre le marchandage politique autour du droit à l’avortement en Belgique. Toi qui 50 ans avant, avais soutenu la construction du premier centre pratiquant l’avortement en Flandre !

Ce sont des centaines de camarades, hommes et femmes, que tu as formé·e·s à travers ces années et à travers le monde à l’écosocialisme, l’écoféminisme et au féminisme lutte de classe. Depuis l’annonce de ton décès, ce sont des dizaines de messages de féministes qui nous sont parvenus de France, d’Inde, d’Espagne, du Brésil, du Portugal, d’Angleterre, d’Italie, du Danemark, de Suisse et des Pays-Bas… Nombreux soulignent tes qualités de passeuse d’expériences et de langues. Chichi me dit d’ailleurs de te dire qu’elle s’est enfin mise à apprendre le néerlandais, toi qui l’y avais vivement encouragée il y a
plusieurs années.

Tu nous laisses un héritage sans testament. Une expérience sans prescription pour les luttes à venir. Mais une invitation ferme et assumée à défendre une direction anticapitaliste révolutionnaire.

Pas de féminisme sans lutte de classe ! Pas de lutte de classe sans féminisme !

Merci Marijke ! T’avoir rencontrée nous inspire à continuer…

Oksana Shine


Marijke Colle, active et curieuse toute sa vie

Hommage écrit par Alex de Jong, co-directeur de l’Institut international de Recherche et de Formation à Amsterdam (IIRF, insititut dont Marijke fut également co-directrice et pour lequel elle donna de nombreuses formations), le 17 avril 2023.

Le dimanche 16 avril, nous avons appris la triste nouvelle du décès de notre camarade Marijke Colle à l’âge de 75 ans. Féministe et socialiste convaincue, Marijke s’est consacrée à divers mouvements pendant de nombreuses années et est restée politiquement active jusqu’à la fin. Son dévouement, son intelligence et son enthousiasme ont fait d’elle un modèle pour beaucoup d’autres.

Marijke est née en 1947 dans une famille flamande conservatrice. Comme beaucoup de ses contemporains, elle s’est politisée lors de la vague de 1968. Marijke a joué un rôle de premier plan dans ce mouvement. Elle est devenue membre de Dolle Mina dans les années 1970 et active dans le mouvement socialiste-féministe. En tant que membre de l’organisation sœur belge de Grenzeloos (5)Cet article a été écrit pour Grenzeloos, la section néerlandaise de la IVe Internationale. (alors Ligue révolutionnaire des Travailleurs, aujourd’hui Gauche anticapitaliste), Marijke a joué un rôle important dans la lutte pour le droit à l’avortement en Belgique.

Dans cette lutte, Marijke a acquis une expérience et des connaissances précieuses qu’elle a ensuite transmises aux nouvelles générations et appliquées à d’autres mouvements. Marijke savait que les socialistes pouvaient jouer un rôle moteur en combinant des revendications radicales et de larges mobilisations. Pour Marijke, être radicale ne signifie pas rester à l’écart, mais être active là où l’on peut convaincre les gens et changer quelque chose. Par exemple, elle a été membre militante du syndicat de l’enseignement pendant de nombreuses années.

Dans sa nécrologie, la Gauche anticapitaliste écrit (6)Lire ci-dessus. que la vie de Marijke a été caractérisée par trois dimensions : le marxisme révolutionnaire, le féminisme et l’écologie. Marijke a étudié la biologie et a travaillé comme professeure de biologie pendant de nombreuses années. L’écologie et le changement climatique lui tenaient à cœur. Au sein de la Quatrième Internationale, elle a de nouveau joué un rôle de pionnière, en présentant cette fois l’écologie comme une question centrale pour les socialistes, il y a plus de 30 ans. Marijke a reconnu très tôt que le changement climatique est une question de lutte des classes : si la gauche ne propose pas ses propres réponses, ce sont les travailleurs du monde entier qui supporteront le coût de cette crise, au sens propre comme au sens figuré.

Pour elle, la façon dont le capitalisme détruit le climat et l’écosystème montre également la nécessité de considérer la nature d’une manière différente, de ne pas la voir uniquement comme un ensemble de matières premières destinées à l’usage humain, mais de reconnaître sa valeur et sa beauté intrinsèques. À cet égard, Marijke a certainement critiqué le marxisme classique. Marijke savait que les femmes sont confrontées à des formes d’oppression combinées, souvent cachées, et que même au sein de la gauche, il existe un risque de reproduire des schémas sexistes. En réponse, Marijke a toujours défendu le droit des femmes à s’organiser entre elles.

Marijke était une internationaliste dans l’âme. Elle était active en Belgique, en Grande-Bretagne, en France et aux Pays-Bas, toujours consciente des implications internationales de processus tels que le changement climatique et de la nécessité d’une solidarité internationale. Lors d’une visite aux Philippines, où elle a vu comment les activistes défendaient une agriculture écologiquement responsable comme moyen de conservation et de subsistance pour la population, Marijke s’est sentie dans son élément. L’une des dernières actions auxquelles elle a pu participer était une action de solidarité avec le peuple ukrainien.

