Au sud de l’archipel philippin, Mindanao vit un état de crise humanitaire aiguë. Des réseaux militants se mobilisent dans un contexte militaire lourd de dangers. Une campagne de solidarité est en cours.

Dans l’île de Mindanao, la population est frappée de plein fouet par un état de crise humanitaire aux causes multiples : typhon Temblin, bataille de Marawi entre l’armée et des djihadistes, « guerre totale » entre le gouvernement et le Parti communiste des Philippines, mise en coupe réglée de la région par les lobbies miniers et forestiers, opérations de forces liées au Front moro islamique de libération (MILF), loi martiale…

Communautés montagnardes menacées

Les populations sinistrées se comptent par centaines de milliers, probablement par millions. Pour donner un ordre de grandeur, plus de 600 000 habitantEs de Marawi (en grande majorité des Moros musulmans) ont fui les combats en mai 2017 et, pour la plupart, n’ont toujours pas pu retrouver leur domicile.

La situation des populations lumads est particulièrement fragilisée. Le territoire des groupes ethnolinguistiques (tribus) montagnards est convoité par des forces armées à la recherche d’un refuge et d’une base opérationnelle, ou payées pour faire le vide au profit de grandes entreprises. Le gouvernement accuse les Lumads de servir de base d’appui à la guérilla du PCP ; le président Duterte a menacé de bombarder leurs écoles.

En fait, les Lumads ont leur propre gouvernance interne, affichée ou secrète, et visent à protéger leurs communautés, à préserver leurs domaines ancestraux, à éviter l’exil forcé dans les villes où ils se retrouvent pauvres parmi les pauvres, en état de mort culturelle. Si leurs territoires sont devenus des zones de guerre, ce n’est pas de leur fait. Ils souffrent d’un long passé de colonialisme, de marginalisation et de dépossession. Ils ne font, en règle générale, que défendre leurs droits.

Une population otage

À l’arrière-plan des conflits militaires à Mindanao se trouve la question irrésolue du droit d’autodétermination des musulmans Moros et des communautés montagnardes. La création d’une nouvelle entité administrative Bangsamoro est en négociation avec le MILF ; en revanche, les droits des Lumads sont rarement pris en compte. Il n’y a cependant pas de « guerre révolutionnaire » en cours, porteuse d’un changement social au profit des couches populaires. Le PCP a été représenté au sein du gouvernement Duterte et a couvert la politique meurtrière de « guerre à la drogue » avant de rompre et de réactiver sa guérilla. La population se retrouve otage de combats sur lesquels elle n’a aucune prise.

Le Parti révolutionnaire des travailleurs-Mindanao (RPM-M), section philippine de la Quatrième Internationale, le sait bien. Il a pour politique d’aider les communautés populaires à parler, décider et agir pour elles-mêmes. Il contribue à leur protection dans un environnement très dangereux. En position d’autodéfense, il cherche à réduire les conflits armés là où il est influent, car la militarisation de l’île opprime et bâillonne la population. Il vise à réunir les conditions d’une paix respectant les droits de touTes.

Un soutien indispensable

Face à une crise humanitaire aux multiples facettes, des réseaux militants se mobilisent et se coordonnent, regroupant ONG progressistes, associations, mouvements sociaux et la gouvernance des Lumads… Ils peuvent ainsi répondre sur tous les terrains : aide matérielle d’urgence, santé, auto-organisation, réhabilitation, reconstruction, campagnes solidaires… Mentionnons ici la coalition Mihands qui répond aux catastrophes et le MPPM, réunissant chrétiens, musulmans et Lumads dans un même combat pour la paix.

Nous avons reçu depuis décembre dernier plusieurs appels à la solidarité de la part de Mihands. L’association Europe solidaire sans frontières (ESSF) a lancé son propre appel international le 7 janvier(1)http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article42940. En six semaines, elle a déjà pu envoyer aux Philippines 10 300 euros. Cet effort doit se poursuivre. Les besoins sont considérables, le territoire d’intervention très vaste, les conditions difficiles (accès aux zones reculées) et dangereuses (ubiquité des groupes armés). Notre soutien est indispensable.

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