Nous célébrons cette année le cinquantenaire des émeutes de Stonewall, émeutes qui sont encore aujourd’hui remémorées à l’occasion des marches des fiertés LGBTQI+(1)Le sigle signifie ici Lesbiennes – Gays – Bisexuel·le·s – Transgenres – Queer – Interesexes et Plus. L’usage de ce sigle est a priori assez anachronique et probablement en décalage avec le contenu réel de certaines des associations mentionnées, les sources que j’ai pu consulter étant souvent vagues sur les publics auxquels s’adressaient ces collectifs..

Ce cinquantenaire aura malheureusement été peu mis en avant par l’ensemble de la communication autour de la Belgian Pride et du Pride Festival à Bruxelles, préférant nous narrer un conte de fées(2)https://www.facebook.com/watch/?v=460177998123852, probablement dans le but de nous endormir.

Il est donc probablement plus qu’utile de revenir sur cet événement historique, d’essayer d’en dissiper les mythes et de voir les leçons que nous pouvons en tirer.

La situation des LGBTQI+

Les droits des personnes LGBTQI+ en 1969 sont inexistants. Il est notamment interdit(3)Je suis ici incapable de faire la distinction entre ce qui est interdit dans l’ensemble du pays et ce qui est interdit dans l’état de New York où se déroulent les émeutes. de :

  • Boire dans un bar
  • Danser avec une personne de même “sexe”
  • Porter plus de 3 pièces de vêtements du “sexe opposé”
  • Draguer une personne de “même sexe”
  • Avoir des relations sexuelles avec une personne “de même sexe”

De la même manière, un certain nombre de “lois anti-sodomie” (qui ne concernent pas la pratique de la sodomie telle qu’on la conçoit aujourd’hui mais les actes sexuels sans but de procréation) interdisait différentes pratiques sexuelles à travers le pays, y compris envers les personnes cisgenres(4)Antonyme de “personne transgenre”, c’est à dire qui se reconnaît dans l’identité de genre qu’on lui a assigné à la naissance. et hétérosexuelles.

Les personnes Queer(5)J’utiliserai “Queer” et “LGBTQI+” comme synonymes dans ce texte, cf. note 1. Queer a néanmoins des acceptions fluctuantes qui ne désignent pas toujours la même chose. étaient quotidiennement victimes de la brutalité des policier·e·s (et de bandes de milicien·ne·s improvisé·e·s) : harcèlement et agressions sexuelles, chantage, viols, insultes, outings(6)Le fait de révéler contre le gré d’une personne son orientation sexuelle ou sa transidentité., humiliations, la police n’hésitait pas à se faire à la fois juge, juré et bourreau contre les personnes LGBTQI+. Dans les quartiers Queer, la police était vue comme l’ennemi public N°1 et nombreuses étaient les personnes qui s’enfuyaient en voyant la police.

Les conditions d’existence de la plupart des personnes LGBTQI+ étaient littéralement misérables. De nombreu·x/ses jeunes s’enfuyaient ou étaient chassé·e·s(7)C’est encore le cas aujourd’hui : on estime que 40% des jeunes SDF sont LGBTQI+ aux États-Unis : https://nationalhomeless.org/issues/lgbt de leur famille et se rendaient là où les curés leur avait défendu d’aller, dans les grandes villes où, à l’inverse des villages, tout le monde ne connaissait pas tout le monde. Les discriminations au logement et au travail étaient monnaie courante et beaucoup de jeunes ont dû faire appel au travail du sexe pour pouvoir survivre.

Les moins chanceu·x/ses pouvaient être forcé·e·s à subir des thérapies de conversion qui pouvaient impliquer des électrochocs, voire de la lobotomie. Les meurtres étaient fréquents.

Face à ces conditions d’existence, un grand nombre des personnes LGBTQI+ ont préféré cacher leur identité plutôt que de risquer de vivre à découvert.

Une partie de la répression a été justifiée par la doctrine McCarthyste : les législateurs avaient peur que les personnes Queer travaillant dans l’administration publique puissent être recrutées comme sources d’espions du KGB à travers le chantage à l’outing. Il fallait donc criminaliser ces personnes pour qu’elles ne puissent pas intégrer l’appareil d’état. On parlera alors de la red scare pour les communistes et de la lavender scare pour les personnes LGBTQI+.

Le mouvement pour les droits LGBTQI+

On dit souvent que Stonewall représente la naissance fracassante des luttes Queer : il n’en est rien.

