Nous y (re)voilà. La deuxième vague de l’épidémie était attendue pour cet automne. La politique libérale des équipes Wilmès et De Croo a largement amplifié le problème. Des mesures en place avaient permis de ralentir la progression du virus. Mais à partir du moment où un doublement du nombre de personnes hospitalisées se produit chaque semaine, les petits ruisseaux ont fini par faire les grandes rivières, qui menacent aujourd’hui d’inonder le système de santé. Ce jeudi 22 octobre, les centres de tests sont saturés, nous en sommes déjà à plus de 3000 personnes hospitalisées et près de 50 décès par jour.

Un relâchement venu d’en haut, aux conséquences prévisibles

De Croo et Vandenbroucke, qui veulent donner l’image des capitaines sur le bateau, ainsi que plusieurs virologues, nous ont asséné qu’il fallait prendre des mesures plus contraignantes parce que « les gens » n’avaient pas suffisamment respecté les mesures et gestes de protection. Il existe probablement une part de comportements dangereux et non-respectueux qui se retrouve dans toutes les couches de la population, fruit pourri de décennies d’endoctrinement… libéral et de « loi du plus fort ». Mais en vérité, c’est le fondement même de la politique gouvernementale qui nous a mené de façon prévisible dans la situation actuelle : d’abord le déconfinement s’est fait alors que le nombre de cas n’était pas descendu suffisamment bas et que les capacités de tests n’étaient pas assez développées. Ensuite, la première reprise de mi-juillet à fin août a pu être freinée mais à nouveau avec un plancher de plus de 400 cas par jour au retour des congés et au moment d’entamer la rentrée scolaire et le retour généralisé au travail. Le système de tests a vu ses capacités réduites pendant l’été puis ré-augmentées trop tard, prouvant une fois encore l’incapacité court-termiste libérale à respecter le principe de précaution. Combiné avec la quarantaine et le traçage des contacts, le dispositif n’a à aucun moment semblé pouvoir aller assez vite et de façon assez précise pour stopper à lui seul l’épidémie.

Ajoutons à ça les mesures ultra-contraignantes (« bulle de 5 » en août, puis à Bruxelles le masque obligatoire même dans un parc vide la nuit) – déjà à l’époque incomparablement plus que les mesures prises dans les entreprises – les zigzags des autorités et puis la propagande des anti-masques et autres complotistes : tout ça a joué à fond cet été pour décrédibiliser les consignes. Un déni particulièrement fort dans l’espace francophone avec plusieurs charlatans, dont certains se voient offrir des tribunes dans les médias(1)Malgré qu’ils soient désavoués par leurs collègues, à l’instar du prêcheur de déni Jean-Luc Gala, de l’hôpital Saint-Luc ou à l’université de Liège. Enfin, l’absence d’un nombre élevé de décès pendant plusieurs mois a laissé plus facilement libre cours à ces discours avec l’illusion que le virus « n’était peut-être pas si dangereux que ça ». Résultat : l’adhésion aux mesures a également diminué.

Le coup de grâce fut le signal envoyé par.. .le gouvernement Wilmès et le Conseil national de sécurité du 23 septembre, avec l’assouplissement des mesures, notamment la réduction de la quarantaine à une semaine, dont la justification avouée était déjà la nécessité « économique » (patronale), alors que l’épidémie était repartie à la hausse. L’influence de la composition du Celeval, qui conseille le gouvernement, avec « moins de virologues » que son prédécesseur (le GEES), a joué. La paralysie des négociations gouvernementales dûe à la crise du régime politique belge a fait encore perdre trois précieuses semaines à un moment critique, alors que la rentrée des classes et le retour massif au travail commençaient à faire sentir pleinement leurs effets. Le 14 octobre, le directeur de l’INAMI s’inquiétait publiquement des « témoignages d’un réel relâchement au niveau des mesures sanitaires chez de nombreux employeurs [qui] s’accumulent ». Le baromètre de l’épidémie qui devait servir à une appropriation collective de l’évolution du danger et des mesures est resté coincé dans les dossiers du gouvernement. Et les contaminations se sont accélérées, suivies par les hospitalisations et les décès.

Cinq niveaux où le bât blesse dans la lutte contre l’épidémie

Toute lutte contre une épidémie nécessite une conscientisation, une responsabilisation et une participation de la population. Or, cette conscientisation, cette responsabilisation et cette participation sont fonction de la transparence de la politique suivie, de sa crédibilité, de sa rationalité, donc de son efficacité, de sa capacité d’aller au fond des choses, de la préoccupation pour la justice sociale et pour la démocratie. Le bât blesse à ces cinq niveaux.

