Amazon a récemment été prise la main dans le sac. L’entreprise embauchait des experts du renseignement pour espionner ses salariéEs. La pratique est malheureusement courante.

La plupart des grandes sociétés multi­nationales ont des divisions de surveillance qui se superposent aux agences gouvernementales de renseignement. Cela crée un système unique et puissant de sécurité, à la disposition du gouvernement fédéral comme des entreprises privées pour être utilisé contre les travailleurEs.

Surveiller et punir

Le 1er septembre, Vice a rapporté qu’Amazon avait mis en ligne deux offres d’emploi pour des analystes du renseignement qui auraient à surveiller les menaces contre l’entreprise, parmi lesquelles la syndicalisation. La société a immédiatement retiré les offres, affirmant qu’il s’agissait d’une erreur. Mais les captures d’écran montrent qu’Amazon est explicitement à la recherche d’experts qui collectent des « renseignements exploitables » concernant notamment « les syndicats, les groupes militants, les dirigeants politiques hostiles ».

Les salariéEs d’Amazon ne sont pas syndiqués. Et l’entreprise veut que cela reste ainsi. Jeff Bezos ne serait pas l’homme le plus riche du monde si les principes fondamentaux de la maximisation des profits, de la réduction du « coût du travail » et, évidemment, de la manipulation des lois et des règlements ne lui étaient pas familiers.

Le syndicat, c’est le contraire de ces objectifs. Par sa seule existence, il exprime la volonté d’améliorer les salaires et les prestations sociales, d’assurer la sécurité et la santé au travail, toutes choses qui augmentent pour les patrons le « coût du travail » au détriment des profits. Si Bezos peut faire ce qu’il veut, aucun entrepôt d’Amazon ne sera jamais syndiqué.

L’opposition d’Amazon au syndicalisme comme à toute forme d’activisme ouvrier est bien connue. Amazon ne se donne aucun mal pour s’en cacher. Ainsi, plut tôt cette année, la firme a licencié Christian Smalls, directeur adjoint d’un entrepôt, pour avoir encouragé les salariéEs à se protéger, sur le lieu de travail, face aux pratiques dangereuses relatives à la diffusion du coronavirus.
Anciens des agences gouvernementales

Les services d’espionnage des entreprises se sont professionnalisés à la fin de la guerre froide, lorsque des agents secrets au chômage provenant de la CIA, du FBI et de la NSA (National Security Agency) ont créé des associations professionnelles pour prendre pied dans le secteur privé. Les premières entreprises multinationales à embaucher ces experts du renseignement formés par le gouvernement se sont centrées sur la collecte d’informations visant les entreprises concurrentes. Cela s’est transformé en une course aux armements pour l’espionnage d’entreprises, dans laquelle les firmes ont été de plus en plus obligées de créer des divisions similaires pour se défendre et rester compétitives.

La prolifération dans les grandes entreprises de ces experts du renseignement formés par le gouvernement a accru leur capacité à espionner quiconque menacerait leurs résultats, les groupes de défense de l’environnement et de défense des droits de l’homme, les lanceurs d’alerte, les journalistes et, bien sûr, les syndicats et les salariéEs qui pourraient donner à penser qu’ils voudraient se syndiquer.

Qu’un individu ou qu’une organisation milite ouvertement pour des salaires plus élevés ou des réglementations plus strictes, et ils seront surveillés par les plus grandes firmes du monde qui font appel aux anciens espions du gouvernement.

Les offres d’emploi d’Amazon attirent beaucoup l’attention de la presse. C’est la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elles ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Publié sur Jacobin ; version intégrale (en français) sur À l’Encontre.

Print Friendly, PDF & Email