Ce 21 mai, plusieurs conférences mettant à l’honneur des figures d’extrême droite sont programmées en Belgique. On y retrouve notamment Alice Cordier de Némésis, groupe fémonationaliste, et Dora Moutot, transphobe notoire. Toutes deux portent un discours ultra-réactionnaire et ont une proximité avec l’extrême droite qui ne trompe plus personne. L’extrême droite n’a sa place nulle part et partout où elle voudra s’implanter la riposte antifasciste et féministe s’organisera, comme ce 21 mai, et tant qu’il le faudra.
À Bruxelles, le MCC Brussels organise un événement intitulé “Les femmes et le conservatisme”, réunissant plusieurs représentantes influentes de l’extrême droite européenne. Parmi les intervenantes : Barbara Bonte, députée européenne du Vlaams Belang ; Birgit Kelle, journaliste allemande connue pour ses prises de position anti-IVG, contre les familles homoparentales, proche de l’AfD et ouvertement transphobe (comme en témoigne son livre Gendergaga) ; et Alice Cordier, “féministe” d’extrême droite à la tête du Collectif Némésis, groupe français s’inscrivant dans la mouvance identitaire et promouvant une vision ethno-différentialiste de la société.
Le MCC (Mathias Corvinus Collegium) est un centre de recherche et de formation privé, lié au gouvernement hongrois de Viktor Orbán – qui rappelons-le a récemment interdit la Pride à Budapest. Présent à Bruxelles depuis 2022, le MCC initie régulièrement des conférences similaires ainsi que des événements de networking, notamment la NatCon (“National Conservatism Conference”, une conférence internationale des extrêmes droites) en avril 2024. Ses lieux de prédilection incluent notamment le Thon Hotel, qui, malgré les nombreuses alertes et interpellations de militant·es antifascistes, continue d’accepter d’accueillir l’extrême droite. Le MCC publie également divers rapports et podcasts relayant ses idées nauséabondes, comme en témoigne l’un de ses derniers articles qui explique comment “l’agenda radical du genre” viderait les caisses de l’UE, en plus d’être supposément une menace pour les droits des femmes et la protection des enfants.
Face à cette nouvelle tentative de l’extrême droite de trouver une caisse de résonance sur le territoire belge, la mobilisation s’organise : le Front antifasciste bruxellois notamment appelait à se rassembler devant le Thon Hotel, pour contester la tenue de cette conférence. Grâce à la pression des collectifs antifascistes, (et notamment des actions des poulettes antifascistes) la conférence à été délogée et ne se déroulera pas au Thon Hotel comme prévu. Mais la mobilisation est maintenue car il est très probable que la conférence ait lieu dans un autre lieu, pour l’instant inconnu.
En parallèle, une autre conférence intitulée “Transgenre – Comprendre l’idéologie pour combattre ses dérives” est annoncée à Mont-Saint-Guibert, avec comme invitée Dora Moutot, l’une des figures françaises les plus ouvertement haineuse à l’encontre les personnes transgenres. Coautrice, avec Marguerite Stern, du torchon transphobe Transmania, elle connaît une tribune importante auprès des médias d’extrême droite, mais aussi par certain·es membres du gouvernement de Macron. Sous la pression de plusieurs groupes militants, notamment via un communiqué initié par Louvain-La-DéTERF, le lieu de rendez-vous initial a refusé de maintenir l’événement. Malgré cette réussite, l’événement aura bien lieu même si les organisateur⸱ices restent volontairement discret⸱es à ce sujet.
Cette conférence est organisée à l’initiative de l’Institut Thomas More, qui se présente comme un “laboratoire d’idées libéral-conservateur”, mais dont les positions et affiliations témoignent clairement d’une orientation d’extrême droite. Dirigé par Aymeric de Lamotte (ancien candidat sur les Listes Destexhe), l’Institut donne régulièrement la parole à des figures comme Alice Cordier ou Giorgia Meloni, et a récemment collaboré avec Georges-Louis Bouchez pour promouvoir une campagne alarmiste contre l’EVRAS.
Les dangers du fémonationalisme et de la montée de l’extrême droite pour les femmes*
On le voit de plus en plus : l’extrême droite prétend désormais s’adresser aux femmes. Elle parle de liberté, de sécurité, de droits, parfois même d’émancipation. Mais derrière ce vernis pseudo-féministe se cache une stratégie profondément réactionnaire : le fémonationalisme. Ce concept désigne l’instrumentalisation des luttes féministes à des fins racistes, nationalistes et islamophobes. Concrètement, il s’agit pour l’extrême droite de prétendre défendre les femmes uniquement contre un ennemi intérieur : les hommes racisés, migrants et/ou musulmans. Leur stratégie détourne les combats féministes de leurs causes structurelles au profit d’un agenda sécuritaire, répressif et anti-immigration.
