Nous préparions la cérémonie d’adieu à Gilbert Leclercq, quand nous avons appris la disparition d’un autre camarade de longue date : Jacques Leemans.

Jacques fut pendant de longue années un pilier de la section belge de la Quatrième Internationale, en particulier à Bruxelles. Il s’était retiré de l’action sociale et politique depuis des années, sans renier ses idées marxistes-révolutionnaires. Ce 3 décembre, sa dépouille a quitté le funérarium au son de l’Internationale, selon ses dernières volontés.

Né à Forest, Jacques s’affilia fort tôt aux Jeunesses Communistes… et fit très vite l’expérience de la répression. La direction de l’athénée de Forest, où il faisait ses études, l’exclut en effet pour propagation d’idées subversives… Cela ne l’empêcha pas d’accéder à l’ULB, où il décrocha son diplôme de chirurgien urologue.

Jacques rompit avec le Parti communiste en 1956. Par ce geste, il protestait contre l’écrasement de la révolution hongroise des conseils ouvriers par l’armée soviétique, accourue pour sauver la dictature bureaucratique. Un militant trotskyste de la région du Centre, Michel Wuillot, le gagna à la Quatrième Internationale.

Jacques fit assez vite partie du noyau militant le plus actif autour d’Ernest Mandel. Il joua un rôle particulièrement important dans la décennie septante, après la fondation de la LRT (ancêtre de la Gauche anticapitaliste).

Jacques avait une conscience aiguë de la question organisationnelle comme question politique à part entière. Cela l’amena souvent à critiquer le « spontanéisme » très répandu parmi les plus jeunes. Quand la LRT décida qu’il lui fallait une librairie, il paya de sa poche l’achat de tous les livres. Lorsque l’organisation déménagea de la rue d’Espagne à la rue de la Buanderie, Jacques joua un rôle décisif dans l’aménagement des locaux, en particulier dans l’achat et l’installation d’une presse pour l’imprimerie, baptisée « Octobre ».

Au début des années ’70, la LRT entreprit une campagne de solidarité avec l’IRA, qui était la cible d’une répression brutale par l’impérialisme britannique. Jacques fut la cheville ouvrière d’une tournée de cinq meetings avec un porte-parole de l’organisation irlandaise. Les meetings étaient interdits. La police était sur les dents, mais elle ne parvint jamais à mettre la main sur l’orateur : présenté sous le faux nom de « Jerry Lawless », il était escamoté habilement à la fin de chaque soirée, puis  hébergé discrètement chez des camarades de confiance. Jacques avait tout organisé de main de maître.

Jacques fit la preuve de ce même sens de l’organisation et de la sécurité dans quantité de manifestations, notamment en solidarité avec la lutte du peuple vietnamien, ou en soutien aux prisonniers politiques dans l’Espagne franquiste. C’était une force de la nature, et il ne craignait pas d’affronter les forces de l’ordre.

Jacques vivait depuis de longues années dans la région du Centre, après avoir travaillé comme chirurgien dans les hôpitaux de Baudour, Charleroi (Gailly) et La Louvière (Tivoli). Il maintenait des contacts avec notre camarade Gilbert Leclercq, dont il était très proche. Les deux compagnons sont décédés le même jour, à une heure d’écart.

Nous présentons nos condoléances émues à sa famille et à ses proches.