Depuis les années 20, plusieurs tentatives pour s’organiser entre opprimé·e·s ont eu lieu aux États-Unis, inspirées notamment par la communauté berlinoise(8)Qui sera violemment démantelée par les groupes fascistes.. La répression féroce au pays de la liberté en voudra autrement et ce n’est que dans les années 50 que commencera à naître un mouvement plus résilient, capable de tenir la distance.

Deux associations se distinguent : la Mattachine Society(9)En référence aux sociétés secrètes d’artistes masqué·e·s qui parcouraient les campagnes pendant la fête des fous. et les Daughters of Bilitis(10)En référence à un personnage fictif créé par le poète Pierre Louÿs. Bilitis serait une contemporaine et rivale de Sappho, qui aurait elle aussi écrit des poèmes érotiques lesbiens.. Avec leur implantation, une culture Queer commence à se développer aux États-Unis. Dans le même temps, un magazine obtient le droit devant la cour suprême d’utiliser les services postaux pour être diffusé dans l’ensemble du pays, ce qui autorise de jure les autres à le faire.

Avec l’implantation de ces collectifs, l’existence des personnes Queer commence à être visibilisée. La presse généraliste commence peu à peu à débattre du droit de ces personnes à exister.

Les collectifs de l’époque trouvent différentes manières de lutter : outre les émeutes en protestation aux violences policières (comme à Compton en 1956), la première manifestation a lieu en 1964, pour réclamer les dédommagements de guerre des LGBTQI+ mobilisé·e·s au combat mais mis dehors sous le prétexte de conduite déshonorable. On organise aussi des sip in (littéralement, sirotages) où des militant·e·s demandent à ce qu’on les serve dans des bars en se déclarant homosexuel·le·s.

Le Stonewall Inn

Servir à boire à des personnes Queer étant illégal, les bars de la communauté sont en général contrôlés par la mafia qui trouve différentes astuces pour en faire un business viable : prix exorbitants, faux clubs privés (qui ne sont techniquement pas des bars), plateformes pour la vente de drogues et d’alcool de contrebande, chantage à l’outing aux client·e·s, pots-de-vins à la police pour qu’elle passe aux bonnes heures sans trop s’attarder, etc.

Ces bars sont néanmoins les rares lieux de socialisation où on peut se rencontrer entre personnes Queer et s’habiller comme on le veut dans une sécurité plus élevée qu’ailleurs, mais toujours très relative.

C’est justement dans un bar que se déroulent les événements, le Stonewall Inn.

Situé sur Christopher Street, dans le quartier de Greenwich Village (réputé le plus progressiste de la ville et accueillant les communautés hippies et beatniks), le bar a l’image d’un endroit populaire mais cradingue, à mi-chemin entre le club privé et l’hôtel, c’est un lieu de passage important pour beaucoup de nouve·lles/aux arrivant·e·s.

Nous sommes alors en 1969 : les élections approchent et le maire veut montrer à son électorat qu’il n’est pas laxiste. Il ordonne alors directement des descentes dans le quartier. Le 28 juin, c’est l’enterrement de Judy Garland(11)Considérée comme une icône Queer depuis qu’elle a divorcé avec un mari qu’elle a surpris en pleins ébats avec le chauffeur. qui est commémoré à New York et, selon la légende, une partie de la communauté s’était alors rendue à la cérémonie pour ensuite se rendre en masse au Stonewall Inn.

Vers 1h du matin, les forces de l’ordre arrivent en prévenant le bar à la dernière minute et en infiltrant des policières en civil qui vont alors déclarer que l’entièreté de la clientèle est en état d’arrestation.

On contrôle l’identité des client·e·s et on laisse partir une grande partie des personnes qui montrent spontanément leurs documents. Néanmoins, à 1h du matin, le quartier est encore grouillant de vie et la clientèle se rassemble alors devant le bar en ameutant les passant·e·s. Peu à peu, c’est plusieurs centaines de personnes qui sont réunies devant le bar au moment où les arrestations commencent.

Fort de leur nombre, une vague de moqueries envers la police et d’encouragements envers les personnes arrêtées se font entendre, suivies de protestations face à la violence que subissent certaines personnes. Plusieurs sources font état d’une lesbienne qui résistait à son arrestation et qui subirait des coups de la police. Elle interpellera alors la foule en les enjoignant à faire quelque chose.

La foule commencera à lancer des pièces pour dénoncer la collusion entre police et mafia avant de passer aux choses sérieuses. La première brique aurait été lancée par une militante transgenre noire, Marsha P. Johnson.