Transparence ? La plupart des rapports des experts, qui servent à justifier les mesures décidées, sont confidentiels. On voudrait favoriser le complotisme qu’on ne ferait pas mieux.

Crédibilité ? N’en parlons pas: en mars encore De Block parlait d’une « petite grippe », et elle a pu néanmoins rester en poste jusque début octobre…

Rationalité ? Efficacité ? En dépit des demandes de nombreux scientifiques, Sciensano refuse obstinément de collecter et de diffuser l’information sur la répartition de l’épidémie par catégorie socio-professionnelle, qui est pourtant un indicateur important d’une politique fine de gestion de l’épidémie.

Capacité d’aller au fond des choses, dans une perspective de long terme ? Pour cela, il faudrait prendre à bras-le-corps le fait établi que la multiplication des zoonoses(2)Les zoonoses sont des maladies et infections qui se transmettent des animaux à l’être humain est un produit des destructions d’écosystèmes sauvages, et que la dissémination des virus est facilitée par la globalisation capitaliste, des transports notamment. En dépit des avertissements de l’OMS notamment, tous les gouvernements balaient cette réalité sous le tapis.

Quant à la démocratie et à la justice sociale, n’en parlons pas. Décidé en catastrophe après des tergiversations aux conséquences meurtrières, le confinement de mars avait été décrété de façon linéaire, comme si rester enfermé.e.s avec des enfants dans un appartement de 50m² était équivalent au confinement dans un villa quatre façades. Et les comités d’experts ont été conçus sur mesure pour mettre à l’écart les organisations syndicales, tandis que les patrons y étaient dûment représentés.

Une politique pas si incohérente que ça…du point de vue capitaliste


À première vue, on est tenté.e.s de dire : « mais les règles de ces derniers mois sont complètement incohérentes ! ». C’est également le point de vue de patrons des secteurs qui sont les premiers sous pression ou à l’arrêt pour diminuer nos contacts sociaux : événementiel, cafés, restaurants, culture. Le choix des autorités est en fait très cohérent et très explicite. Il est le relais direct du point de vue exprimé depuis des semaines par le patronat : la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) a ainsi répété début octobre dans les médias son dogme selon lequel « le problème se situe dans la sphère privée, et dans les universités ». Avant d’ajouter : «  Nos entreprises, elles, ont fait tout ce qu’elles pouvaient faire »(sic!). Rappelons que le patronat s’est aussi opposé à l’obligation du port du masque dans les entreprises. Le président de la FEB a déclaré ensuite qu’un reconfinement signifierait 60.000 faillites, un nombre vertigineux.

Partant de là, l’équipe Wilmès et ensuite De Croo suivent ces trois objectifs : d’abord, maintenir un maximum de secteurs d’activité capitalistes en ordre de marche. Ensuite, empêcher la saturation du système de santé qui aggraverait le nombre de décès et enfin permettre au système scolaire de fonctionner, même à minima, au détriment des enseignant.e.s et des enfants. Ces trois objectifs assurent les besoins de base pour assurer la continuité de l’économie capitaliste et donc de la reproduction de la force de travail : être vivant et « fonctionnel », capable et disponible de travailler sans devoir garder ses enfants et consommer des marchandises. Peu importent, dans cette optique, les besoins sociaux et désirs de l’humain qui vend cette force de travail. De Croo et Vandenbroucke ont donc insisté dans les médias sur la « responsabilité individuelle » et le fait de réduire nos contacts sociaux au strict minimum. Ce strict minimum excluant donc les contacts dans les écoles et sur les lieux de travail, qui sont deux sources de contamination bien loin d’être sans conséquences !