Dans cette logique idéologique, l’extrême droite assigne les femmes à leurs rôles traditionnels soi-disant “naturels” : mères, épouses, garantes de l’ordre moral chrétien et “reproductrices de la nation”. À titre d’illustration, la montée en puissance du mouvement Tradwife, valorisant la femme au foyer soumise à son mari, en est une des manifestations actuelles. Les attaques contre le droit à l’avortement, la remise en cause des aides sociales, l’opposition à l’égalité salariale et aux congés spécifiques s’inscrivent toutes dans cette même volonté : maintenir les femmes dans leur foyer et leur faire perdre leur autonomie.
À ce fémonationalisme s’ajoute aujourd’hui une transphobie virulente, portée par des figures comme Marguerite Stern ou Dora Moutot. Sous couvert de “féminisme”, elles diffusent des discours haineux contre les personnes trans, et tout particulièrement les femmes trans. Leur rhétorique les rapproche clairement de l’extrême droite : fixation sur un “lobby transactiviste”, essentialisation des identités de genre et négation de la réalité des personnes concernées. Ces discours sont non seulement transmisogynes, mais ils sapent aussi les fondements des luttes féministes.
En Belgique, les campagnes anti-genre, centrales dans le discours de l’extrême droite, se développent de plus en plus. On se rappelle par exemple de la panique morale autour des cours d’EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) allant jusqu’au déclenchement d’incendie dans des écoles en Wallonie en septembre 2023. Ces campagnes visent à remettre en question les droits des femmes et des personnes LGBTQI+ en s’opposant à des avancées telles que l’avortement, le mariage pour tous·tes, l’éducation à la sexualité et les droits des personnes trans. Bien que ces courants restent encore relativement marginaux, les récentes évolutions politiques suggèrent un basculement possible et des rapprochements sont déjà à l’œuvre (notamment entre le MR et l’Institut Thomas More, comme mentionné ultérieurement).
L’extrême droite joue donc sur plusieurs tableaux : elle tente de séduire les femmes électrices, en se réappropriant certaines causes féministes bien choisies ; elle relaie des paniques morales autour du genre, pour nourrir ses obsessions identitaires ; et elle reconfigure ses discours, en mobilisant des femmes pour camoufler son antiféminisme historique.
S’organiser ensemble contre l’extrême droite et pour une société féministe
Face à la montée de l’extrême droite, à ses offensives idéologiques comme à ses tentatives d’instrumentalisation des luttes féministes, notre riposte doit être collective, antifasciste, antiraciste et féministe. Nous refusons que le féminisme soit instrumentalisé pour justifier des politiques racistes, sécuritaires et transphobes ou que des figures réactionnaires se parent d’un vernis “féministe” pour mieux attaquer les minorités, semer la haine et renforcer le patriarcat.
Nous devons combattre les fausses informations et informations trompeuses véhiculées par l’extrême-droite en rétablissant les faits, et empêcher dès que possible la tenue de leurs événements. Le 21 mai, soyons nombreux·ses dans la rue pour dénoncer leurs conférences réactionnaires, que ce soit à Bruxelles ou ailleurs. Rejoignons la mobilisation du Front antifa bruxellois ce 21 mai à Bruxelles, et restons en alerte contre toute tentative de relocalisation de la conférence à Mont-Saint-Guibert ou ailleurs. Au-delà du 21 mai, organisons-nous ! Partout dans le monde, l’extrême droite gagne en puissance et est à minima aux portes du pouvoir quand elle n’y est pas déjà. En Belgique, les gouvernements Arizona au fédéral et apparentés aux autres niveaux de pouvoir opèrent un rapprochement avéré voire avec l’extrême droite, que ça soit au niveau programmatique ou par les positionnements de certains membres de ces gouvernements. Le danger est réel et urgent : il est plus que jamais nécessaire de construire des alliances larges entre les différents mouvements sociaux, qu’ils soient féministes, antiracistes, queer, syndicaux et antifascistes. Pour faire tomber toutes les forces réactionnaires, mais aussi pour construire une alternative politique capable de battre la droite et l’extrême droite : pour une société des besoins, humaine, féministe, antiraciste et solidaire !
Photo : Paris, 2019-10-19. Une manifestante avec une pancarte avec le slogan « Ensemble contre les islamophobie, transphobie ». Rassemblement contre l islamophobie. Photographie de Martin Noda / Hans Lucas. Source : photothèque rouge du NPA-l’Anticapitaliste