Le conseil du parti nationaliste flamand néolibéral n’a pas élu Theo Francken au poste de vice-président du parti. À sa place il a préféré Valerie Van Peel, secondée par Lorin Parys. S’agit-il d’un victoire de la gauche sur la droite et des progressistes sur les conservateurs ? Certainement pas. En réalité l’enjeu de la vice-présidence n’était pas la personne de Theo Francken, mais l’image de la N-VA, suite aux élections du 26 mai 2019 au grand profit de l’extrême droite flamande. L’immigration, le cheval de bataille de Francken et en premier lieu du Vlaams Belang ne sert plus à faire avancer la N-VA. Le parti de Bart De Wever est à la recherche d’un public élargi sur d’autre thèmes.

Cela ne veut pas dire que le personnage de Francken a perdu tout soutien parmi les membres et les électeurs de la N-VA. Loin de là. N’oublions pas qu’il était, après Bart De Wever, celui qui rapportait le plus de voix préférentielles au parti et qu’il jouissait d’une popularité considérable parmi la population, même en Wallonie. N’oublions pas non plus que la direction du parti n’a condamné à aucun moment sa politique. La N-VA est à la recherche d’un nouveau style, d’une nouvelle image sans répudier sa politique néolibérale nationaliste teintée de populisme et d’idées conservatrices. Un nouveau style n’implique pas un autre programme politique et social.

Revenons sur le rôle qu’a joué Theo Francken dans le gouvernement fédéral précédent et après la défaite électorale du parti qui s’est depuis lors cantonné dans la gouvernance de la Flandre. En tant que secrétaire à l’immigration et l’asile il n’a pas pu concurrencer le Vlaams Belang raciste et xénophobe. La majorité de la population se pose plutôt des questions autour des questions sociales, ce que le Vlaams Belang a compris en présentant dans son programme un volet social que les médias osent présenter comme à gauche. Francken est également le grand responsable de la chute du gouvernement précédent suite au rejet du Pacte de Marrakech sur l’immigration que la N-VA n’avait pas condamné au préalable mais sous la pression du Vlaams Belang. Puis est venu l’affaire Kucam qui vendait à son grand profit des visas à des chrétiens syriens et cela sous la responsabilité ministérielle du secrétaire d’État Francken. Son image en a souffert. Dans les pourparlers pour former un nouveau gouvernement, Francken a joué un rôle important dans la tentative de former une coalition gouvernementale PS/N-VA. Sans doute dans l’optique wéverienne d’obtenir des socialistes wallons des avancées dans la confédéralisation de l’État belge en échange de je ne sais pas quoi. Mais n’oublions pas que la N-VA, avec son idée des « deux démocraties », la flamande et la wallonne, et sa conception ethnique de la démocratie, préfère peut-être au lieu d’une Flandre indépendante et d’un point de vue économique difficilement réalisable, une Flandre qui domine par son poids démographique la Belgique entière. C’est un vieux rêve revanchiste de certains nationalistes flamands : après la domination des francophones sur la Flandre c’est aujourd’hui à nous de dominer la Wallonie. Mais on doit se demander à juste titre ce que les Wallons « socialistes » demanderont en échange d’un tel confédéralisme.

En réalité tous ces discours du N-VA et de son chef ne font pas avancer les choses. La députée et candidate à la vice-présidence Anneleen van Bossuyt déplore « avec un peu de nostalgie la période ou la phalange tenait bon ». Selon l’entrepreneur Lorin Parys qui se déclare libéral pur-sang (du point de vue économique) « nous devons retrouver notre ADN, celui d’un parti flamand populaire large ». Valerie Van Peel a le sentiment que « nous nous trouvons depuis un temps dans la tempête ». La N-VA est en crise. Elle n’est plus ce qu’elle était : « Crédible et ayant peur de rien ».

Mais que représente cette madame van Peel dans la nouvelle image de la N-VA ? Elle aborde d’autres thèmes : l’enfance. Cela est louable, mais devient douteux d’un point de vue non seulement éthique mais humain, quand elle dit que dans le cas de parents « incapables » comme par exemple des mères toxicomanes, il faut les obliger à avorter ou même les interdire de procréer. L’eugénisme, sujet tabou depuis la chute du nazisme refait surface dans la mouvance et avec la montée de l’extrême droite.

Il est clair que le fond idéologique néolibéral et nationaliste ne change pas d’un iota. Et que vient de dire ce dimanche 14 février Bart De Wever devant la crise de son parti et de son rôle dirigeant ? Il aspire en 2024 à une coalition gouvernementale fédérale dont feraient partie la N-VA, la démocratie chrétienne et les libéraux, à l’image de la CSU bavaroise. « Une majorité de Flamands s’y retrouverait chez elle. Et si le parti est d’accord je continue comme président ».

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