Mathieu Desclin, pour les vieux de ‘68, d’avant et d’après, c’est un pilier de notre courant qui entre dans l’histoire. Il ne laisse pas vraiment d’héritier à sa grande culture politique, à son érudition historique. Il joua cependant un rôle clé dans la continuité du fil qui nous relie à la tradition bolchevique.

Né pendant la guerre (1940), son enfance fut baignée dans les Faucons Rouges et la Jeune Garde Socialiste (JGS), dans l’opposition sociale-démocrate, La Gauche, dont il fut un des grands animateurs(1)Un de ses derniers articles, publié dans La Gauche en 2013, est en ligne ici « Partenaires sociaux ou adversaires négociateurs ? » http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?option=com_content&view=article&Itemid=53&id=2939&fbclid=IwAR0vJyxlnzyDOzo_Ybscu3rNWYHiLR1ZjRI439uaXNhK-8jDTceLFkhjmPU . En 1964, peu après la vaste mobilisation antimilitariste, Le fusil Brisé, où il avait fait ses armes d’agitateur, le Parti Socialiste Belge (PSB) provoqua la rupture d’avec sa gauche. Mathieu avait déjà rejoint la Section belge de la IVème Internationale alors clandestine à l’intérieur du PSB, dans l’opposition de gauche. Des diverses organisations autour de La Gauche qui se formèrent au grand jour [UGS(2)Union de la Gauche socialiste, PWT(3)Parti wallon des Travailleurs, JGS], seule la JGS, avec l’exaltation de Mathieu, a vraiment réussi à s’extirper de la gangue social-démocrate, de sorte que quand explosa ’68 elle était prête à embrayer. La JGS fut la principale organisation de la gauche radicale à conduire le mouvement étudiant qu’elle avait élargi aux écoles secondaires avec les Comités Boites. Notre mouvement était à la pointe de toutes les actions directes, les débordements, les provocations, dans toutes les mobilisations (Marches pour la Paix, Vietnam, antinucléaire…) avec un succès incontesté dans ces formes que la jeunesse de l’époque attendait clairement.

Entretemps, nous avions fusionné dans une nouvelle Section belge, la LRT (Ligue révolutionnaire des Travailleurs, 1971), publique cette fois, dont la JGS fournissait la partie militante. Quelques années plus tard, le style de la LRT était devenu plus laborieux, plus bolchevique, appliqué au travail de taupe à la recherche du noyau de la classe ouvrière. Avec le tournant ouvrier, un esprit libertaire comme celui de Mathieu allait forcément s’éloigner… Mais cet esprit avait aussi quelques mesures d’avance. Alors que notre organisation ouvrière laissait l’écologie politique au soin de la petite bourgeoisie, Mathieu, lui, inaugurait l’écosocialisme. En 1986 ! Au départ d’une scission de gauche d’Écolo et par un activisme intense parmi les jeunes, dans les quartiers, il cofondait les Verts pour une Gauche Alternative, VEGA (l’originale) qui remporta un succès incroyable à Uccle où ils eurent plusieurs élus ! Lors des vaines tentatives de Gauches Unies, Mathieu était bien sûr encore dans le coup.

Récemment, le style nouveau des anticapitalistes l’a ramené à notre courant. Malheureusement, la santé et les difficultés familiales nous ont privé de son activisme et puis un AVC a eu raison de ses dernières années qui furent bien misérables.

Nous avons une pensée émue pour Natacha, son épouse, et Loïc leur fils.

A l’heure qu’il est, nous ignorons tout des funérailles.

11-04-20

Photo : 27 novembre 1969, « PAS DE FLICS A L’USINE, PAS DE FLICS A L’UNIV ». Les étudiant.e.s manifestent avec les travailleurs/euses de Citroën. Mathieu Desclin (JGS) est le deuxième après les deux manifestantes en partant de la gauche. Source de l’image https://rouges-flammes.blogspot.com/2019/11/19-novembre-1969-il-y-50-ans-citroen.html

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