Nous touchons à la fin de cette campagne électorale. C’est l’occasion de faire le point sur le sens et les suites du vote pour la liste Anticapitalistes ce dimanche 9 juin. D’abord, ce rappel utile : il ne faut ni sous-estimer, ni surestimer l’importance du vote. L’élection est un moment du rapport de forces politique et social. Les résultats reflètent de façon déformée un certain état d’esprit dans les différentes classes et couches sociales. Ils conditionnent en partie, mais ni absolument, ni de façon directe, les rapports de forces qui pour l’essentiel se situent en-dehors des élections, sur le terrain, dans les luttes sociales (au sens large) et syndicales notamment.

La campagne des grands partis aura été très faible sur le fond comme sur la forme : des émissions de télévision qui prennent les gens pour des idiots ou laissent à peine le temps d’exprimer une idée complète, des politiciens de droite qui mentent comme des arracheurs de dents, utilisent le racisme et tapent sur les chômeur⸱euses, des sondages présentés comme des oracles, et un centre-gauche social-libéral qui se pare de ses plus belles tenues pour nous vendre sa mue en faveur de l’impôt sur les millionnaires… Des sujets de préoccupation majeure comme la guerre en Ukraine et à Gaza, le retour de l’austérité budgétaire et l’accélération de la crise climatique ont été soigneusement évités. Et on a vu les gauches parlementaires jouer à « qui veut vraiment et qui ne veut pas monter au gouvernement et pour faire quoi » avec un manque de franchise criant de part et d’autre. Pour finir, on voit venir le risque d’un retour de la N-VA ultralibérale et conservatrice au fédéral, et des zombies relookés des « Engagés » de centre-droit à tous les niveaux de pouvoir (ils n’attendent que ça).

À l’opposé de ce tableau peu enthousiasmant pour la classe travailleuse, mais aussi pour préparer la suite, il y a d’autant plus de raisons de voter pour la liste Anticapitalistes aux européennes ce dimanche. Nous en reprenons quelques-unes ci-dessous, avant de conclure sur quelques pistes pour la suite.

Le vote Anticapitalistes aux européennes dimanche, c’est :

  • Un vote de lutte, un vote de conviction, sans illusions dans le Parlement européen, un Parlement privé de nombreux pouvoirs comparé aux Parlements nationaux et régionaux avec 705 député⸱es, où un⸱e député⸱e belge francophone des mêmes partis en plus ou en moins ne fera pas la différence ;
  • À l’heure de la brutalisation internationale à Gaza comme à Kharkiv, un vote résolument internationaliste et solidaire des peuples en lutte, refusant les blocs impérialistes qu’ils soient à Washington, Pékin ou Moscou ;
  • À l’heure de la vague d’extrême droite, un vote pour une gauche radicale solidaire et sans frontières, résolument contre Frontex et ses avatars nationaux. Un vote pour une gauche à contre-courant du virage autoritaire, pour désinvestir la police, la désarmer, la mettre sous contrôle démocratique et réorienter ses moyens dans les secteurs essentiels. Dans les batailles contre les oppressions de genre et d’orientation sexuelle, c’est un vote pour la libération et l’autonomie aussi en allant chercher, par la lutte, les moyens d’une sécurité d’existence pour tous⸱tes ;
  • À l’heure de la plus grave crise écologique jamais vécue par l’humanité, un vote pour un pôle rouge-vert révolutionnaire, qui prend la mesure des transformations sociales, écologiques et démocratiques immenses qui seront nécessaires pour sauver des centaines… de millions de vies ;
  • Face à la démagogie et à la langue de bois des partis institutionnels : un vote pour une gauche radicale plurielle, ancrée dans les mouvements sociaux combatifs, un vote de soutien à des candidat⸱es-travailleurs⸱euses de Delhaize, de la santé, de l’automobile, de l’enseignement, du travail social, de la culture, à des étudiant⸱es et activistes de Code Rouge, à des militantes féministes et LGBTQI, solidaires des sans-papiers, antiracistes et internationalistes… et à leurs luttes collectives. Un vote pour des militant⸱es, pas des politiciens professionnels ;
  • Enfin, à la veille de nouvelles luttes majeures dans l’affrontement avec les blocs de droite et d’extrême droite, un vote pour une gauche anticapitaliste décomplexée qui soutient des fronts unis de lutte de toutes les militant⸱es et organisations sincères à gauche et dans le mouvement social.

