Mon fils, mon petit militant, mon jedi,

Le père Noël n’existe pas. La féerie, la magie tout ça c’est des conneries auxquelles je ne vais pas te faire croire ce soir. Je dois te raconter un truc mon petit gars.

Les manifs c’est pas juste des camarades-tonton-tata souriants avec qui tu fais des concours de photos et qui t’apprennent à scander des slogans dans un gueulo. Ce week-end il y a deux manifs de prévues.

Je t’entends déjà me demander « c’est sur quoi ? On y va ? On fait une pancarte ? »

La première, mon chaton, c’est parce que tu n’es pas le seul à qui on répète 10 fois par jour « non, mon fils, ça c’est impossible je n’ai pas assez de sous » et que toutes ces mamans et tout ces papas en ont marre d’être si pauvres alors qu’il y a beaucoup beaucoup d’argent chez quelques personnes qui ne veulent pas partager avec nous. Et tu sais quoi, leur argent, c’est nous qui le produisons.

Oui, je sais, on aurait pas du se laisser faire et depuis longtemps mais c’est ça qui est beau, aujourd’hui les pauvres ont décidé de ne plus laisser faire. Mais les riches se défendent, ils ont le pouvoir et la police protège le pouvoir.

Depuis 4 semaines les pauvres demandent à récupérer un peu des richesses qu ils produisent. Pas pour eux tout seuls, pour tous.  Pour toi qui ne travaille pas encore, pour papy qui était malade, pour Félix qui doit aller à la crèche, pour Mamy qui ne travaille plus, pour Mimi si elle devient maman, pour toi si tu ne trouves pas du travail tout de suite, pour les migrants qui logent chez papy.

Mais je ne t’emmènerai pas à cette manif là, parce que j’ai peur pour toi. Et le paradoxe est tellement énorme que c’est précisément la raison pour laquelle moi j’y vais, parce que j’ai peur pour toi ! Mais ce n’est pas la même peur.

J’ai peur que tu n’arrives plus à respirer parce que les policiers utilisent des lacrymogènes et que ces bombes là ça fait ça mon chaton.  J’ai peur que tu trembles dans mes bras comme cette femme, samedi dernier, que j’ai serré fort jusqu’à ce que ça passe. J’ai peur qu’ils t’embarquent dans un bus pour te parquer dans une écurie pendant 5h. J’ai surtout peur que tu aies peur.

Parce que je veux t’élever, je veux que tu sois un homme debout, qui pense, qui aime et qui dit mais que je veux te laisser le temps de construire ton courage, ta tolérance et ta solidarité.

Puis il y a cette autre manifestation dimanche et celle-là accélère le temps qu’on pouvait se laisser. celle-là, mon cœur, je ne l’avais pas vue venir. On se prépare définitivement toujours mal à l’horreur.

30000 personnes d’extrême-droite, extrêmement racistes, extrêmement dans le rejet des étrangers se disent prêtes à marcher dans Bruxelles pour hurler leur haine. 30000 personnes en 24h, je ne sais même pas si je réalise ce chiffre en te l’écrivant. Tes camarades-tonton-tata ont immédiatement décidé d’organiser une contre manif pour diffuser notre message d’accueil. Tu sais, tout tes slogans sur tes pancartes, depuis des mois.

Alors, hier mon cœur de louve voulait fermer toutes les portes pour te protéger en te cachant. Et puis aujourd’hui, mon amour, j’ai décidé que nous irions marcher dimanche. Dimanche à 11h tu seras un petit homme debout, tu diras le monde qui est à toi et comment tu le veux. Encore une fois on suivra les conseils de yoda et on ne laissera pas la peur nous mener à la colère et la colère nous mener à la haine.

Mon petit jedi, le côté obscur de la force est plus présent que jamais mais on va rejoindre ceux qui combattent pour plus de justice sociale, pour un monde sans frontières où plus aucun enfant (même les enfants de 40 ans) ne sera illégal.

Ta mère cette féministe fière, radicale et quand même un peu en colère.

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