Commencera alors l’émeute : la police se barricade rapidement dans le bar, incrédule à l’idée de se faire botter les fesses par des “homosexuels.” Le bar est incendiée et on tente de défoncer la porte à coup de parcmètres. Une policière réussit à s’enfuir et obtient des renforts qui vont disperser la foule de près de 2.000 personnes vers 4h du matin après plusieurs heures d’affrontement et quelques blessé·e·s dans les deux camps.

Les actions ne s’arrêtent pas pour autant : le jour suivant, des curieu·x/ses, allié·e·s, militant·e·s, ami·e·s et LGBTQI+ au placard viennent pour voir ce qui est en train de se passer. Une autre émeute éclate le soir même mais le plus intéressant, c’est l’ambiance euphorique et libertaire qui envahit le Greenwich Village : les gens sortaient se promener en rue sans se cacher, ielles n’avaient plus peur de se faire arrêter dans le silence par une voiture de patrouille, ielles ne craignaient plus les bandes homophobes (avec ou sans badge) grâce au sentiment de force qui les avait gagné·e·s.

La police avait été mise en échec et tenue à distance après avoir terrorisé le quartier pendant des décennies, les gens pouvaient enfin boire sans devoir alimenter les clubs privés de la mafia, ielles pouvaient se balader dans les habits qui leur convenaient, avec la ou les personnes qu’ielles aimaient, tenir la main de qui ielles voulaient, embrasser leurs amant·e·s.

Les humiliations médiatiques recevaient des réponses musclées : une rédaction qui dénonçait les « limp wrists » (litt. les poignets flasques) et les « forces of faggotry » (litt. les forces de la pédalerie) fut menacée d’être brûlée par des manifestant·e·s.

Dans cette ambiance, la parole se libérait et les journalistes couvraient les événements : des tags florissaient sur les murs et les vitrines, arborant des slogans appelant au respect et à l’autodéfense. 5.000 tracts furent distribués, dénonçant la collusion entre mafia et police ainsi que le harcèlement que la police faisait subir aux habitant·e·s.

Ce climat est propice aux rencontres, aux discussions politiques et à l’auto-organisation des opprimé·e·s.

Les retombées

Dès l’année suivante, la première marche des fiertés est organisée sous le nom de “Christopher Street Liberation March” et réunit plusieurs milliers de personnes. Elle commémore explicitement la violence libératrice de Stonewall en fêtant l’anniversaire des événements.

Les émeutes ont permis aux personnes Queer de prendre conscience de la force de leur nombre et du soutien relatif qu’elles pouvaient avoir. Elles ont marqué l’histoire de nos luttes au fer rouge en soulignant la violence structurelle que porte l’institution policière contre les personnes LGBTQI+.

De nombreuses organisations naissent après les émeutes, dont trois qui ont incarné un rôle important.

Le Gay Liberation Front (GLF) militait pour une libération sexuelle totale, considérant l’hétérosexualité comme le vestige d’une inhibition culturelle et estimant que le changement ne viendrait que par un démantèlement et une reconstruction des institutions sociales sans rôles sexuels définis. Dans ce but, le GLF voulait faire évoluer l’idée de la famille et de la société traditionnelle. C’est un mouvement anticapitaliste et antiraciste qui se déclarera solidaire des Black Panthers. Il s’éteint en 72, notamment à cause du manque d’organisation.

Le Gay Activists Alliance (GAA) possède au contraire une organisation interne rigoureuse, avec une stratégie moins radicale et violente. Elle cherche majoritairement à soigner son image médiatique, à avoir l’air respectable et à obtenir des réformes via des voies légales. Elle prétend adopter une posture “””apolitique””” (comme si le fait de faire changer des lois et dénoncer les violences policières n’était pas politique) et ne cherche qu’à ne représenter que les homosexuel·le·s, lesbiennes ou gays.

C’est la stratégie assimilationniste qui cherche à ne défendre que les droits des personnes les plus “respectables” qui intègrent l’homophobie dominante : il faut rester discret, ne pas trop questionner l’institution du genre et de la police, ne pas prendre position en dehors de revendications pour des droits juridiques stricts en passant sous silence les violences sociales que subissent quotidiennement les personnes les plus marginalisées.

Les Street Transvestites Action Revolutionaries (STAR) sont de facto membres du GLF, bien qu’ielles aient une approche spécifique dans leur militantisme. Les figures de proue sont Marsha P. Johnson (qui aurait lancé la première pierre à Stonewall) et Sylvia Rivera, deux personnes transgenres. Ielles incarnent un soutien à la jeunesse Queer sans-abri, aux prisonnier·e·s et aux travailleu·rs/ses du sexe, notamment par la mise en place de foyers avec les moyens du bord (au début, ielles s’organisent pour dormir à 50 dans un appartement), financés principalement via le travail du sexe. Les STAR aménageront au fil des ans des foyers en Californie, à Chicago et même au Royaume-Uni.