Le patronat et son gouvernement Vivaldi sont en train de réaliser à nouveau qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre : les soins de santé qui tiennent, le capitalisme et les écoles qui tournent et un nombre limité de victimes du virus. À vouloir forcer la résolution de cette équation impossible, coincée dans ses contradictions, la bourgeoisie et sa politique nous ont mené.e.s dans le mur, une fois encore. Les centres de tests et les hôpitaux arrivent à saturation dans de nombreux endroits, le personnel soignant est au bord de l’implosion et plusieurs secteurs économiques sont reconfinés, tandis que d’autres devraient suivre. Pendant ce temps, les travailleu.r.se.s se retrouvent sans réponse face à des questions aussi basiques et pressantes que : « Comment prendre soin de mes proches ? Comment me protéger ? Comment gérer la garde de mes enfants malades ? Comment trouver du soutien psychologique dans ma situation ? » …

Le profit avant la vie

Cette pandémie, nous l’avons dit, fait ré-émerger des questions existentielles, des choix de société fondamentaux posés par le maintien du capitalisme. Quand le gouvernement dit qu’il faut limiter les contacts sociaux au strict « nécessaire », posons la question : mais qu’est-ce qui est « nécessaire » ? C’est le même débat concernant les activités « essentielles » : la production d’armes continue vaille que vaille en pleine pandémie ! L’irrationalité capitaliste va jusqu’à pousser dans certains pays à des absurdités effrayantes du type des « croisières en paquebot sur place » ou des vols d’avion en boucle dans le ciel (!) vers la ville de départ. Dans ce contexte, les choix politiques des gouvernements Wilmès et Vivaldi ont donc en bonne partie maintenu deux des vecteurs des contaminations : le système scolaire, de plus en plus réduit à une garderie malgré les efforts immenses des enseignant.e.s et surtout l’entreprise, monstre sacré du capital.

Tout cela s’est fait à travers un jeu de dupes : nombre d’experts et de politiques ont asséné que le problème venait de « la vie privée » et Timmermans (FEB) avait même été jusqu’à oser dire lors du déconfinement que le lieu de travail était « peut-être le lieu le plus sûr » (re-sic) pour éviter l’infection. Des mois plus tard, Sciensano n’a toujours pas commencé à récolter les données pour éprouver ces envolées lyriques. Il n’y a donc pas de statistiques claires, en Belgique en tout cas, sur le sujet et bien peu de réaction syndicales, à l’exception de certains secteurs combatifs tels que la CGSP-ALR Bruxelles(3)Lire : COVID sur les lieux de travail, on en parle ou pas ?.

Mais il y a bien d’autres informations par ailleurs pour balayer les certitudes de Timmermans. D’abord, l’OMS a fini par reconnaître la réalité de la transmission par « aérosols », autrement dit les particules de virus dans l’air du simple fait que l’on respire. Même les systèmes de ventilation de nombreux bureaux et magasins risquent de se transformer en vecteurs du virus. C’est aussi la raison pour laquelle les lieux clos et mal aérés fournissent un terrain idéal au virus, et pourquoi celui-ci se propage d’autant mieux quand nous sommes à l’intérieur, ce qui arrive plus souvent quand le temps est mauvais. Ensuite, l’agence Santé Publique France a établi que près d’un quart des foyers identifiés l’avaient été sur les lieux de travail (entreprises privées et services publics). L’université d’Anvers a fait un sondage indiquant également une forte proportion de contaminations par le lieu de travail.

D’autres chiffres aux Pays-Bas ou chez Iriscare estiment à 15-20% le nombre de foyers épidémiques sur les lieux de travail. Les écoles compteraient pour un dixième. Et puis nous avons en mémoire les cas médiatisés, grâce à la lutte des travailleur.se.s, suite à des contaminations et risques de contamination à la STIB, chez AB Inbev ou encore dans les abattoirs Westvlees. L’ingénieur enseignant à l’UCLouvain, Alex Legay, le confirme : « le virus circule dans des entreprises où les gens doivent être en contact physique comme les abattoirs ou les dockers au port d’Anvers mais aussi dans des bureaux où l’entreprise ne permet pas d’avoir seulement un employé sur deux présents et qui rappelle son personnel en présentiel au bureau ». Nous pouvons aussi ajouter les travailleu.r.se.s saisonniers, à l’exemple d’un foyer lors de la récolte des carottes en Flandre.

En résumé : bien sûr qu’on attrape aussi le coronavirus au travail, dans une proportion suffisante pour prendre des mesures au moins aussi restrictives que ce que le gouvernement libéral nous impose jusqu’à présent dans la vie sociale, culturelle, citoyenne et privée. Si nous ressentons autant de pression dans les activités essentielles de la vie, c’est parce qu’il y a si peu de contrôle sur les activités non-essentielles. Pourtant, le gouvernement ne considère pas le travail comme un « rassemblement », et les règles en vigueur se résument en bonne partie à un catalogues de recommandations peu contraignantes. L’exemple typique est celui du télétravail, « recommandé », puis devenu « la règle », mais pas une obligation, après le comité de concertation du 16 octobre… Cette non-obligation étant notamment une revendication de la droite patronale en Flandre. Ainsi donc, la protection des travailleu.r.se.s et de leur droit à la santé se retrouve comme une option « parmi d’autres ». On sait pourtant que les contrôles dans les entreprises à l’époque du premier confinement ont montré qu’un très grand nombre d’entre elles étaient en infraction.

