En janvier 2020, Viktor Orbán, Premier ministre et homme fort de la Hongrie, a qualifié Boris Johnson de « l’un des hommes politiques les plus courageux d’Europe ». Il a félicité le parti conservateur pour sa victoire aux élections générales du mois précédent, alors que « le monde entier » était contre Johnson. Un discours aussi élogieux de la part d’un dirigeant profondément autoritaire et antidémocratique est inhabituel, mais ce n’était pas la première fois que les chemins de Johnson et d’Orbán se croisaient. Orbán avait également fait l’éloge du Brexit et l’avait qualifié « [d’]opportunité fantastique ».

Les liens d’Orbán avec le Parti conservateur (Tory) remontent au référendum sur le Brexit, dans lequel Johnson a joué un rôle majeur. Les députés Tory avaient été critiqués pour avoir été presque seuls parmi les conservateurs d’Europe occidentale à refuser de suspendre la Hongrie pour des violations de l’État de droit. Orbán avait été l’un des premiers invités de Theresa May à Downing Street après qu’elle fut devenue Premier ministre en 2016.

« Valeurs chrétiennes »

Le régime d’Orbán en Hongrie est un cas d’école de démantèlement de la démocratie tout en maintenant une façade pseudo-démocratique. Il s’est placé comme le défenseur d’une Europe des « valeurs chrétiennes », opposé au libéralisme, aux droits humains, aux minorités et à l’Union européenne.

Petit à petit, et sous les yeux de l’UE, Orbán a marginalisé la presse, le monde universitaire et le système judiciaire. L’année dernière, il a fait passer une loi selon laquelle toute personne publiant officieusement des informations sur la pandémie de Covid serait passible d’une peine de prison. Une censure totale, en fait. Il existe encore quelques sources de résistance, comme le maire de Budapest récemment élu par un parti d’opposition. Mais à l’image de ce qui se passe pour d’autres leaders populistes, ce n’est pas dans la capitale qu’il trouve son soutien mais dans les petites villes et les campagnes. Petit à petit, les droits des personnes LGBTQ et des femmes ont été supprimés au nom des « valeurs chrétiennes ».

Johnson suit la même voie qu’Orbán

En 2018, en tant que ministre des Affaires étrangères, Johnson avait provoqué l’indignation en félicitant ouvertement Orbán pour sa réélection au poste de Premier ministre. Dans sa stratégie de démantèlement progressif de l’opposition politique au Royaume-Uni, Johnson voit la Hongrie comme un modèle. En suspendant le Parlement, en muselant les médias, la BBC étant désormais un porte-parole du gouvernement, en interdisant les manifestations et en faisant apparaître ses ministres avec des drapeaux toujours en arrière-plan, Johnson suit la même voie qu’Orbán. Il est prêt à utiliser le nationalisme et les « valeurs britanniques » comme couverture [pour s’en prendre aux droits humains], de la même manière qu’Orbán a utilisé les valeurs chrétiennes en Hongrie.

La Hongrie est maintenant classée comme une semi-démocratie et est, dans les faits, un État à parti unique. L’objectif de Johnson est de faire la même chose au Royaume-Uni et d’imiter son bon ami des rives du Danube. Il est déjà tard, mais pas trop tard pour empêcher que cela devienne une réalité.

Traduction J.S. pour L’Anticapitaliste.

Version intégrale (en anglais) sur anticapitalistresistance.org

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