Nous reproduisons ci-dessous une carte blanche publiée sur le site de la RTBF (1)https://www.rtbf.be/article/carte-blanche-pourquoi-les-delhaiziens-peuvent-et-doivent-gagner-11186091 en soutien à la lutte des Delhaizien.ne.s, signée notamment par des membres de la Gauche anticapitaliste.

Il y a environ six semaines, la chaîne de supermarchés Ahold Delhaize a annoncé sa décision de confier l’ensemble de ses 128 établissements en gestion propre à des exploitants indépendants. La direction de Delhaize affirme que rien ne changera pour les salarié.es concerné.es, mais ceux-ci redoutent, à juste titre, des pertes d’emploi et une détérioration des conditions salariales et de travail. Ces dernières n’étaient déjà pas fantastiques : les travailleurs et travailleuses (ce sont essentiellement des femmes) effectuent un travail très exigeant sur le plan physique, pour un salaire loin d’être mirobolant.

Ce plan de restructuration a déclenché une vague d’indignation, et une grande partie des salarié.es ont spontanément arrêté le travail. Six semaines plus tard, leur lutte continue. Nous les soutenons.

Historique

Les « Delhaiziens » et « Delhaizennes » écrivent une page importante de l’histoire sociale. Leur combativité est plus qu’impressionnante. Il semble que David pourrait l’emporter sur Goliath cette fois encore. En effet : ensemble, les travailleuses et travailleurs peuvent constituer un contrepoids important face à la puissance économique d’Ahold Delhaize. Leur message est clair : « Non à la maximisation des profits au détriment du personnel« . Leur message est identique dans tout le pays et par-delà les frontières : des grèves ont lieu partout en Belgique, et des actions sont menées contre Ahold aux Pays-Bas.

La mise en place d’un nouveau modèle (a) social

Ahold Delhaize réalise déjà des millions de bénéfices, mais les actionnaires en veulent davantage. C’est la seule raison pour laquelle cette restructuration est prévue. Delhaize utilise d’ailleurs des magasins franchisés depuis des années, comme Proxy Delhaize et Shop & Go. Les travailleuses et travailleurs savent donc ce qui les attend.

La franchisation des magasins entraînera inévitablement une baisse des salaires et une détérioration des conditions de travail, quelle que soit la convention collective qui tente de l’empêcher. Cela n’est pas imputable aux propriétaires de magasins indépendants. Il n’est pas facile pour eux non plus de joindre les deux bouts. Ils sont également confrontés aux prix élevés de l’énergie et ne disposent que d’une marge de manœuvre limitée, voire nulle, pour fixer leurs prix. De plus, ils doivent reverser à Delhaize une commission sur les ventes effectuées. Réaliser des économies sur les salaires représente donc le seul moyen pour eux de garder la tête hors de l’eau.

En outre, dans de nombreux magasins franchisés, il n’y aura aucune représentation syndicale, ces magasins employant moins de 50 personnes. Et sans syndicat, les soi-disant garanties ne valent rien : la personne se retrouve seule face à son patron et doit choisir entre travailler de plus en plus de manière flexible pour un salaire moindre et être licenciée pour des raisons économiques.

Flou, intimidation et répression de la part d’Ahold Delhaize

La direction de Delhaize sait qu’elle ne peut pas tenir sa promesse, selon laquelle rien ne changera pour les travailleurs. Les demandes de clarté des syndicats concernant l’avenir sont restées sans réponse.

Ahold Delhaize ressent manifestement la force de l’action collective. C’est précisément la raison pour laquelle la chaîne de magasins s’oppose si brutalement aux grèves en cours. L’entreprise s’est adressée au tribunal avec des avocats onéreux afin d’obtenir une interdiction de la grève par le biais de procédures unilatérales. Les personnes qui se tiennent encore à un piquet de grève sont menacées d’astreintes élevées par des huissiers. Pour poursuivre la restructuration antisociale malgré les protestations, Delhaize joue désormais la carte de la répression et de l’intimidation. Le droit de grève, garanti par la Charte sociale européenne, passe tout simplement à la trappe.

Les Delhaizien·ne·s méritent notre soutien.

Au lieu de chercher des solutions, Ahold Delhaize préfère faire taire ses employé·e·s en recourant aux huissiers de justice. Il est donc essentiel que les travailleuses et travailleurs bénéficient d’un large soutien.

D’ailleurs, la bataille des Delhaizien·ne·s nous concerne tous. Delhaize ne sera pas la seule chaîne de magasins à céder à la soif de profits et à la pression de la concurrence. D’autres groupes pourraient bientôt lui emboîter le pas. Par conséquent, de plus en plus de travailleuses et de travailleurs seront poussé·e·s vers des emplois précaires.