Un virus « injuste » ?

Pendant que l’Etat tire gentiment les oreilles de patrons qui jouent avec la vie des travailleu.r.se.s, il sort par contre l’artillerie lourde contre ces derniers. Des dizaines de milliers de PV et amendes ont été notifiés depuis le mois de mars. Beaucoup de ces amendes, sous forme de sanctions administratives communales (SAC), sont contestables ou inapplicables. Mais cela a donné un surplus de pouvoir de contrôle policier sur l’ensemble de la vie sociale. Et quand la police s’en mêle, elle ne frappe pas « aveuglément », bien au contraire : ce sont les pauvres, les personnes racisées, les personnes sans-papiers et les jeunes en particulier qui en font les frais. Ce sont les mêmes qui tombent le plus malades du virus, pour une raison simple que nous connaissons fort bien et qui est confirmée également par le même Alex Legay : les familles « défavorisées parce que leurs conditions de vie font qu'[elles] n’ont pas le confort de vie des gens aisés. Ils sont davantage, les uns avec les autres, ce qui favorise la propagation du virus. Ils travaillent le plus souvent dans des métiers à risques, pour lesquels le télétravail ne s’applique pas ».

Alors quand le fils De Croo nous dit qu’il « sait » que les mesures qu’il prend sont « injustes », parce que « le virus est injuste », nous avons raison de penser qu’il se paye notre tête. Le virus n’est pas « injuste ». C’est une épidémie qui se produit dans une société injuste, marquée par les inégalités de classe, de genre, et raciales. Et son gouvernement se situe du côté de cette injustice, du côté de la bourgeoisie, du racisme systémique et de l’oppression des femmes et des LGBTI+.

Ces dernières semaines, la police et le parquet ont annoncé que le temps de l’information était « terminé » et que les amendes de 250€ allaient être imposées sans avertissement préalable, avec poursuites judiciaires en cas de non-paiement. Terminé, le temps de l’information ? Céline Nieuwenhuis de la Fédération des services sociaux a rappelé ce 17 octobre à la RTBF qu’à l’UZ Brussel, de nombreux.ses patient.e.s n’ont encore aucune idée de ce qu’est le virus et des gestes à suivre. Et que cet hôpital a réagi en réunissant des jeunes du quartier dans l’hôpital pour « voir avec eux comment il faut communiquer directement avec les gens, en allant les chercher chez eux ». Elle appelle, et nous avec, à généraliser cette expérience en passant par les associations de quartier pour informer la population.

L’instauration d’un couvre-feu, une mesure autoritaire qui relève d’un état de guerre, ne peut qu’aggraver la situation pour les catégories de la population déjà le plus souvent victimes de violences policières, notamment dans les quartiers populaires des grandes villes. La mort du jeune Adil à Bruxelles date d’il y a à peine 6 mois et tous les ingrédients sont mis en place pour que la police puisse continuer à violenter, voire tuer, impunément. Police partout, justice nulle part : la réalité rattrape le slogan. Cela force les organisations actives dans la lutte contre les violences policières à redoubler de vigilance.

Une seule réponse : la solidarité et la lutte

Nous nous retrouvons donc avec des mesures tardives, injustes et inadaptées : les dirigeants des coalitions libérales n’ont quasiment rien appris et commettent le même type d’erreurs qu’au printemps. Alors bien sûr, on ne répare pas les dégâts de décennies de néolibéralisme dans la santé en quelques semaines : on ne peut pas former les infirmier/ères et médecins en claquant des doigts, mais en six mois il était possible de faire autrement, d’embaucher massivement des aides soignant.e.s et administrati.f.ve.s pour désengorger les centres de tests et la médecine de première ligne. Il était possible de ne pas jouer avec la quarantaine, les zones rouges, le laisser-aller dans les entreprises, le manque de moyens pour une information correcte par et pour les classes populaires, autrement dit d’éviter de jouer aux apprentis sorciers.

