Nous partageons ici une version éditée de la prise de position de Féministes anticapitalistes, publiée sur les réseaux sociaux ce mardi 25 en soirée, avant la démission de Sarah Schlitz.

Depuis plusieurs jours, la polémique gronde autour de Sarah Schlitz, secrétaire d’État à l’égalité des Genres du gouvernement Vivaldi, accusée d’avoir conditionné des subventions publiques pour des associations LGBT et féministes à l’utilisation de son logo personnel dans la communication publique des événements subventionnés. Appelée à se défendre devant le parlement, la secrétaire d’État a nié toute implication concernant la demande d’application de son logo, ce que devait vérifier la commission de Contrôle d’ici le vote, ce mercredi, d’une motion appelant à la démission de Schlitz, déposée par Sander Loones (NV-A). La N-VA exulte, mais des partis de la Vivaldi mettent également la pression : PS, Vooruit et MR notamment. Face à cela, Ecolo a fait bloc derrière sa secrétaire d’État… Jusqu’à sa démission ce mercredi matin, avant la session parlementaire qui devait débattre de l’affaire.

Alors, la question serait-elle : ou soutenir aveuglément Schlitz, ou faire cause commune avec la N-VA ? Pour nous, le vrai débat est occulté par l’écran de fumée de cette polémique pré-électorale.

La coalition De Croo, dont Ecolo et Schlitz sont d’enthousiastes participant.e.s, n’est pas un gouvernement « féministe ». Rappelons simplement que ce gouvernement :

  • est né sur les renoncements d’avancées majeures pour le droit à l’avortement ;
  • laisse à la rue des femmes et personnes LGBT demandeuses d’asile ;
  • enferme et expulse des femmes et personnes LGBT sans-papiers ;
  • a bloqué les salaires en pleine crise Covid puis pendant l’explosion du coût de la vie, frappant ainsi plus durement les précaires, en majorité des femmes ;
  • s’est attaqué à des mesures d’interruption de carrière prises majoritairement par des femmes ;
  • laisse les services publics et les secteurs des soins en ruines, avec là aussi un impact particulièrement nocif sur les femmes travailleuses et usagères de ceux-ci.
  • etc.

Pour autant, il est clair que la N-VA ne défend ici aucun principe éthique, mais voit une occasion en or de s’attaquer au féminisme libéral incarné par la secrétaire d’État Schlitz. En effet, les pratiques clientélistes dénoncées par les hypocrites de la N-VA ou du PS sont monnaie courante dans les partis bourgeois, notamment les leurs. Quant au parti Ecolo, qui s’était construit notamment sur la « moralité » politique, il poursuit son intégration parmi les partis du système, après avoir renoncé à soutenir les sans-papiers, le climat ou la sortie du nucléaire.

Ainsi, la boucle est bouclée : les réactionnaires « anti-woke » et les libéraux « progressistes » d’Ecolo (on a vu les comparaisons fleurir entre N-VA et nazisme ou Schlitz comparée à Gisèle Halimi) veulent nous imposer cette fausse polarisation et de « choisir notre camp ». Nous refusons de tomber dans ce piège des alternatives infernales.

Pour les Féministes anticapitalistes, l’instrumentalisation des organisations féministes et LGBT par Sarah Schlitz n’est que le symptôme d’une subordination plus large du monde associatif et de nos mouvements au bon vouloir d’un pouvoir étatique et entrepreneurial marqué par de multiples pratiques de pink-washing. Plutôt que la fausse dichotomie entre réacs et libéraux, il importe pour nous de travailler à construire par en-bas un mouvement féministe et LGBT massif, combatif et autonome vis-à-vis des pouvoirs étatiques et des entreprises capitalistes, seul moyen de parvenir à imposer un autre rapport de force face aux réactionnaires de tout poil tout autant qu’à porter de véritables revendications féministes et écosocialistes de rupture face aux libéraux bleus, verts ou « rouges ».

Ce sont nos luttes, et non des participations à des gouvernements et cabinets libéraux, qui pourront transformer nos vies.

Cette leçon vaut bien un logo, sans doute.

Post-scriptum : deux autres éléments ont attiré notre attention depuis la démission de Schlitz ce matin. D’abord, Sander Loones (N-VA) a réagi à cette démission en affirmant que les compétences de Schlitz pouvaient être reprises par un.e autre membre du gouvernement fédéral et qu’elle ne devait pas être remplacée. Il a prétexté la nécessité de « faire des économies » budgétaires en supprimant un salaire de secrétaire d’État. Cette démagogie masque mal le fait qu’un salaire de secrétaire d’État est une goutte d’eau dans un budget fédéral qui se chiffre à plus de 100 milliards d’euros. Chassez le naturel, il revient au galop pour la N-VA : démagogie, sabrer dans les budgets liés aux questions sociales et à la lutte contre les discriminations.

Deuxièmement, on a donc constaté ce matin que si Francken n’a pas dû démissionner quand la petite Mawda est morte sous les balles de la police, si De Moor (CD&V) n’a pas dû démissionner malgré les plus de 8000 condamnations en justice de l’État belge face à la politique scandaleuse du gouvernement fédéral contre les demandeur.euses d’asile ; il est tout aussi frappant de remarquer que Sarah Schlitz n’avait pas démissionné face à la politique d’asile indéfendable de la Vivaldi, et que son parti Ecolo l’a lâchée elle et pas la coalition de De Croo, qui continue cette politique. À la Vivaldi, comme dans son opposition de droite néoconservatrice, on voit donc où sont les priorités.

Photo : Le bloc des Féministes anticapitalistes le 8 mars 2023 (Gauche anticapitaliste / CC BY-NC-SA 4.0).

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