Les STAR éditent également un manifeste(12)Disponible en numérique à cette adresse : https://untorellipress.noblogs.org/files/2011/12/STAR.pdf d’inspiration socialiste exigeant éducation, soins, nourriture et services sociaux gratuits pour toutes les personnes opprimées.

Ielles critiquèrent la GAA qui militera pour éjecter la protection des personnes transgenres dans le cadre d’un texte contre les discriminations.

En 1973, l’organisation de la Pride demandera à ce que les personnes non-conformes dans le genre, les personnes transgenres, les drag(13)À cette époque la distinction entre personnes transgenre et drags n’est pas aussi nette qu’aujourd’hui (notamment aux USA), les personnes transgenre ne se reconnaissant pas dans le genre qui leur a été assigné à la naissance tandis que le drag constitue davantage une discipline artistique qui met en évidence la performativité des rôles de genre. et les STAR soit à l’arrière de la marche. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase : une des leaders du mouvement, Sylvia Rivera, arracha le micro d’une TERF(14)Sigle de Trans Exclusionary Radical Feminist (litt. Féministe Radicale pour l’Exclusion des personnes Trans). Les TERFs sont des militantes transphobes qui vont rationaliser leur transphobie à travers une rhétorique pseudo-féministe et essentialiste. en rappelant que Stonewall a été un mouvement initié principalement par des drags et que le mouvement de libération ne devait pas s’arrêter aux blanc·he·s de classe moyenne.

Les droits obtenus après les émeutes restent limités : quelques lois de protection contre la discrimination des homosexuel·le·s, l’abolition progressive des lois “anti-sodomie” (notamment pendant les années 70 même si les états les plus conservateurs les garderont jusqu’en 2003), le droit à être servi dans des bars (et par conséquent la naissances des premiers bars communautaires légaux) ou encore le droit à servir dans l’armée (en suivant la politique du “Don’t ask, don’t tell”). En 1972, la première Pride européenne aura lieu en Allemagne.

Le Cinquantenaire des émeutes

Aujourd’hui, avec les assimilationnistes qui ont encore un contrôle solide sur le mouvement institutionnel, la marche des fiertés continue d’être une parade (soit l’inverse d’une manifestation) où des personnes cishétéros viennent nous voir comme des monstres de foire, sponsorisée par des banques et servant de vitrine au blanchiment politique de partis politiques qui signent la charte de participation à la Pride en l’ayant pourtant très concrètement bafouée.

La charte de participation précise notamment que l’organisation signataire s’engage à faire respecter les droits humains tels que définis dans la Déclaration Universelle des Droits Humains de l’ONU, notamment contre les discriminations racistes, religieuses, d’expression et d’identité de genre ou les convictions politiques et syndicales. Politiquement, c’est d’ailleurs l’un des points forts de la Pride : un message politique clair mais camouflé sous les impératifs du pinkwashing.

La N-VA, le MR et l’Open VLD bafouent allègrement cette charte depuis leur accession au gouvernement, après avoir mené la guerre aux migrant·e·s et aux réfugié·e·s, allant jusqu’à tuer la petite Mawda et prendre la parti d’une police qui a cherché à saboter l’enquête à de nombreuses reprises.

La Rainbowhouse publiera d’ailleurs en 2018 un communiqué constatant la nullité de l’action du gouvernement face aux revendications de la Pride de 2017 appelant à une politique migratoire humaine. Ce même gouvernement a également publié un plan d’action contre les discriminations aux LGBTQI+ (porté par Zuhal Demir de la N-VA) complètement instrumentalisé à des fins islamophobes, plan encore une fois dénoncé par plusieurs membres de la Rainbowhouse.

Quant à l’opposition c’est à peine mieux : le PS a validé l’exclusion des chômeu·rs/ses de longue durée, ce qui est de facto une mesure transphobe étant donné le taux de chômage énorme (30% !) chez les personnes transgenres, le tout avec l’aval des autres partis au gouvernement avec Di Rupo.

Pour le PTB, le sujet, relativement bien traité dans leur programme, semble extrêmement mal maîtrisé et complètement accessoire pour le parti, en témoignait la première mouture de l’article sorti lors du coming out de la journaliste Bo Van Spilbeeck qui reprenait à peu près l’entièreté des stéréotypes cissexistes. Il n’y a à l’heure actuelle qu’un seul article sur le sujet sur le site du PTB, appelant à les rejoindre à la Pride.

