Le 17 novembre 1973, un tank de la junte des colonels abattait la grille d’entrée de l’université Polytechnique à Athènes, écrasant les étudiantEs mobiliséEs en masse et donnant le signal d’un massacre dans et autour de la fac.

Un an plus tard, la junte soutenue par les États-Unis tombait et depuis, chaque année, des mobilisations massives célèbrent cette révolte. Ces dernières années, la droite à laquelle participent d’anciens suppôts de la junte, tente de salir et faire oublier cet acte historique, dont le caractère, comme le souligne dans EF Syn le journaliste antifasciste Dimitris Psarras, est « une révolte liant l’explosion spontanée de la jeunesse avec l’action organisée de groupes de la gauche contre la dictature ».

« Éducation, pain, liberté »

Aujourd’hui encore, c’est là l’une des plus grandes peurs de la droite au pouvoir, car le mot d’ordre d’alors « Éducation, pain, liberté » reste plus actuel que jamais : dans les manifs cette année, les jeunes dénonçaient les mesures de privatisation et d’exclusion dans l’éducation, la politique de misère et de chômage. Ils dénonçaient aussi une répression violente des policiers de Mitsotakis, non seulement contre les mobilisations (par exemple, avec la destruction de la place Exárcheia, symbole de résistance), mais aussi contre la jeunesse en général. Cette semaine, les policiers ont de nouveau tué un jeune Rom et tabassé plusieurs jeunes.

Tous ces faits renforcent la colère des jeunes contre ce pouvoir très mal élu (un électeur sur cinq) et qui tente de faire croire le contraire pour imposer ses sales mesures. D’où l’importance du 17 novembre cette année, préparé en ce cinquantenaire par plusieurs meetings pour débattre du lien entre 1973 et 2023. Et, le 17, ont donc eu lieu dans le pays de nombreuses manifs, avec dans les principaux mots d’ordre des slogans antifascistes et anti-répression, et comme toujours une dynamique anti-impérialiste qui, cette année, a pris la couleur d’un soutien massif au peuple palestinien, notamment sur les banderoles et par le port de centaines de drapeaux palestiniens.

Mouvement social dynamique et absence de perspective crédible à gauche

À Athènes, la manif, formée de cortèges étudiants, de la gauche radicale et révolutionnaire et du KKE (PC grec), et forte de 30 000 personnes, est allée jusque devant l’ambassade américaine, une bonne partie continuant en direction de l’ambassade d’Israël. En tête de cortège, derrière un immense drapeau palestinien, les étudiantEs de Polytechnique et parmi eux, plusieurs soldats en uniforme, pour rappeler l’importance de résister à l’embrigadement. À Salonique, à Patras, les cortèges étaient massifs et partout avec ce caractère anti-impérialiste, forcément tournés contre la politique des États-Unis en raison de l’histoire locale et du soutien américain à Nétanyahou. Manque pourtant une dénonciation de l’impérialisme russe, de sa terrible guerre d’agression contre le peuple ukrainien et de son sale rôle en particulier dans le soutien à peine déguisé à des mouvements fascistes. Cela renvoie à l’histoire de la gauche grecque, marquée par le stalinisme et le campisme, mais aussi, dans la période, par une désorientation et un sectarisme très forts, certains se réjouissant ainsi de l’éclatement de Syriza (avec un « chef » sans aucune référence de gauche et grand inquisiteur) qui vient se rajouter au paysage très dispersé de la gauche grecque. En ce sens, ce 17 novembre illustre le paradoxe d’un mouvement social très dynamique et d’une absence de perspective crédible à gauche qui rend très urgentes des initiatives de dialogue et de recomposition.

Athènes, le 18 novembre 2023

Initialement publié sur l’Anticapitaliste, le 23 novembre 2023.

Image : Manifestation du soulèvement des étudiant·e·s de polytechnique à Athènes, 2009 (source : flickr)

Print Friendly, PDF & Email