Depuis des mois, le Premier ministre israélien se vantait du fait que la date du 1er juillet serait celle du début de l’annexion de larges parties de la Cisjordanie, en commençant par les centaines de colonies et la vallée du Jourdain.

Mais alors que la date s’approchait, Netanyahou s’est mis à parler d’une annexion sur une plus petite échelle, déclarant qu’il commencerait par annexer les trois plus grosses colonies de Cisjordanie : Ma’ale Adumim, Gush Etzion et Ariel.

Divergences en Israël

Quelques jours avant le 1er juillet, le partenaire de Netanyahou dans sa coalition, Benny Gantz, a commencé à adoucir ses discours sur l’annexion, fragilisant la position du Premier ministre. Gantz a non seulement exprimé son opposition à une annexion unilatérale, mais il a en outre ajouté que le 1er juillet n’était pas une « date sacrée » pour l’annexion, et a expliqué qu’il fallait prioriser la crise actuelle liée au Covid-19, et non l’annexion.

En plus des querelles au sein du gouvernement Netanyahou, et de l’absence de plan concret d’annexion proposé par le Premier ministre, Diana Buttu, analyste politique palestinienne, souligne que le report peut également être dû aux pressions internationales croissantes sur Israël : « Les pressions internationales peuvent aider dans la mesure où c’est la première fois qu’il y a un focus sur les agissements israéliens ; il y a une condamnation mondiale, et c’est la première fois que l’on voit les gens s’intéresser à la vie des Palestiniens dans la vallée du Jourdain et d’autres zones concernées par l’annexion. »

L’absence de toute annonce officielle de Netanyahou le 1er juillet, ainsi que la montée des pressions internationales et les menaces de l’Autorité palestinienne de se soustraire à ses obligations, ont conduit beaucoup de gens à se demander si l’annexion allait se produire. Mais pour certaines voix critiques, la question n’est pas de savoir si l’annexion va avoir lieu, mais quand.  

Une priorité pour Netanyahou

« L’annexion s’est imposée comme la principale priorité du gouvernement israélien, qui veut profiter du feu vert donné par Donald Trump avec son « Deal du siècle » », explique Noura Erakat, militante et universitaire américano-palestinienne. Avec l’hypothèse d’une fin de mandat pour Trump en novembre, certains analystes estiment que Netanyahou pourrait être pressé d’agir, avec au moins une annexion partielle avant les élections US de novembre.

Diana Buttu estime que, quand bien même Trump serait battu par Joe Biden, l’annexion ne passerait pas à la trappe. « Je pense que Netanyahou regarde l’ »alignement politique des planètes » avec deux éléments à l’esprit », explique-t-elle. « Le premier est l’élection US qui arrive. Mais même si Trump était battu, je ne pense pas que Biden reviendrait sur l’annexion, tout particulièrement s’il s’agit d’une annexion « à petite échelle », par exemple l’annexion des colonies. Et en plus de cela, avec l’Allemagne désormais à la tête du Conseil de sécurité de l’ONU, la probabilité que l’Allemagne fasse pression pour que des condamnations ou des sanctions soient prononcées contre Israël est très faible, et Netanyahou le sait. »

Maintenir la porte ouverte

Dans le même temps, alors que l’annexion a produit un nouvel intérêt international pour la situation d’occupation de la Cisjordanie, beaucoup de Palestiniens font part de leur inquiétude : si Israël arrêtait temporairement le processus d’annexion, la communauté internationale pourrait céder à une fausse impression de réussite, et en revenir à la complicité habituelle avec l’occupation israélienne illégale.

« C’est exactement ce dont j’ai peur », explique Diana Buttu. « Nous n’avons pas encore vu la communauté internationale se féliciter, mais c’est aussi parce que nous n’avons pas encore entendu de déclaration officielle de Netanyahou affirmant qu’il renonçait à l’annexion. Maintenant que la porte a été ouverte par l’attention portée sur l’annexion, nous devons en profiter pour aller de l’avant et montrer au monde comment Israël met en œuvre une annexion rampante, une annexion de facto. »

Pour l’heure, des militantEs et dirigeantEs palestiniens utilisent la situation pour non seulement avertir contre l’annexion, mais aussi pour mettre en avant des nouvelles idées et projets pour le paix, et de plus en plus de gens en viennent à reconnaître la réalité : la solution à deux États est morte. Après des années de conflits politiques, les factions palestiniennes rivales Fatah et Hamas se sont retrouvées jeudi [2 juillet] et ont fait le vœu de travailler à lutter ensemble contre l’annexion. Et pendant ce temps, les discussions sur l’avenir de la solution à un État deviennent de plus en plus mainstream, mais chez les dignitaires du gouvernement palestinien.

Traduction de Julien Salingue pour le site du NPA.

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