Le CD&V et le CDH ont au moins la décence de ne pas vouloir se montrer à la Pride, discuter de leur bilan s’avère donc superflu.

Ni Arc-en-Ciel Wallonie ni çavaria ne se sont prononcés contre la présence des partis ayant bafoué la charte de la Pride.

La Rainbowhouse de Bruxelles a eu le courage de prendre explicitement position contre la venue de la N-VA à la Pride (après que de nombreu·x/ses militant·e·s LGBTQI+ aient fait pression sur l’association), tout en rappelant sa position contre la présence de l’ensemble des partis dans le cortège(15)http://rainbowhouse.be/fr/article/la-n-va-nest-pas-la-bienvenue-a-la-pride/.

La présence de la N-VA, en plus de son bilan catastrophique au gouvernement de la suédoise, va à l’encontre des valeurs d’acceptation des LGBTQI+ dans l’idéologie qu’elle représente : Bart de Wever déclarait en 2011 que “les années 60 ont planté la hache dans le bois sain de la société traditionnelle”(16)B. De Wever, in B. De Wever, Werkbare Waarden, Pelckmans, Kalmthout, 2011, p. 29. ce qui rappelle très fortement la phrase d’Eric Zemmour “Mai 68 a désintégré la société française.”

Ces années 60 sont pourtant celles qui ont initié la deuxième vague du féminisme, la libération sexuelle et de la naissance des droits LGBTQI+, comme nous l’avons vu plus haut.

Sans la contestation qui a traversé cette décennie, les LGBTQI+ seraient encore une majorité écrasante à se cacher toute leur vie.

La N-VA joue à un double jeu depuis de longues décennies, se présentant comme un parti de droite libérale. Il suffit néanmoins de gratter un minimum sous la communication maîtrisée du parti pour voir l’idéologie profondément conservatrice qui l’anime. La présence du parti est en totale contradiction avec le thème de la Pride de cette année, l’intersectionnalité, concept aux antipodes des valeurs de la N-VA.

La Pride est l’héritière d’une tradition anti-autoritaire, opposée aux violences policières et au racisme : elle ne peut accueillir des partis dont les actes et plus encore l’idéologie entretiennent les discriminations que les LGBTQI+ subissent, des partis qui taisent et couvrent les violences policières, des partis qui entretiennent le racisme ou des partis qui cherchent à limiter la démocratie.

Nous défilerons cette année à la marche des fiertés au sein du cortège VNR, aux côtés de Reclaim the Pride et de Queers Support the Migrants, en rappelant les valeurs des émeutes de Stonewall : antiracistes, antipatriarcales, anti-autoritaires et anticapitalistes.

Nous rappelons nos revendications :

  • Une éducation sexuelle qui inclut pleinement les thématiques LGBTQI+ plutôt que de les effacer.
  • Un plan national de lutte contre les violences et discriminations machistes et homophobes, les stéréotypes et les discriminations contre les LGBTQI+, correctement financé.
  • Avortement et contraception 100% libres et gratuits, refinancement des plannings familiaux et de la prévention face aux IST.
  • Contre l’instrumentalisation des LGBTQI+ pour justifier des politiques racistes ou impérialistes.
  • La fin de la discrimination pour le don du sang.
  • L’ouverture des frontières, pour accueillir au mieux les victimes des régimes homophobes et transphobes.
  • Des structures d’accueil pour les jeunes LGBTQI+ chassé·e·s de chez elleux.
  • Plus de moyens pour la prévention contre le suicide : les LGBTQI+ se suicident quatre fois plus que le reste de la population.
  • Stop à la pathologisation des personnes trans : malgré une loi récemment passée, des avancées restent à accomplir pour totalement démédicaliser le parcours des personnes trans* de 16 à 18 ans. La modification du genre enregistré doit de plus être autorisée avant 16 ans, et le changement de prénom des enfants trans* facilité avant l’âge de 12 ans.
  • L’enregistrement du genre sur les documents d’identité doit être optionnel.
  • La reconnaissance des personnes non-binaires ou aux genres fluides.
  • La fin de la discrimination sur le lieu de travail : le taux de chômage des personnes transgenres s’élève à près de 30% malgré un niveau d’études plus élevé, celui des homosexuel.le.s est à 15%.
  • La fin des mutilations des bébés intersexué·e·s.
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Notes[+]