Cette tendance à la flexibilisation n’est pas nouvelle, mais elle est extrêmement dangereuse. Allons-nous bientôt basculer dans un système où nous aurons besoin d’au moins deux emplois pour gagner décemment notre vie ? Et oserons-nous encore défendre nos droits ?

Nous, les signataires de cette lettre, appelons donc à soutenir les Delhaizien·ne·s. Montrons-leur dès à présent notre reconnaissance pour leur travail acharné.


*Liste des signataires :

Céline NieuwenhuysSecrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux
Benedikte ZitouniProfesseure sociologie, Université Saint-Louis Bruxelles
Carla NagelsActrice des temps présents
David JamarProfesseur sociologie UMONS
Ken LoachRéalisateur
Elise DermineProfesseure de droit du travail à l’ULB
Esteban MartinezProfesseur Université libre de Bruxelles
Jean Luc DemeulemeesterProfesseur ULB
Jean-François NevenMaître de conférences à l’ULB
David MurgiaComédien
Fabrice MurgiaRéalisateur
Serge DeruetteProfesseur UMONS
Mathieu VerhaegenPrésident CGSP-ALR-BRU
Giulio IacovoneDirecteur du CASI-UO asbl
Jean Paul II FokiAnimateur Permanent Ciep Hainaut Centre
Marianne PétréAvocate
Marie-Pierre De BuisseretAvocate
Pierre RobertAvocat
Sarah JanssensAvocate
Véronique van der PlanckeAvocate au Barreau de Bruxelles et Maître de conférence à l’ULB
Frank BaratActiviste, auteur et producteur
Gwenaël BreësRéalisateur
Manu ScordiaDessinateur
Michel RenardSyndicaliste CNE
Freddy MathieuAncien Secrétaire Régional de la FGTB Mons-Borinage, militant de Gauche anticapitaliste
Cécile PiretPost doctorante – Assistante chargée d’exercices ULB
Jean VandewattyneEnseignant-Chercheur UMONS
Laetitia MélonMaître de conférences Université libre de Bruxelles
Sixtine Van OutryveDoctorante en droit UCLouvain
Youri Lou VertongenProfesseur-invité, Centre de recherche en Science Politique (Crespo), Université Saint-Louis Bruxelles
Charlotte CasierChercheuse et déléguée syndicale CGSP à l’ULB
Vike MagrezPermanent. e JOC Mons-Borinage
Céline De VosArtiste – scénographe
Daniel TanuroAuteur ecosocialiste, membre de la Gauche anticapitaliste
Francesca SpinelliJournaliste
Bernard JanssensEnseignant
Francis Houart 
François Gaethofs 
Jean-Pierre Griez 
Julien Truddaïu 
Mona Malak 
Thérèse Michels 
Valérie Cardinal 
Christophe VanroelenProfessor Vrije Universiteit Brussel
Filip DorssemontProfessor Arbeidsrecht UCLouvain
Freek LouckxProfessor Sociaal Recht Universiteit Antwerpen
Herwig VerschuerenGewoon hoogleraar Universiteit Antwerpen
Ico MalyAssociate professor, Tilburg University
Karel ArnautProfessor sociale en culturele antropologie KU Leuven
Maarten LoopmansProfessor KU Leuven
Marc RigauxEm. Gewoon hoogleraar Universiteit Antwerpen en voorzitter Masereelfonds Antwerpen
Patrick DeboosereProfessor Vrije Universiteit Brussel
Ann-Sophie HofmanCoördinator ad interim SAAMO Gent vzw
Dominique KiekensCoördinator Instituut Samenwerking Universiteit Arbeidersbeweging, ISUA
Ellen VerrytBestuurslid Furia
Heidi DegerickxAlgemeen coördinator Netwerk tegen Armoede
Peter VeltmansAdjunct-secretaris ACOD AMiO Financiën
Stéphanie StaïesseTeamcoach Arbeid SAAMO Gent vzw
Geert SchuermansAuteur ‘De achterblijvers’
Peter TierensAdvocaat
Pieter De VosFilmmaker
Anton JägerPublicist
Claudia MaràDoctoraal onderzoekster (CeSo – Center for Sociological Research, FSW)
Jill CoeneOnderzoeker Universiteit Antwerpen
Karim ZahidiFilosoof (UGent & UAntwerpen), voorzitter Masereelfonds
Karol MuszyńskiPostdoctoral researcher at ERC-funded project “ResPecTMe”, Faculty of Social Sciences, KU Leuven
Kurt VandaeleOnderzoeker European Trade Union Institute
Maarten HermansDenktank Minerva / VUB
Pascal DebruyneDocent en onderzoeker Odisee Hogeschool
Katrin Van den Troost 
Ferre Wyckmans 
Tatiana de Perlinghi 
Barbara Frère 
Valerie Griez 

Photo : Gauche anticapitaliste (CC BY-NC-SA 4.0)

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