Il était et est nécessaire de mettre aussi en place les conditions matérielles pour que les personnes potentiellement contaminées puissent se mettre en quarantaine, avec une indemnisation complète, un congé avec maintien de salaire pour les parents d’enfants en quarantaine, etc. Il était et est toujours possible de régulariser toutes les personnes sans-papiers, leur garantir droits et soins en suffisance pour éviter d’en faire des victimes du virus. Il était et est toujours possible de désengorger au maximum les prisons en amnistiant les personnes qui n’ont pas commis de crime contre d’autres personnes, par exemple et en favorisant les peines alternatives. Il était et est toujours possible de rendre gratuit l’accès au matériel de protection pour toute la population. Cette incapacité impardonnable à faire ne serait-ce que le minimum pour empêcher l’emballement de l’épidémie, contraste avec le paternalisme et le ton résigné du gouvernement qui se déchargent de leurs responsabilités pour cibler chaque individu isolément, alors qu’il s’agit de faire société plus que jamais.

La colère légitime provoquée par ces choix politiques désastreux ne peut cependant pas nous aveugler ni nous tromper sur l’attitude à suivre quant aux gestes de protection. Par exemple, si le code de la route est certainement critiquable du point de vue éco-socialiste, en attendant de le remplacer, il vaut mieux le respecter dans l’intérêt de tou.te.s, notamment des enfants, des personnes âgées, des piétons en général et des cyclistes. C’est la même chose avec la politique sanitaire. La philosophie des mesures de la Vivaldi est tout à fait critiquable et l’impréparation des autorités est révoltante. Mais la deuxième vague est là, et bien là. Le respect des mesures sanitaires s’impose, car il n’y a pas d’autre dispositif réellement existant pour faire face au Covid. Ni la panique silencieuse, ni le déni ne nous permettront d’en sortir. La santé et la vie des personnes les plus exposées, y compris le personnel soignant, dépendent aussi de notre capacité à mettre en œuvre une autodiscipline populaire basée sur un sens des responsabilités solidaire. Le fait que notre système de santé est mutilé par les politiques d’austérité ne transforme pas des comportements négligents en manifestations de résistance au néolibéralisme, bien au contraire. Les prétendus « rebelles » aux mesures de protection ou ceux qui font circuler de fausses nouvelles, mènent une politique du désastre, et font de l’anticapitalisme de pacotille.

Nous devons nous opposer à cette vision de la société ultralibérale, baignée par le virilisme, le validisme, et l’eugénisme. Respectons les gestes de protection au quotidien, imposons les mesures de protection sur nos lieux de travail et par là, manifestons concrètement notre solidarité avec les soignant.e.s exténué.e.s qui donnent tout pour sauver la vie de milliers de personnes. Maintenons la vie sociale et politique en respectant drastiquement les mesures et distances de protection. Soyons exemplaires. Notre liberté de manifester dans l’espace public, nos droits démocratiques, incluant le respect des mesures, gestes et distances de protection, ne peuvent être étouffés. La lutte sociale est essentielle, vitale en particulier en cette période de crise, pour défendre nos intérêts de classe. Le silence assourdissant des directions interprofessionnelles des syndicats, mêlé de discours acritiques envers le gouvernement et immobilistes face au patronat, tout ça n’a que trop duré. Organisons-nous entre collègues de travail pour débrayer dès que c’est nécessaire, défendre nos droits et interpeller les directions syndicales engluées dans leur illusion d’harmonie entre les classes sociales par la magie de la « concertation ».

Les évènements de ces derniers mois ont démontré que des décisions radicales peuvent être prises très rapidement. La deuxième vague est un rappel que cette pandémie vient frapper de l’extérieur le capitalisme et pourrait continuer d’hypothéquer les projets de relance. Le désastre climatique jouera de plus en plus un rôle comparable dans le futur et l’impasse des réponses capitalistes en cours, y compris celles des Verts libéraux, est là aussi manifeste. Une « troisième vague », celle des licenciements, a déjà commencé.

À nous tou.te.s d’imposer d’autres choix de société, en restant cohérent.e.s dans notre volonté de prendre soin de chacun.e et de celles et ceux qui prennent soin de nous. Le principe de précaution et la prévention, le « prendre soin », contraires aux lois du capital et qui n’ont rien à voir avec la peur panique, doivent également faire partie intégrante de nos pratiques sociales et militantes. Face au risque d’atomisation sociale de la pandémie, du confinement hors travail, et de la répression, il n’y a qu’une seule réponse qui vaille : la force de la solidarité. Avec nos camarades de la Gauche anticapitaliste, nous affirmons qu’une autre politique est possible.