Ce dernier point est crucial : parce que des mobilisations sociales combatives et massives sont indispensables à toute rupture, à toute alternative politique digne de ce nom au capitalisme. Cette remobilisation est la condition pour sortir de ces impasses et chantages où on veut nous convaincre qu’il n’y a que, au mieux le « moindre mal » sauce Vivaldi (1)La politique de l’extrême centre de la Vivaldi, son héritage c’est 9000 condamnations pour non respects des droits humains les plus élémentaires dans l’accueil des personnes migrantes, Delhaize, l’extension des flexijobs, les attaques contre la journée de 8h et les crédits-temps, la prolongation du nucléaire et de nouvelles centrales au gaz. Au niveau régional par ailleurs on n’oublie pas la politique d’extension de l’aéroport de Bierset, le scandale social écologique et financier du métro 3 à Bruxelles, etc., qui est toujours une régression, ou le pire, voire l’encore bien pire. Plus encore, la reprise des luttes doit aussi chercher le chemin de la nécessaire convergence : entre luttes syndicales, sociales en général, écologistes, féministes, antiracistes et internationalistes. C’est le même système économique et politique, le capitalisme, qui appuie, et s’appuie sur, toutes les oppressions et destructions.

Une poussée à droite s’annonce au moins au niveau européen et en Flandre, même si le score du PTB (2)Nous sommes habitués maintenant à la pression à voter « utile », la même qui a joué un temps d’abord contre les Verts, plus tard contre le PTB. Pour le futur, nous aspirons toujours à un bloc unifié d’une gauche anticapitaliste plurielle, enracinée dans les luttes, et nous continuons à tendre la main aux forces qui seraient sincèrement disponibles pour construire dans ce sens. En attendant, dans ce contexte et vu le bilan désastreux de la Vivaldi et de ses avatars côté francophone, le vote PTB, surtout pour ses candidat⸱es issu⸱es de luttes sociales et syndicales (Delhaize, STIB, industrie, non-marchand, etc.), reste à ce stade et aux autres niveaux de pouvoir l’instrument principal pour un vote de classe. Mais ce n’est pas suffisant. progressait. Nous devons nous préparer à défendre les secteurs les plus marginalisés de notre classe : travailleurs⸱euses sans emploi et sans-papiers ou demandeurs⸱euses d’asile et habitant⸱es racisé⸱es des quartiers populaires notamment. Le seul moyen de s’y opposer pour gagner est de lutter tous⸱tes ensemble, dans une lutte résolue, conséquente et donc radicale. Ce n’est que de là que pourrait émerger une rupture digne de ce nom. De ce constat découle la nécessité de changer d’approche dans les syndicats et mouvements sociaux : en exigeant le refus de toute coalition gouvernementale avec la droite, de quelque parti que ce soit, sous quelque forme que ce soit et a tous les niveaux de pouvoir, pour mette en crise le système politique par la gauche. Mais cela ne peut se faire que si en parallèle tous⸱tes préparent soigneusement, par une information et conscientisation en profondeur à une échelle de masse, une bataille pour un programme de revendications à imposer aux partis par l’action de masse, dans la rue et dans les lieux de travail et les quartiers.

Nous appelons donc l’ensemble des militant⸱es combatif⸱ves des mouvements sociaux et syndicaux à se préparer et à préparer dès aujourd’hui une lutte unie pour imposer, par l’action de masse, des revendications « de rupture » dignes de ce nom. Il est temps que les syndicats sortent de la distribution des bons points et mauvais points aux partis, pour prendre l’initiative d’une vaste campagne d’explication et mobilisation. Temps d’en finir avec la vieille séparation social-démocrate entre « la politique pour le parlement et les appareils partisans » et « le social pour le syndicalisme, la concertation et les appareils syndicaux ». Une séparation également présente dans les mouvements sociaux et parmi les activistes, qui laisse le monopole de la politique à ceux qui nous emmènent dans le mur. Il est temps que les militant⸱es sincères au PS et à Ecolo abandonnent la perspective du « moindre mal » qui pave le chemin du pire depuis des décennies. Il est temps aussi que le PTB laisse de côté l’idée illusoire selon laquelle, grâce à lui, le moindre mal du PS et d’Ecolo pourrait se transformer en rupture. La défense des conquêtes sociales et la rupture anticapitaliste ne peuvent venir que d’une lutte unie, mobilisant les bases en profondeur.

La liste Anticapitalistes s’adresse donc à toutes celles et ceux qui aspirent à une autre société, qui luttent et veulent lutter, indépendamment de leur vote pour notre liste aux européennes ou pour d’autres listes de gauche à ce niveau ou à d’autres ce dimanche. Après le 9 juin, nous appelons à nous organiser ensemble, dans les mouvements sociaux, pour se préparer à l’action en front uni, pour un débat stratégique ouvert dans nos luttes sur tous les fronts. Et nous appelons celles et ceux qui sont d’accord avec notre approche à nous rejoindre pour s’organiser politiquement. Pour que le nécessaire redevienne possible.

Photo : Gauche anticapitaliste / CC BY-NC-SA 4.0

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