De 2009 à 2013, Marijke a vécu aux Pays-Bas et a été codirectrice de l’IIRE Amsterdam, l’institut de formation de la Quatrième Internationale. Elle avait un talent pour l’enseignement, elle pouvait expliquer des questions complexes de manière claire et enthousiasmer les gens. Marijke avait des convictions fortes et ne cachait pas ses divergences d’opinion. En même temps, elle restait curieuse des nouvelles idées et était toujours prête à engager la discussion. Par ses formations, ses articles et ses discussions informelles, Marijke a influencé de nombreux.ses militant·e·s qui se souviendront d’elle avec gratitude.

Marijke a pris conscience de l’ampleur des crises sociales et écologiques actuelles et de l’urgence d’un changement radical. Dans le même temps, elle a puisé de l’espoir dans des mouvements tels que ceux des petit·e·s agriculteurs/trices du Sud et dans le radicalisme des jeunes militant·e·s pour le climat. L’attitude de Marijke face à la vie était un bel exemple de ce que Gramsci appelait « le pessimisme de l’intelligence, l’optimisme de la volonté ». Elle était également très terre-à-terre et trouverait plutôt prétentieux de citer quelqu’un comme Gramsci.

Marijke était une rebelle née, passionnée de politique, qui trouvait également le temps de boire une bière de temps en temps. C’est un privilège d’avoir appris d’elle et de l’avoir connue. Nos pensées vont à sa famille, à ses camarades et à ses amis, en particulier à son compagnon Pips.

Alex De Jong


Une camarade active, passionnée et hyper-intelligente

Hommage publié le 16 avril 2023 par Thomas Weyts, de la section de Gand du SAP-Antikapitalisten, dans laquelle militait Marijke.

Cet après-midi, nous avons appris la triste nouvelle du décès de Marijke Colle. Marijke était atteinte d’un cancer. Nous souhaitons tout d’abord exprimer nos plus sincères condoléances à son partenaire Pips, à ses sœurs, à ses nombreux amis et camarades dans le monde entier.

Avec Marijke, nous perdons, avec la Gauche anticapitaliste / SAP-Antikapitalisten et la Quatrième Internationale, une camarade active, passionnée et hyper-intelligente, qui a joué un rôle majeur dans notre organisation pendant plusieurs décennies, au sein de la commission écologie et féminisme, en tant que co-directrice de notre école internationale, l’Institut international de Recherche et de Formation.
Le décès de Marijke représente également une perte énorme pour le mouvement féministe dans notre pays, où elle était l’une des pionnières de la précédente vague, et où elle a soutenu avec beaucoup d’enthousiasme le(s) nouveau(x) mouvement(s) féministe(s) et les actions du 8 mars au cours de ces dernières années. Une perte pour le mouvement climatique, auquel elle a essayé de participer activement jusqu’à la fin, y compris au niveau local dans le Mouvement climatique de Gand. Marijke était également une syndicaliste de lutte pendant de nombreuses années, y compris au sein du conseil d’administration et en tant que militante de l’ACOD (CGSP) Enseignement de Flandre Orientale.

Marijke était également une internationaliste de la meilleure espèce. L’une des dernières actions auxquelles elle a pu participer à Gand était une action de solidarité avec les Ukrainien·ne·s. Mais aussi des centaines de camarades, jeunes et vieux/vieilles, du monde entier qui ont pu travailler avec elle ou écouter ses formations toujours intéressantes, dans les camps de jeunes de la 4e Internationale (7)Participe aux Rencontres internationales de Jeunes!, dans les écoles internationales de l’Institut international de Recherche et de Formation, dans la direction de l’Internationale et les divers comités internationaux (féminisme, écologie,…) auxquels elle a participé au fil des ans, ont appris à connaître Marijke comme une camarade qui disait toujours ce qu’elle pensait, mais dont on pouvait toujours apprendre quelque chose.

Un souvenir personnel : l’une des premières fois que j’ai rencontré Marijke, c’était dans les années 1980, alors que j’étais une très jeune militante du SJW (8)Socialistische Jonge Wacht, la Jeune Garde socialiste., l’organisation de jeunesse du SAP (à l’époque le Socialistische Arbeiderspartij / Parti ouvrier socialiste – POS en français), et que j’allais aider un mercredi après-midi au « bulwark », notre secrétariat national à Bruxelles. En tant qu’enseignante, Marijke avait congé le mercredi après-midi et, à l’époque, il y avait également une réunion hebdomadaire le mercredi soir du bureau politique. Lorsque j’ai demandé ce que je pouvais faire, Marijke m’a dit que le bâtiment aurait besoin d’un nettoyage ici et là (à juste titre). Elle m’a donc donné une brosse à tourner, une serpillière et un aspirateur. En d’autres termes : organise-toi et tire ton plan, dis. Plus tard dans l’après-midi, j’ai été autorisé, de manière beaucoup plus agréable et laconique, à classer les archives. Cet après-midi-là, j’ai beaucoup appris sur mon organisation et sur le fait qu’il est possible de réaliser beaucoup de choses avec peu de moyens. J’ai aussi appris plus tard que s’organiser, c’est un peu comme essayer de rassembler un troupeau de chats.

Thomas Weyts

Photo : Gauche anticapitaliste / CC BY-NC-SA 4.0.

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