Organisons-nous et luttons ensemble pour un programme d’urgence à la hauteur de la crise sanitaire et sociale

  1. Mise à l’arrêt immédiat sous contrôle des travailleu.r.se.s et de leurs organisations, des secteurs non-essentiels et nuisibles de l’économie, à commencer par le secteur publicitaire et la production d’armes. Maintien de salaire pour tou.te.s les travailleu.r.se.s. En ce qui concerne les secteurs nuisibles, c’est un premier pas vers une fermeture définitive, avec reconversion des travailleur.r.se.s dans des activités socialement et écologiquement utiles, sous contrôle ouvrier. Interdiction des licenciements et réduction collective du temps de travail à 30 heures par semaine(4)Défendue notamment par l’organisation féministe Femma en Flandre, sans perte de salaires et avec embauches compensatoires.
  2. Maintien du salaire à 100% pour les personnes en quarantaine et pour celles qui les soutiennent ou gardent les enfants. Application effective, comme en France, du droit de retrait du travail en cas de danger grave et imminent pour la santé, permettant la réorganisation des activités et l’obtention des moyens de précaution. Organisation par les délégations syndicales, élu.e.s CE et CPPT, élargies aux PME, des mesures de protection de la santé. Des règles encadrant le télétravail : indemnisation des frais supplémentaires pour les travailleu.r.se.s, droit à la déconnexion. C’est aux travailleu.r.se.s et à leurs organisations de décider de tous ces aspects.
  3. Formation et embauche massive d’aides-soignant.e.s et d’assistant.e.s administrati.f.ve.s en soutien à la médecine de première ligne et des hôpitaux. Formation et embauche massive pour les tests et le traçage des contaminations. Embauches massives dans l’enseignement et réduction drastique des tailles des classes avec maximum 10 élèves par classe. Investissements publics massifs dans la culture et les arts.
  4. Refinancement et mise sous contrôle 100% public du secteur des soins (santé, y compris santé mentale, maisons de repos, aides à domicile, nettoyage, etc.) et du secteur pharmaceutique (contrôle des stocks et de la production).
  5. Gratuité des soins pour tou.te.s sans avance des frais, prise en charge par la Sécurité sociale ; Gratuité des masques, médicaments, tests et équipements sanitaires et de protection nécessaires. Réquisition des entreprises capables de produire les équipements et produits nécessaires, sous contrôle des salarié.e.s et des publics concernés.
  6. Gestion des hôpitaux et maisons de repos sous le contrôle des équipes soignantes et travailleu.r.se.s, en lien et sous le contrôle des représentant.e.s des usager.e.s, pour définir les besoins et organiser le travail. Annulation de la dette des hôpitaux.
  7. Accès universel à la santé sans aucune discrimination et/ou restriction administrative (sans-papiers). Régularisation des personnes sans-papiers et demandeu.r.se.s d’asile, et transformation radicale des centres fermés en centres d’accueil ouverts avec équipement sanitaire. Amnistie des détenu.e.s n’ayant pas commis de crime contre des personnes et application maximale des peines alternatives à la détention.
  8. Consolidation définitive et renforcement des mesures d’urgence prises ces derniers mois : interdiction des expulsions de locataires, des contrôles et sanctions contre les travailleurs/euses sans-emploi, annulation des dettes des ménages pour les besoins essentiels (eau, énergie, loyer), création de refuges pour les victimes de violences (femmes, personnes LGBTQI+) et les personnes sans-abri, etc.
  9. Refinancement des services publics et de la Sécurité sociale, garanti par un impôt de crise de 10% sur les grandes fortunes, abolition du tax-shift et des autres réductions de cotisations patronales à la Sécu. Moratoire pour audit citoyen sur la dette publique, en vue de son annulation.
  10. Opération d’information massive par les syndicats, organisations associatives, féministes, écologistes, antiracistes et de quartier, vers le monde du travail, à la fois sur les mesures de protection, sur les droits des travailleur.se.s avec ou sans emploi et de critique indépendante sur la politique gouvernementale. Transparence et accès public à l’information sanitaire complète et sur les possibilités de soutien dans toutes les langues nécessaires, en plus des trois langues officielles, notamment l’anglais, l’arabe, le turc, le roumain, l’espagnol et l’italien.

Merci à Daniel Tanuro pour sa contribution à l’article.

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